Au fur et à mesure que j'ai avancé dans ma thèse, j'ai appris des tas de trucs.
- dans la catégorie "trucs utiles" : taper à l'ordinateur rapidement (plus de dix pages de thèse par jour - on est bien obligé, quand on découvre le 1er mai qu'on doit rendre ses 200 pages de mémoire pour le 30 du même mois, alors qu'on pensait que c'était pour la fin juin), faire une feuille de style, ne jamais céder face aux caprices d'un ordinateur ("tu m'enregistreras ce fichier pdf ou je te laisse toute la poussière de la dernière semaine d'archives" ou "tu parleras, saleté de moteur de recherche ! où j'ai enregistré le fichier des contrats de mariages 1600-1650 ?").
- catégorie talents de société : parce qu'on devient vite un compulsif de wikipedia, on apprend à parler de tout et même du reste. Surtout du reste, d'ailleurs. D'autant que les gens, quand ils tombent sur un historien, posent en général trois questions : une sur la guerre de 14, une sur Napoléon et une sur Louis XIV (en général, c'est "était-il homosexuel ?" - j'ai jamais compris d'où venait cette légende sur l'homosexualité de Louis XIV). En ce qui me concerne, je travaille sur des personnages relativement peu exotiques, et pourtant on ne m'interroge qu'extrêmement rarement sur eux. Je n'ose même pas imaginer ce que vivent les copains médiévistes ou antiquisants, ça doit être "ah mais ça existe ça ?".
Au demeurant, il n'y a pas très longtemps, une amie commerciale m'a demandé si il y avait une économie au XVIIe siècle. Sur le coup, j'ai hésité dans le choix d'une réponse.
Autre talent de société rigolo : prendre des photos d'archives bien moches et les montrer à son entourage pour le plaisir de montrer ses aptitudes paléographiques. Suscite des "ho" et des "ha". Extraordinaire - mais ne pas en abuser sous peine de passer pour un gros pervers - vous trouvez ça normal, un type qui se balade avec un ordinateur rempli de photos d'archives ?
- catégorie talents de vipère de société : quand on fait de l'histoire de la parenté, on passe ses journées dans le Minutier Central des notaires parisiens, et dans le Cabinet des Titres de la bnF. Le Cabinet des Titres, c'est le machin où sont rangés toutes les compilations possibles et imaginables de preuves de noblesse des familles françaises. De fait, à force, vous finissez toujours par tomber sur les preuves de noblesses d'une famille que vous connaissez. Très amusant à faire : profitez d'une conversation avec l'un des rejetons de la famille pour laisser entendre que vous connaissez parfaitement la date d'anoblissement de la famille en question, date qui prouve que si l'ancêtre du type a fait les croisades, c'est comme votre aïeul, à savoir en qualité de mulet.
Inconvénient : ces gens-là finissent par éviter de vous fréquenter car votre vue leur rappelle que l'arrière-arrière-grand-père était marchand de vin, et que Louis XIV leur a généreusement octroyé un titre pour avoir fourni à bas prix du pinard pour le régiment de Picardie. Et que finalement, vanité des vanités, etc.
Encore plus drôle : tomber sur une famille qu'on connaît dans les archives concernant la radiation des listes de noblesse lors des enquêtes de Colbert.
Si vous tombez sur un vrai aristocrate, vous serez cela dit agréablement surpris par le fait que celui-ci sait bien comment tout ça a fonctionné et fonctionne aujourd'hui. Et qu'il est le premier à rire de bon coeur de ses origines de marchand de vin.
- catégorie trucs débiles mais rigolos : apprendre à faire marcher une machine pour lire des microfilms. Comment se prendre pour James Bond pour la modique somme de 30 euros (prix d'une carte de lecteur de la BnF ou des Archives nationales).
Encore plus drôle : commander un microfilm dans une bibliothèque et le conserver chez soi - le ressortir régulièrement devant les connaissances pour crâner un peu - le microfilm, c'est tellement 1970...
