Du temps que j'allais aux Archives nationales, je passais tous les jours rue Michel Le Comte. Coin du Marais à la fois prestigieux si l'on en juge par le prix des loyers, et plein de ces agaçantes boutiques de prêt-à-porter de mauvais goût et d'accessoires cheap vendus en gros par des boutiques tenues par des Chinois.
Au coin d'une de ces boutiques spécialisées dans le commerce des montres clinquantes qui ne fonctionnent jamais, s'était installé un clochard qui y avait posé son matelas, ses duvets, un caddie, un fauteuil, des sacs plastiques. Il passait le gros de ses journées à boire des canettes de bières premier prix. La journée est longue quand on n'a rien à faire sinon attendre.
Il y a deux semaines, en passant à l'aller, sur le coup, je n'ai pas fait attention. Au retour, si. Le coin était vide. Nettoyé. Sans fourbi. Juste une feuille collée au mur, qui informait du décès de cet homme mort, je crois, d'un arrêt cardiaque. Les funérailles étaient payées par une quête faite dans le quartier et tout un chacun était invité à venir au crématorium du Père-Lachaise pour saluer une dernière fois Florian.
Il a fallu qu'il soit mort pour que je connaisse le prénom de cet homme que je croisais tous les jours.
Il a fallu qu'il soit mort pour que l'on se cotise afin de lui payer un endroit où s'abriter.
Il y a des fois où l'on se sent assez minable.