lundi 25 juillet 2011

Quelques notes décousues sur les femmes (réédition)


Ma soeur aînée, ingénieur, a un super travail très haut placé qui lui permet, à tout juste trente ans, de gagner des tas de sous comme la plupart d'entre nous n'en pourront même pas rêver.

Mon beau frère aussi, gagne des tas de sous, mais moins.

Souvent, quand les gens savent ça autour de nous, il y a des réactions outrées.

Cela s'outre d'autant plus quand ils apprennent que ma soeur, deux enfants - huit et quatre ans - travaille énormément et que c'est son mari qui assure beaucoup de choses à la maison.


Ma soeur attend son troisième enfant et déjà j'ai entendu plusieurs personnes me dire que maintenant elle allait bien être obligée (oui oui, obligée) d'arrêter de travailler ou alors de ralentir de beaucoup son activité.


Alors NON, messieurs-dames, elle ne fera rien de cela. Le papa gère déjà admirablement bien et personne parmi nous (les parents et soeurs) ne voyons pourquoi sous prétexte d'un troisième enfant elle devrait renoncer à sa place. Ou alors c'est une question métaphysique (genre le troisième enfant doit obligatoirement avoir sa mère au foyer, sinon il deviendra militant à la LCR ?), je ne sais pas ?


Et parce que ça semble un peu dur à la comprenette, je republie ce que j'avais écrit il y a quelques mois et qui m'avait valu une volée d'insultes (que j'avais censurées joyeusement, je suis pas maso non plus).

Et comme la base de la pédagogie, c'est la répétition, on va espérer que ça soit bénéfique.






Pour bien donner une idée de ma position sur la question, une petite histoire.

Il se trouve que, dans le mouvement scout où j'ai traîné longtemps mes guêtres, il y a ce que l'on appelle les Guides Aînées, le pendant féminin des Routiers. En gros, c'est ce qu'on fait après avoir été guide (ou scout) et avant de devenir cheftaine (ou chef). J'ai été, pour ma part, dans un groupe, où, grosso modo, on vous expliquait que votre rôle à venir, c'est bonne soeur ou mère de famille. Ou, éventuellement, laïque consacrée. Point final.

Tout cela s'accompagnait d'un enseignement assez éléphantesque (dans sa subtilité autant que dans sa quantité) sur l'éducation à l'affectivité - id est, en quatre mots : pas avant le mariage. À une époque où je m'apprêtais à entamer des études longues en commençant par une prépa, j'aurais préféré peut-être entendre des choses sur le savoir et son rôle dans la foi, sur le rôle des études et de la connaissance dans la vie d'une femme, mais bon, il ne faut pas trop en demander.

Malgré tout, l'année que j'ai passée aux Guides Aînées fut plutôt agréable et se termina ma foi fort bien par un pélerinage entre Pérouse et Assise, qui reste un des événements marquants de ma fin d'adolescence.

La fin de l'année fut marquée par ce qui s'appelle les prises d'engagement chez les Guides Aînées. En gros pour les non-initiés, c'est là où on s'engage à suivre dans toute sa vie les principes scouts (esprit chevaleresque, sens du service, etc, etc). C'est là que ça devient intéressant pour mon propos.

Chez les routiers, la prise d'engagement se fait par un cérémonial magnifique et se termine lorsque le nouvel engagé quitte le cercle où il vient de renouveler sa promesse face aux autres, et part, après avoir reçu un bâton de marche et une bible, seul dans la nuit pour une marche, exercice à la fois physique et spirituel, de plusieurs jours, en solitaire. Les paroles sont belles et solennelles. Elles appellent à l'élévation, au dépassement de soi.

Pour les guides aînées, les filles, donc... la cérémonie est bien plus courte, assez gnangnan et se termine... lorsque les filles se réunissent au coin du feu en veillée prière.

Super, n'est-ce pas ? Excessivement excitant !

Avec le recul, j'ai retiré de cela et de bien d'autres choses, l'idée que le problème, c'est que l'Église ne sait pas trop quoi faire des femmes. Oui oui, je sais bien, la Vierge Marie et les saintes femmes... mais si j'ai bien compris, la Vierge Marie, il n'y en a eu qu'une, il n'y en aura pas d'autres. Et chez les saintes femmes, on met en valeur soit leur martyre (et leur vertu), soit à l'inverse, leur "virilité", chez les abbesses et autres grandes dames (Thérèse d'Avila, Hildegarde de Bingen, etc).