- catégorie self control : ne jamais perdre la maîtrise de soi face à un fonctionnaire : non, votre document commandé hier matin n'est toujours pas arrivé. Oui, ça fait six fois qu'on vous dit qu'on va faire quelque chose. Non, il n'est pas en magasin, il n'est pas non plus arrivé ici, et il est marqué communiqué. Vous êtes sûre que vous ne l'avez pas eu et que vous vous êtes trompée ?
Respirez par le ventre. Un entraînement sans pareil pour résister aux bouffées de crises de nerfs qui peuvent parfois vous prendre à la Poste, aux Impôts, à la Sécu, devant le site voyages-sncf.com.
- dans la catégorie "trucs utiles" : taper à l'ordinateur rapidement (plus de dix pages de thèse par jour - on est bien obligé, quand on découvre le 1er mai qu'on doit rendre ses 200 pages de mémoire pour le 30 du même mois, alors qu'on pensait que c'était pour la fin juin), faire une feuille de style, ne jamais céder face aux caprices d'un ordinateur ("tu m'enregistreras ce fichier pdf ou je te laisse toute la poussière de la dernière semaine d'archives" ou "tu parleras, saleté de moteur de recherche ! où j'ai enregistré le fichier des contrats de mariages 1600-1650 ?").
- catégorie talents de société : parce qu'on devient vite un compulsif de wikipedia, on apprend à parler de tout et même du reste. Surtout du reste, d'ailleurs. D'autant que les gens, quand ils tombent sur un historien, posent en général trois questions : une sur la guerre de 14, une sur Napoléon et une sur Louis XIV (en général, c'est "était-il homosexuel ?" - j'ai jamais compris d'où venait cette légende sur l'homosexualité de Louis XIV). En ce qui me concerne, je travaille sur des personnages relativement peu exotiques, et pourtant on ne m'interroge qu'extrêmement rarement sur eux. Je n'ose même pas imaginer ce que vivent les copains médiévistes ou antiquisants, ça doit être "ah mais ça existe ça ?".
Au demeurant, il n'y a pas très longtemps, une amie commerciale m'a demandé si il y avait une économie au XVIIe siècle. Sur le coup, j'ai hésité dans le choix d'une réponse.
Autre talent de société rigolo : prendre des photos d'archives bien moches et les montrer à son entourage pour le plaisir de montrer ses aptitudes paléographiques. Suscite des "ho" et des "ha". Extraordinaire - mais ne pas en abuser sous peine de passer pour un gros pervers - vous trouvez ça normal, un type qui se balade avec un ordinateur rempli de photos d'archives ?
- catégorie talents de vipère de société : quand on fait de l'histoire de la parenté, on passe ses journées dans le Minutier Central des notaires parisiens, et dans le Cabinet des Titres de la bnF. Le Cabinet des Titres, c'est le machin où sont rangés toutes les compilations possibles et imaginables de preuves de noblesse des familles françaises. De fait, à force, vous finissez toujours par tomber sur les preuves de noblesses d'une famille que vous connaissez. Très amusant à faire : profitez d'une conversation avec l'un des rejetons de la famille pour laisser entendre que vous connaissez parfaitement la date d'anoblissement de la famille en question, date qui prouve que si l'ancêtre du type a fait les croisades, c'est comme votre aïeul, à savoir en qualité de mulet.
Inconvénient : ces gens-là finissent par éviter de vous fréquenter car votre vue leur rappelle que l'arrière-arrière-grand-père était marchand de vin, et que Louis XIV leur a généreusement octroyé un titre pour avoir fourni à bas prix du pinard pour le régiment de Picardie. Et que finalement, vanité des vanités, etc.
Encore plus drôle : tomber sur une famille qu'on connaît dans les archives concernant la radiation des listes de noblesse lors des enquêtes de Colbert.
Si vous tombez sur un vrai aristocrate, vous serez cela dit agréablement surpris par le fait que celui-ci sait bien comment tout ça a fonctionné et fonctionne aujourd'hui. Et qu'il est le premier à rire de bon coeur de ses origines de marchand de vin.
- catégorie trucs débiles mais rigolos : apprendre à faire marcher une machine pour lire des microfilms. Comment se prendre pour James Bond pour la modique somme de 30 euros (prix d'une carte de lecteur de la BnF ou des Archives nationales).
