L'autre jour que j'étais à la recherche d'un pavé destiné à occuper mes nombreux trajets entre Paris et ma banlieue pour riches, la bibliothécaire m'a mis entre les mains Loin de Chandignarh, de Tarun J. Tejpal. Auteur indien et récent. Comme je ne connais pas grand chose à la littérature indienne et que j'aime bien les "grandes fresques" (car c'est ainsi que la bibliothécaire m'a décrit la bestiole), je l'ai pris.
Et j'ai été terriblement déçue.
En fait de grande fresque sur l'Inde du XXe siècle, vous avez un narrateur, journaliste bobo de Chandigarh (là où Le Corbusier a fait des siennes), marié à la belle Fiza, dite Fizz, dont il est éperdument amoureux - du moins, il n'a qu'une obsession, la baiser dans tous les coins. Un jour que le couple devient riche après héritage juteux, ils s'achètent une maison dans les contreforts de l'Hymalaya. Maison ancienne dans laquelle sont découverts les carnets d'une Américaine du début du siècle, venue en Inde vers 1900 pour découvrir les charmes de l'Orient (c'est-à-dire, se faire baiser dans tous les coins).
Le narrateur n'arrive pas à se décoller des carnets de l'américaine Catherine, et c'est bien embêtant parce qu'à côté, il n'arrive pas à pondre son propre chef-d'oeuvre littéraire. Et qu'en plus, un beau matin, il se réveille et n'a plus de désir pour sa femme. On notera au passage l'absolue nouveauté de la réflexion sur le lien entre désir, puissance et écriture, c'est pas comme si ça nous renvoyait à Moravia et l'Amour conjugal (1949, quand même, hein).
En bonne tête de con, il se comporte comme un mufle et se met à battre froid la pauvre Fizz qui ne comprend pas bien ce qui lui arrive, et finit par la pousser dehors. Au bout de deux-trois ans, il se réveille et pif, ça y est, il se rend compte que sa vraie femme, c'est quand même plus mieux que de fantasmer sur une morte. Et il est tout surpris de voir que sa femme n'est pas restée sur le pas de la porte à attendre qu'il lui rouvre.
(Cela dit, tout est bien qui finit bien, puisque la belle Fizz finit par lui revenir, après l'avoir fait un peu lanterner, ce qui est bien fait pour la tête de con).
Alors, en terme de fresque, déjà, je dis... mouais. Quelques belles pages qui évoquent Gandhi, Nehru, Indira Gandhi, les massacres et les répressions sanglantes, mais aussi les splendeurs des nababs de l'époque coloniale. Pour ça, un bon point. Je ne me rendais pas compte, du reste, de la quasi omniprésence de Gandhi dans l'imaginaire collectif indien.
L'ennui, c'est que quelques pages sur 650, ça fait pas terrible pour une fresque. Dont acte.
On m'avait parlé d'un roman à l'érotisme envoûtant. Si tant est que l'érotisme dans un livre consiste à placer une scène de baise et/ou de masturbation toutes les dix pages avec à chaque fois une métaphore différente pour désigner la chose... Car en matière de sexe, il y a de quoi faire : à deux, à trois, entre hommes, entre femmes, plaisirs solitaires, femmes fontaines, on en a pour tous les goûts. Mais la répétition est un peu lassante, et on en vient au fil des pages à se dire "tiens, qu'est-ce qu'il va nous trouver comme figure de style la prochaine fois ?".
La composition du bouquin, en soi, est plutôt intéressante, même si déjà vue un bon paquet de fois : le roman s'ouvre sur les manifestations du non désir du narrateur (la tête de con, donc), et remontre progressivement dans le temps et dans ses souvenirs, au fur et à mesure que le temps s'écoule. L'ennui, c'est que l'élément-clef (la découverte des carnets de l'Américaine) n'arrive que très tardivement, ce qui donne l'impression que vous n'avancez jamais dans l'histoire. Un peu agaçant, donc.
Quant à la morale, je la laisse à votre appréciation : en fait, le sexe, c'est bien, mais avec l'amour, c'est mieux.
Sans blagues.
On va dire que ce premier contact avec la littérature indienne ne restera pas un souvenir impérissable.
Connaissez-vous "L'Ombre du vent" de Carloz Ruiz Zafon ? Un bon bouquin, assez épais (647 pages en Livre de poche) pour occuper plusieurs A.R. entre Paris et votre banlieue riche.
RépondreSupprimerBon, je l'avoue, c'est très, très loin d'être aussi chaud que votre saga indienne... mais il vaut le détour.
Un très bon roman avec l'Inde pour cadre (et avec du sexe, mais pas seulement) : "Un enfant de la balle", de John Irving.
RépondreSupprimerJe m'étais fait avoir pareil, sur recommandation du libraire pareil, et déçue pareil. Ce libre était censé être le pavé d'une semaine de vacances longtemps attendues ; je lui en veux toujours de ma déception
RépondreSupprimerVous me vengez.
Na.
(Ceci n'est pas un commentaire adulte, je le crains)
J'arrive longtemps après la bataille, mais - bien que ça ne soit pas précisément un pavé - je te conseille fortement le dernier roman de Salman Rushdie "L'Enchanteresse de Florence". Qui se passe (un peu) à Florence, mais aussi ailleurs, enfin je te laisse découvrir et être enchantée à ton tour.
RépondreSupprimerLéopold cite un Rushdie, j'en balance deux autres: "Les Versets sataniques" (à lire avec deux ou trois Que Sais-Je? pour bien tout comprendre) et "La Terre sous ses pieds".
RépondreSupprimerPar ailleurs, il y a un défi des romans indiens qui circule sur la blogosphère du livre. Peut-être accrocherez-vous l'une ou l'autre recommandation au vol?