Un autre exemple ? Une fois, un site catho que je ne nommerai pas mettait en lien un site destiné aux femmes catholiques, "Sentinelles de l'invisible". En lien avec la pastorale de l'Eglise sur le rôle des femmes dans la transmission de la spiritualité dans la famille et dans le monde.
Je me suis dit Ah, tiens, chic alors, enfin un truc intéressant, du genre à vous faire réfléchir sur votre rôle de femme. Je trouvais le titre particulièrement bien trouvé.
Ben non. Les Sentinelles de l'invisible, sur ce site, elles s'échangent des tuyaux pour acheter des pelotes de laine 100% coton (qui passent mieux à la machine) et des bocaux de cuisine avec 50% de réduction.

Voilà. Le rôle des femmes, c'est le bon plan tricot et tupperware. Sors pas de la cuisine ma fille, tu vas t'enrhumer le cerveau si tu réfléchis.



Je n'irai pas jusqu'à dire, comme on peut parfois le voir, que les femmes sont des membres de seconde zone de l'Église catholique. N'empêche que. Il y a des choses sur lesquelles ont peut s'interroger.

Quand j'étais petite, je voulais être prêtre. Et puis ma mamie m'a expliqué que je pouvais seulement être religieuse. Mais je veux prêcher, disais-je ! Tu pourras aller en mission en Afrique (ma mamie a connu les colonies, on ne va pas la refaire) ou entrer chez les Ursulines, là tu pourras enseigner. Mais je veux prêcher à l'église, moi. Bah non. Pas touche. Il fallait naître homme.

C'est de la jalousie de bas étage, je vous l'accorde. Qui me travaille lorsqu'il m'arrive de m'ennuyer ferme pendant l'homélie du dimanche, lorsqu'un prêtre aux piètres capacités d'orateur enchaîne phrases pompeuses et vides en guise de sermon, du style curé dans Les Langages hermétiques des Inconnus - "et il n'est même pas fichu de faire trois parties", m'arrive-t-il de grincer avec peu de charité. Car je suis bien consciente de manquer cruellement et d'humilité et de charité en ces moments. N'empêche que le "je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas en faire autant" est une tentation.

De fait, le sacerdoce féminin ne fait pas partie de mes chevaux de bataille. Je préférerais que l'on travaille d'abord un peu plus en profondeur à l'éducation catholique des femmes - un peu plus de mise en avant de l'intelligence, du savoir et de la réflexion (ah, ces gamines qui avouent encore avec fierté connaître le Salve regina par coeur, mais ne comprennent pas le latin) un peu plus de considération pour le travail féminin, un peu moins de gnangnan et un peu plus d'élévation, ce ne serait déjà pas si mal.

Je m'agace régulièrement de certaines personnes qui voudraient absolument faire de l'élevage des gosses la seule gloire d'une femme. Oui, c'est bien, c'est noble, c'est tout ce que vous voulez, mais on peut difficilement dire que c'est franchement excitant pour tout le monde. D'ailleurs, si c'était si épanouissant que ça, la plupart des hommes de familles cathos-BCBG pleins d'enfants (mais pas seulement hein : on peut très bien être un mufle sans cela) se hâteraient un peu plus le soir pour rentrer avant que Madame ne se soit chargée toute seule du bain, des couches, du dîner, du ménage et du coucher.

