mercredi 16 mai 2012

Agences de notations.

L'autre soir, je me suis trouvée par hasard à regarder la télé en attendant le retour de l'Epoux. Zappe que je te zappe, je finis par atterrir sur une des nombreuses émissions de Ruquier et de sa clique habituelle. Dans celle-ci, si j'ai bien compris, de "jeunes talents comiques" viennent faire des sketches sur des thèmes imposés et sont évalués par la fine fleur de la télévision française.
Au moment où je commence à regarder l'émission (car pour une raison oubliée, je n'ai pas pu changer de chaîne tout de suite), un malheureux jeune homme se fait allègrement dessouder par ladite fine fleur qui lui attribue des notes (sur vingt) pitoyables agrémentées de commentaires mesquins voire franchement abjects sur son manque de drôlerie et d'inventivité. Isabelle Mergault, modèle d'élégance et de distinction comme chacun sait, se montre tout particulièrement odieuse.

Ruquier annonce ensuite l'arrivée d'un autre jeune homme répondant au nom d'Arnaud Tsamère, apparemment déjà assez connu mais pas de moi. Il déploie moult énergie,  assez réjouissante assurément, pour animer un sketche pourtant pas très drôle ni très original (une parodie de pièce de boulevard comme cela a déjà été fait cent fois par les Inconnus et tant d'autre après eux). Mais à peine ouvre-t-il la bouche que la Mergault hurle des rires stridents qu'elle émettra pendant toute la durée du sketche, et finira par lui attribuer la note de 20/20 car "c'était génial". Va savoir pourquoi.


Quelques jours plus tard, j'allume de nouveau la télé - le temps d'allaiter mon fils, lire pendant ce temps étant tout à fait impossible ou alors fortement compliqué. Manque de bol, je me rends compte après avoir collé au sein le rejeton que la télécommande est sur la table basse, donc tout à fait hors de portée. Je suis donc condamnée à ne pas pouvoir changer de chaîne, éteindre la télé m'étant pareillement interdit. Je dois donc me coltiner le programme de tf1 à dix heures du matin, et cela vaut son pesant de cacahuètes car il s'agit d'un délicat produit de télé-réalité, "Quatre mariages pour une lune de miel". L'idée ? Quatre donzelles notent mutuellement leurs mariages (robe, lieu de réception, menu, ambiance) et la mieux classée gagne un voyage (avec son mari, quand même) dans les îles. 
Là encore, notes mesquines et commentaires aussi vulgaires qu'assassins sont de rigueur. 


Si j'en crois de plus calés que moi, l'émission "à notes" est une constante de la télé, public et invités des plateaux s'en donnant à coeur joie pour produire des appréciations blessantes et mesquines. Ce qui est étonnant, c'est que si mes collègues professeurs et moi-même nous nous permettions le quart du dixième des commentaires de l'acabit susmentionné, on aurait en moins de cinq minutes les parents, la DDASS, les flics, les assistantes sociales le rectorat sur le dos. On pointerait du doigt nos méthodes archaïques fondées sur les brimades à répétitions. On montrerait au journal télévisé des élèves traumatisés, voués à l'échec éternel.
Et je n'ai pas besoin de rappeler dans les détails comment les associations de parents d'élèves s'activent pour la suppression des notes à l'école parce que c'est traumatisant, ça incite à la compétition, c'est vilain, caca, bouh, affreux affreux affreux.

Alors, quid ? Il me semble pourtant que prendre une sale note à une copie X rédigée à un instant T avec un commentaire un peu sec qui ressemblera au pire à quelque chose du style "la leçon n'est pas apprise" est nettement moins dur à avaler sur le plan personnel, que de consentir à se faire atomiser en public sur son mariage ou sa prestation artistique.

Ce monde de fous n'a pas fini de me surprendre.