Encore plus drôle : commander un microfilm dans une bibliothèque et le conserver chez soi - le ressortir régulièrement devant les connaissances pour crâner un peu - le microfilm, c'est tellement 1970...
- catégorie self control : ne jamais perdre la maîtrise de soi face à un fonctionnaire : non, votre document commandé hier matin n'est toujours pas arrivé. Oui, ça fait six fois qu'on vous dit qu'on va faire quelque chose. Non, il n'est pas en magasin, il n'est pas non plus arrivé ici, et il est marqué communiqué. Vous êtes sûre que vous ne l'avez pas eu et que vous vous êtes trompée ?
Respirez par le ventre. Un entraînement sans pareil pour résister aux bouffées de crises de nerfs qui peuvent parfois vous prendre à la Poste, aux Impôts, à la Sécu, devant le site voyages-sncf.com.
Chère Artémise,
RépondreSupprimerJamais je n'aurais imaginé prendre du plaisir à la lecture des pérégrinations entourant la rédaction d'une thèse.
Ça donne (presque) envie.
Merci
Pffff moi je tape vite mais avec des tonnes de fautes de frappe... A part ça perso je développe mes talents de diplomate en apprenant à ne pas frapper la énième personne qui me demande à quoi sert une thèse en littératue et/ou si la recherche en anglais c'est de la recherche de mots nouveaux.
RépondreSupprimer> timothée,
RépondreSupprimermerci !
> M* :
Ha ben ça c'est sûr, si tu savais à quoi ressemblait mon M2, tapé à cent à l'heure... j'ai dû le relire plus de 10 fois, il en restait encore !
Les talents de diplomate, ça rentre dans la catégorie "self control". Hé oui, quand on parle de nos sujets, les gens trouvent spirituel de rigoler en nous demandant "mais à quoi ça sert ton truc"... maintenant en général je réponds "et vous, ça sert à quoi, votre école de commerce ? à vendre du flan, non ?". Normalement, ça calme l'indélicat.
Cela dit, ça ne veut pas dire qu'il retiendra la leçon : il trouve plus confortable de nous croire tous débiles et feignants, ça le conforte dans ses petites certitudes sur l'école qu'est-pourrie-par-la-faute-de-ces-cons-de-profs, ça lui évite d'avoir à se bouger pour élever ses mioches... et ça contribue évidemment au peu de reluisant de notre système, hélas.
Pour l'économie, j'ai cru comprendre qu'ils avaient des bouts de chandelle en ces périodes reculées et obscures. Mais avaient-ils des écoles de commerce?
RépondreSupprimerSinon c'est une heureuse nouvelle que d'apprendre
que le commerce du vin ne faisait en rien déroger. Y-a-t-il plus belle culture que celle de la vigne?
Hum, quand je travaillais sur le Minutier Central et plus globalement aux A.N, j'avais tous les oncles généalogistes qui me demandaient de vérifier un truc ou un autre « pour leurs travaux ». C'était assez, comment dire... pénible. Quand on connaît le délai de communication d'un carton aux Archives nationales...
RépondreSupprimerCeci dit, je suis tombée comme ça, en farfouillant pour la famille sur mes heures perdues de thèse, un acte de jugement d'un ancêtre signé Fouquier-Tinville, hé ben ça fait bizarre...
Et encore vous n'avez pas connu l'époque héroïque des inventaires après-décès de l'histoire sérielle au moment où celle-ci accomplissait son anthropologic-turn avec aparté lévi-straussien (le cru et le cuit, le mobilier et les habits etc.)
RépondreSupprimerMoi, j'ai fait un mémoire sur le sujet suivant :
RépondreSupprimer"La représentation symbolique de l'oiseau dans l'Enéide de Virgile".
Je vous laisse deviner les réactions...
Bon je fais un petit tour ici et c'est amusant de lire l'épisode sur les familles annoblies et comment elles ont obtenu cet annoblissement car moi aussi je tombe sur ce genre de détail dans mes recherches et reconnais parfois quelques descendants que j'ai cotoyés sur les bancs de l'école !
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