Ensuite, j'aimerais bien qu'on m'explique en quoi c'est forcément mieux pour un enfant d'être élevé par une mère au foyer qui l'aurait allaité toute son enfance. Que je sache, je ne crois pas que Louis XIV ait été allaité et torché par Anne d'Autriche, ça ne l'a pas empêché 1. d'adorer sa mère et 2. de réussir pas trop mal dans sa vie. Cette configuration, à savoir la mise en nourrice des enfants, concerne l'écrasante majorité des enfants des franges supérieures des sociétés de l'époque moderne (noblesse d'abord, puis bourgeoisie plus ou moins modeste par imitation), et ils n'en sont pas tous morts, pour autant que je sache.
Oui, les médecins et les pédiatres s'accordent à dire que physiologiquement, cela peut être mieux pour un enfant d'être allaité pendant au moins six mois après sa naissance. Pour la mère, cela participe aussi de sa récupération (perte de poids, etc). Mais pour celles qui n'ont pas de lait ? Qui ne veulent pas (ne peuvent pas) allaiter ? On a toujours su se débrouiller autrement sans engendrer de catastrophe démographique, alors foutez-nous la paix avec ces histoires d'allaitement et de mère au foyer.

Enfin, beaucoup de femmes font des études. Ce n'est pas pour se retrouver aide-ménagère gratuite. Dans mon entourage, il y a des femmes professeurs de lettres classiques, ingénieurs, polytechniciennes, médecins... qui veulent avoir des enfants, les éduquer, en faire des êtres à part entière avec des valeurs, de la culture... mais qui n'ont pas forcément l'intention de renoncer aux plusieurs milliers d'euros par mois auxquels elles peuvent aspirer. Beaucoup disent que c'est de l'égoïsme de mères dénaturées. Et là non plus, je ne vois pas bien ce que vient foutre l'amour maternel là-dedans.

Pour ma part, je travaille pour l'argent, comme tout le monde, en fait. Si je pouvais être rentière, croyez-moi, je serais la première à ne plus en foutre une rame. Sauf que je ne me transformerais pas, je ne me transformerai jamais, en aide-ménagère gratuite. Car je ne considère pas que changer des couches et faire des lits soit une vocation et une fin en soi. Que ça soit essentiel et qu'il faille bien en passer par là, d'accord. Que l'on veuille y échapper si on en a la possibilité ne me paraît pas être le comble de la monstruosité.


Malheureusement, quoi qu'on fasse, on fera le mauvais choix. Tu veux t'arrêter de travailler ? Tu es une feignasse attardée entretenue par un homme. Tu veux faire des enfants, prendre ton congé maternité ? Tu es une traître à la cause, une pondeuse indigne du monde du travail. Tu veux travailler alors que tu as des enfants ? Tu es une salope égoïste, une mauvaise mère, tes enfants finiront drogués et prostitués, voire pigistes au Monde diplomatique.

Mais merde à la fin. On ne peut pas avoir le choix ?

samedi 23 juillet 2011

Zizique de l'été

Comme une sale bourge que je suis, j'ai encore cette année honteusement profité des privilèges de la caste dans laquelle je suis née – c'est-à-dire que mes parents ont acheté comme chaque année des places au Festival d'Aix, et qu'étant ce jourd'hui de passage chez eux, mon père a gracieusement cédé sa place pour que j'aille parfaire mon éducation de jeune fille de bonne famille à l'opéra avec maman.


Cette année, c'était Haendel, Acis et Galatée.


Les joies du Festival, c'est avant tout les lieux. Pour ce spectacle, c'était dans le parc d'une ancienne commanderie XVIIe siècle avec pièce d'eau et tout le toutim, y compris les inévitables machins d'art contemporains apportés pour l'occasion – cette année, c'était des loupiotes vertes dans les arbres, un truc en rapport avec les lucioles, j'ai pas bien compris mais c'était plutôt joli alors je n'ai pas trouvé à redire.

La musique, RAS. Haendel, c'est tagada tsoin tsoin, au carré, pas de surprises, que du bon et du beau. L'histoire, c'est à base de bergers (Acis, donc) qui tombent amoureux de nymphes (Galatée), et ont des tas d'ennuis parce que le monstre Polyphème veut piquer la nymphe au berger, et écrabouille donc ce dernier sous un rocher. Le berger meurt mais la nymphe le rend immortel en l'immergeant dans l'eau et le transforme en dieu-source. Ce qui sous entend que ça ne termine quand même pas super bien, mais pas trop trop mal non plus.

