J'ai eu l'honneur et le privilège d'avoir eu une éducation fort soignée. Entre autres choses, mes parents, convaincus que la musique adoucit les moeurs et permet aux demoiselles de trouver un bon mari, nous ont collés, mes soeurs et moi-même, devant un instrument de musique. Grande Soeur et ma pomme avons eu droit au piano (il n'y avait que ça dans mon village à l'époque) et Petite Soeur a passé les jeunes années de sa vie à nous pourrir l'existence une demi-heure tous les soirs avec un violon - elle se débrouille ma foi fort bien aujourd'hui, mais tous ceux qui ont eu la bonne idée de faire apprendre le violon à leur mioche savent bien que c'est une immense souffrance. On sait tous que ce n'est pas le chemin qui est difficile, mais que c'est le difficile qui est le chemin, n'empêche que l'apprentissage du violon est quelque chose de redoutable.
L'école de musique du village organisait chaque année une audition pour la fête de la musique, le 21 juin. L'audition, ça consistait à demander aux parents de mettre une chemise et de la brillantine dans les cheveux des petits garçons, et une robe à smocks pour les petites filles, et d'aller dans la salle polyvalente Georges Duby (la célébrité absolue pour les petits provençaux des années 80-90, avec Frédéric Mistral), monter sur scène et interpréter un morceau de musique préparé avec acharnement au long du mois précédent sous la tendre férule du professeur (un beau gosse brun aux yeux vers, mais j'avais pas l'âge, alors n'allez pas croire des trucs (notez que le prof de piano a un petit frère beau gosse brun aux yeux bleus... qui enseigne maintenant le violon a ma Petite Soeur susnommée (le monde est petit et l'école de musique du village s'est agrandie, maintenant on peut faire de la batterie et de la guitare)))). Cela permettait d'épater Papi-Mamie venus de la campagne pour l'occasion.
Et après, on avait droit à du jus d'orange et parfois même du coca dans des verres en plastique, et des chips dans un saladier. Même si nos parents, ces tortionnaires fascistes, nous empêchaient de nous goinfrer (parce que sinon après tu ne mangeras plus rien à table), c'était quand même rien chouette, l'audition. Pendant qu'on subtilisait des poignées de chips pour les manger derrière le rideau de la scène, le prof de musique s'entretenait avec les parents désireux de savoir si la progéniture avait fait des progrès pendant l'année.
Et puis un jour, je suis arrivée à Paris. Où j'ai découvert qu'en fait, la fête de la musique chez les gens bien de la capitale, ça consiste à foutre de la soupe à fond les gamelles dans les rues à partir de 16h, heure à laquelle les canettes de bière commencent également à joncher le sol parisien. Le soir, on assiste à des compétitions de rare qualité, où l'on peut voir des groupes de jeunes aux cheveux gras s'exercer à vomir le plus possible sur les trottoirs. Enfin, on a le plaisir de noter que plus le cheveu du musicien est gras, plus le public semble l'apprécier. Pour peu que son T-shirt comporte des têtes de mort, c'est du délire !
Les gens vomissent de partout, même les filles ne se gênent pas pour uriner en pleine rue, que du bonheur. Paris est une fête.
Je hais la fête de la musique. De tout mon coeur. Et, même si Dieu sait que pour rien au monde je ne voudrais revivre mes dix-huit premières années, j'en viens à regretter mes robes à smocks.
L'école de musique du village organisait chaque année une audition pour la fête de la musique, le 21 juin. L'audition, ça consistait à demander aux parents de mettre une chemise et de la brillantine dans les cheveux des petits garçons, et une robe à smocks pour les petites filles, et d'aller dans la salle polyvalente Georges Duby (la célébrité absolue pour les petits provençaux des années 80-90, avec Frédéric Mistral), monter sur scène et interpréter un morceau de musique préparé avec acharnement au long du mois précédent sous la tendre férule du professeur (un beau gosse brun aux yeux vers, mais j'avais pas l'âge, alors n'allez pas croire des trucs (notez que le prof de piano a un petit frère beau gosse brun aux yeux bleus... qui enseigne maintenant le violon a ma Petite Soeur susnommée (le monde est petit et l'école de musique du village s'est agrandie, maintenant on peut faire de la batterie et de la guitare)))). Cela permettait d'épater Papi-Mamie venus de la campagne pour l'occasion.
Et après, on avait droit à du jus d'orange et parfois même du coca dans des verres en plastique, et des chips dans un saladier. Même si nos parents, ces tortionnaires fascistes, nous empêchaient de nous goinfrer (parce que sinon après tu ne mangeras plus rien à table), c'était quand même rien chouette, l'audition. Pendant qu'on subtilisait des poignées de chips pour les manger derrière le rideau de la scène, le prof de musique s'entretenait avec les parents désireux de savoir si la progéniture avait fait des progrès pendant l'année.
Et puis un jour, je suis arrivée à Paris. Où j'ai découvert qu'en fait, la fête de la musique chez les gens bien de la capitale, ça consiste à foutre de la soupe à fond les gamelles dans les rues à partir de 16h, heure à laquelle les canettes de bière commencent également à joncher le sol parisien. Le soir, on assiste à des compétitions de rare qualité, où l'on peut voir des groupes de jeunes aux cheveux gras s'exercer à vomir le plus possible sur les trottoirs. Enfin, on a le plaisir de noter que plus le cheveu du musicien est gras, plus le public semble l'apprécier. Pour peu que son T-shirt comporte des têtes de mort, c'est du délire !
Les gens vomissent de partout, même les filles ne se gênent pas pour uriner en pleine rue, que du bonheur. Paris est une fête.
Je hais la fête de la musique. De tout mon coeur. Et, même si Dieu sait que pour rien au monde je ne voudrais revivre mes dix-huit premières années, j'en viens à regretter mes robes à smocks.