Les chanteurs et les musiciens étaient issus de l'Académie européenne de musique, un établissement fondé pour recruter au niveau européen des jeunes talents, le concept étant plutôt réjouissant car ça change un peu des festivals pleins de stars du milieu – j'ai rien contre les stars, notez, j'étais même en pâmoison la fois où Ruggero Raimondi est passé à deux mètres de mon fauteuil, mais je trouve plutôt sympathique de donner leur chance à des petits jeunes bourrés de talent.

Sur scène, du mouvement, de la danse, de la grâce, de l'amour, des jeux de lumière superbes, des trouvailles rigolottes et intrigantes (j'ai passé les cinq dernières minutes du spectacle à me demander « mais comment ont-ils fait » pour qu'Acis, quand il se transforme en source, se retrouve à faire jaillir de l'eau pendant tout ce temps de ses manches), un choeur bondissant et souriant qui électrise toute la scène.

Et, charme des charmes, les cigales qui font encore un peu, malgré la nuit, quelques kss kss kss à l'arrière-plan. Un truc que les parisiens n'auront jamais à l'Opéra.


Il y a de belles choses en ce bas monde.

jeudi 21 juillet 2011

La série de l'été : Paris révolutionnaire, 1. La maison de Robespierre.

J'ai, ces derniers jours, entendu plus d'aberrations et de stupidités sur la Révolution, que jamais. A croire que la droite décomplexée, c'est aussi la connerie libérée de la retenue qui sied à ceux qui ne savent pas de quoi ils parlent (c'est un peu comme l'affaire DSK : de même qu'on a tous un anus, on a tous un avis).


Alors, comme acte de résistance à la balourdise anti-révolutionnaire de base, aussi bête que l'angélisme récurrent de la célébration béate de la prise de la Bastille (et du nombre qu'il en reste à prendre, c'est bien connu), j'ai voulu faire une petite série de posts d'été consacrés aux lieux parisiens de la Révolution, choisis et traités de manière arbitraire et tout à fait préférentielle par ma pomme.

A tout seigneur tout honneur, j'inaugure par la maison de Robespierre, située rue Saint Honoré, à Paris.

Ce n'est en fait pas sa maison, mais c'était là que crécha l'Incorruptible à partir de 1791 et jusqu'à sa mort l'été 1794. Il y était logé par un certain Maurice Duplay, entrepreneur en menuiserie, donc un bourgeois aisé et (ce qui allait souvent avec) un révolutionnaire convaincu. Robespierre se faisait loger, nourrir et blanchir par la famille et en profita peut-être pour dragouiller vaguement la fille aînée, Marie-Eléonore, dite Cornélie (la mère des Gracques dans l'Antiquité romaine : ce qui est drôle avec la Révolution, ce sont les prénoms qu'ils se donnent tous : y'a ceux qui font les spartiates, d'autres les romains, etc), tandis que l'un de ses petits camarades, Philippe Le Bas, sortait avec la cadette (et finit par l'épouser).
Point amusant, les historiens se sont longtemps demandé si Robespierre avait ou non épousé en secret ladite Marie Eléonore. On est même allé jusqu'à étudier la disposition des pièces de la maison pour remarquer que pour aller de la chambre de Robespierre à sa dulcinée, il fallait passer par celle des parents, donc que pour faire des cochoncetés, c'était pas gagné.
Les autres estiment que l'Incorruptible avait d'autres choses à faire que de jouer les jolis coeurs, et que donc il n'y avait que peu de chances qu'il ait eu des vues sur la demoiselle. Mais après tout, même s'il doit être le seul homme du XVIIIe siècle à ne pas avoir écrit de roman pornographique, il n'en était pas moins homme, alors n'est-ce-pas...

Evidemment, tout ce petit monde eut des tas d'ennuis après la chute de Robespierre : Mme Duplay fut retrouvée pendue dans son cachot, les autres passèrent un certain temps en prison et eurent de quoi craindre pour leur tête.

Diverses associations, dont celle des Amis de Robespierre, ont au fil des ans cherché à faire apposer une plaque en souvenir du passage du grand homme en ces lieux. La plaque a été apposée après une longue bataille avec les autorités idoines et congruentes (qui ne voulaient pas en entendre parler), elle est encore même aujourd'hui régulièrement caillassée ou élégamment peinte en rouge par des gens qui n'ont toujours pas compris que la Révolution, c'est fini, mais qui se trouvent vachement héroïques quand même (c'est vrai quoi).

La maison, elle, existe toujours, même si très fortement remaniée, au 198 (à l'époque 366) rue Saint Honoré. La première fois que je suis allée voir à quoi cela ressemblait - en 2003, je crois - ce fut assez cocasse. Pour ceux qui connaissent un peu le coin, il faut savoir que tout près, il y a l'église Notre Dame de l'Assomption (une petite église avec un énorme dôme surdimentionné, affreux), qui est l'église polonaise de Paris.
Dans la cour de la maison Duplay, toujours accessible, il y avait ainsi une agence de voyages plus ou moins officieuse, avec une devanture plutôt lépreuse écrite toute en polonais et en russe, destinée ainsi qu'on me l'a expliqué à fournir pour pas cher des voyages en car vers les pays de l'Est, visas (louches) inclus. Ce qui expliquait pourquoi arrivant sur les lieux, je m'étais fait dévisager des pieds à la tête par des types qui rigolaient dans une langue que je ne comprenais pas.

Difficile à expliquer pourquoi, mais je trouvais ça plutôt plaisant, que la maison de Robespierre abrite un truc plus ou moins interlope. Je pensais même que ça ne lui aurait pas déplu.

Et puis, habitant loin du quartier et n'y ayant pas grand chose à faire - n'ayant pas épousé de millionaire - , je n'y suis plus passée pendant plusieurs années. Ou alors sans repenser à cela.

Et puis un soir que nous nous promenions par là avec l'Epoux, je me suis dit "tiens, c'est drôle, on ne devrait pas être loin de la maison de Robespierre". J'ai cherché un peu autour de moi, ouvert l'oeil du bon côté de la rue, regardé les numéro, rien vu. Je me suis dit que j'avais dû mal me souvenir du numéro, depuis le temps.
En rentrant chez moi, j'ai revérifié, j'avais bien souvenir du bon numéro de rue.

Quelques temps plus tard, à l'occasion d'un trou entre deux demi-journées de cour (je suis fonctionnaire donc sur payée à ne rien foutre, c'est bien connu), me voilà avec trois heures à tuer pour aller de Charles de Gaulle Etoile à la rue de Richelieu. Ce qui me laisse largement le temps pour faire toute la rue Saint-Honoré, et repasser devant mon agence de voyages polonaise chelou.
Pour ceux qui connaissent encore, la promenade est loin d'être désagréable, car les boutiques de mode plus ou moins belles alternent avec les galeries d'antiquaires. Evidemment, je suis souvent la seule quiche à lécher les vitrines des antiquaires qui me regardent bizarrement, mais ce n'est pas grave, j'ai l'habitude.
Bref, je descend la rue en direction de la Comédie française, surveillant sur ma gauche les numéros et les portes. Pas d'agence de voyages polonaise. J'ai dû rater l'endroit, me dis-je, avisant les façades. Ou alors...

Un doute m'envahit. Je lève les yeux sur la devanture du Tara Jarmon en face de moi. C'est bien le 198. Et là, encastrée misérablement, la plaque commémorative. Cachée entre deux rubans en plastique décoratifs. Plus de cour intérieure avec des types bizarres en attente d'un visa, mais des bobos friquées vêtues de sacs trop grands et outrageusement colorés, glapissant leur bonheur d'acheter des chiffons hors de prix.

Voilà ce qu'est devenue la maison de Robespierre. Les royalistes sont bien vengés.


O tempora, o mores.




lundi 18 juillet 2011

Les brèves du lundi.



1. Sur un certain site de réseau social qui commence par un F, j'ai droit tous les jours à l'aimable spectacle de la cucuterie généralisée des jeunes femmes de mon entourage familial. Ainsi il n'est plus possible de dire un "bonjour et bon anniversaire", non, il faut absolument entourer le moindre de ses mots d'un horripilant "hihihiiii". Telle jeune femme enceinte (trente ans, quand même, pas seize) ne va pas être mère, non. Mais "son bidou grossit hihi", elle n'a pas vu son enfant à l'échographie mais "son pti bou'chou est troooop mignon lol hihi". Pitié. Au secours.


2. Après avoir achevé la trilogie "Lloyd Hopkins" d'Ellroy dont tous mes petits camarades m'avaient dit du bien, je reste avec un arrière goût de déception au fond de la gorge. Un peu comme pour les films de Tarantino : quand on en ressort, on se demande toujours "mais au fond, il veut quoi, ce type ?". Parce qu'au bout d'un moment, l'argument du "je montre la violence extrême, je m'amuse avec, mais c'est pour dénoncer, c'est du second degré hein", ça ne tient plus. On se demande si ce n'est pas tout bêtement de la fascination malsaine pour le trash, le bien glauque, la perversité.



3. À part ça, No country for old men de Cormac McCarthy, ça m'est tombé des mains. Littéralement. Je ne comprend pas comment on a pu autant s'enthousiasmer sur un pareil pensum, mal écrit, mal raconté - je n'ai pas vu le film mais ça ne donne pas spécifiquement envie, comme ça.


4. Mon héros de la semaine dernière. Au monop' de la rue des Haudriettes, dans la queue à la caisse, un gosse d'environ six ans hurle et joue à pousser la vieille dame devant lui et sa mère qui ne réagit pas. Au bout d'un moment, le monsieur quarantenaire bien mis, devant moi et qui est juste derrière l'affreux mioche et sa mère, émet l'idée qu'il faudrait peut-être foutre la paix à la mamie. La mère : "oh, mais c'est un enfant, on voit BIEN que vous n'en avez pas, laissez-le vivre". Le monsieur bien mis prend un ton compassé et rétorque à la mégère : "et si je vous mets une tarte dans la gueule, vous me laissez vivre ?".


5. Mon héroïne de la semaine : la fille qui a déclaré à sa copine, dans le RER A : "Tu sais, film de dinosaures pour films de dinosaures, je crois que j'ai quand même préféré Jurassic Park à The Tree of Life". Je ne m'en suis pas remise (sérieux, il est IN-regardable, ce film, on dirait une mauvaise dissertation d'adolescent, où chaque idée est soulignée par un exemple illustratif de la délicatesse d'un char leclerc (non, z'êtes fou, je l'ai pas vu au cinéma, mais par des moyens inavouables sur internet (mais gratuitement quand même))).



6. La semaine dernière a été parsemée de lectures diverses qui conchiaient toutes, sous des prétextes divers, le 14 juillet. Entre les royalistes attardés et les crypto-antimilitaristes (oui oui, je vise Eva Joly), j'ai eu envie de sortir un nombre incalculable de fois la boîte à gifles.

J'ai en effet une sainte horreur des gens qui ne se demandent jamais pourquoi. Ainsi, par exemple, je conçois bien que le Front national hérisse le poil. En revanche, je n'accepte pas que l'on se contente de traiter de noms d'oiseaux les prolos qui votent Marine and co. C'est bien de se donner bonne conscience en glapissant "mais quelle horreur, ces gens-là sont RACISTES et FASCISTES". Ce serait mieux de se demander POURQUOI ces gens-là en arrivent là.

De même, amis royalistes anti-révolutionnaire (position honorable en soi, mais pas très risquée de nos jours en FRance), ça ne vous est jamais venu à l'idée que si les gens ont fait une révolution en 1789, c'était parce qu'ils avaient des RAISONS de se révolter ? Peu de gens se révoltent comme ça, juste pour la déconne, parce que c'est marrant de faire des émeutes (ou alors, ce sont des lycéens parisiens désireux d'aller se promener au joli mois de mai au lieu de suivre leurs cours).

De même, Madame Joly, demandez-vous POURQUOI les Etats ont des armées en ce bas monde, demandez-vous s'il n'y a pas des raisons tout à fait valables pour maintenir une présence militaire occidentale dans les endroits du mondes où les agités du bocal font rage.

Ou alors fermez tous vos gueules. Merci bien.




mercredi 6 juillet 2011

Quelques brèves...


1. - Lui : Tu as signé, toi, la pétition contre l'enseignement du genre à l'école ? Moi j'ai signé. Moi : Non, pourquoi ? - Parce que c'est une idéologie néfaste et perverse (suivent cinq minutes réglementaires de platitudes crétines : pour ceux qui ne connaissent pas l'affaire, c'est Baroque et Fatigué qui a été le meilleur là-dedans). Au bout d'un moment, j'ai fini par comprendre que la grande crainte de ce monsieur, c'était que la théorie du genre fasse de ses enfants des homosexuels. Et apparemment, c'était le fond de l'horreur pour lui.

Ils ont drôlement de la chance, les tradis. Le pire des trucs qui puisse leur arriver, c'est que leurs enfants soient homosexuels. Pour d'autres, c'est la mort, un cancer atroce, l'enlèvement de leur gamin, une sclérose en plaques, que sais-je. Mais non, pour eux, c'est que leurs enfants soient homosexuels.

Je me roulerais pas forcément par terre de joie si un des gosses que je n'ai pas encore m'apprenait son homosexualité, mais si c'était vraiment le pire des trucs qui pouvait m'arriver, je pense que je serais drôlement soulagée.



2. La fonction "repassage facile" de la machine à laver, croyez-moi croyez-moi pas, c'est une grosse arnaque.



3. Sur Facebook, je suis affiliée au groupe des fans de Preston et Child (les Laurel et Hardy du polar américain contemporain). C'est rigolo comme tout, parce qu'ils postent plein de trucs sur leur work in progress, des photos d'eux en train de prendre des renseignements pour leurs romans (un peu comme Zola dans les mines du nord, sauf qu'eux c'est dans les maisons de thé de luxe de New-York), et en plus, je comprends quasiment toutes leurs blagues (preuve que je progresse en anglais).
Et puis je ne me lasse pas de découvrir la mentalité américaine que, plus le temps passe, plus je trouve attachante, même si je n'en partage pas forcément tous les aspects. Par exemple, j'ai été assez sciée de voir que là-bas, apparemment, c'est tout à fait courant de se souhaiter un bon 4 juillet - moi je le souhaite, mais parce que c'est l'anniversaire de ma grande soeur. Je n'ai jamais vu personne en France qui se souhaite un bon 14 juillet, au hasard. Nous, on est plutôt du genre à avoir des types qui aiment siffler l'hymne national et brûler des drapeaux. Soupirs.



4. Parmi les plaies sociales du RER, il y a, par ordre de nuisance 1 le kéké en pantalon tombant sous les fesses qui écoute sa musique de merde à fond, 2 l'énorme dame à forte odeur qui s'assoit de préférence à côté de vous (et en fait, sur vous. Si la dame est d'origine étrangère et que vous lui faites remarquer que vous aimeriez bien récupérer vos pieds actuellement sous les siens, elle hurlera au racisme. C'est incroyable le nombre de racistes patentés qui hantent le RER A), et 3 la pétasse à fort maquillage qui fait claquer son chewing-gum. En 4, la pétasse à fort maquillage qui parle fort et se sent obligée de faire savoir à tout le monde qu'elle est abonnée à Psychologie Magazine, et parsème toutes ses phrases de superbes conneries : "Non mais laisse tomber, il est trop dans le conflit, c'est un non-dit familial à la base, il ne peut pas gérer quoi".

On a beau avoir une conscience écolo, c'est là qu'on se prend à rêver d'un gros 4x4.



5. Je renonce totalement à comprendre le système de remboursement de la Sécu. J'ai trop souffert. Je ne peux plus.


6. Depuis un an, parmi les requêtes qui attirent les gens ici, figure en bonne place "quand s'agenouiller à la messe". Apparemment, c'est une question qui obsède pas mal de monde sur le web. Dingue.



7. En visite guidée de notre ville organisée par la mairie : "Et là, nous passons à côté du parc du Dispensaire, ainsi appelé car y exerçait le médecin de la ville, notamment l'écrivain controversé Céline". Je ne sais pas ce qui m'a le plus affligée à ce moment : qu'on ne puisse plus ne serait-ce qu'évoquer Céline sans se sentir obligé de prendre des pincettes, ou alors le dialogue entre les deux cinquantenaires à ma droite. Lui : "C'est qui Céline ? Connais pas". Elle (qui parlait de lui comme de "son copain"), "un facho".



Voilà, voilà.



De quoi vous mettre la pêche, pas vrai ?