Louis Enfant Roi fait partie de ces films qu'on a du mal à comprendre. Parce qu'il est éminemment foisonnant, mot gentil qui m'épargnera le "bordélique" qui vient spontanément aux lèvres. En gros, vous avez intérêt à réviser les événements de la Fronde avant. Sinon, on ne pige globalement pas grand-chose.
L'histoire, donc, est fondée sur ces quelques années de déchaînement politique qu'on appela, dès ce temps, la Fronde. Révolte de grands princes mais aussi de parlementaires voire d'autres franges de la population. La Fronde est un cauchemard à étudiants, dans la mesure où personne n'y comprend rien, et ce n'est pas les rares manuels qui risquent de résoudre le problème.
Donc, à période bordélique et incompréhensible, un film bordélique et incompréhensible.
Vous me direz, voilà qui part mal, alors qu'elle était censée nous parler d'un chef d'oeuvre absolu.
Eh oui. Cela part mal.
J'aurais tendance à penser qu'il s'agit d'un "film à historiens", et même d'un "film à chartistes". Car oui, le chartiste regarde des films historiques, en les ponctuant de remarques incongrues ("tu as vu, c'est pas mal fait, la représentation du lit de justice ?" - "oui mais regarde ces reliures, XVIIe siècle alors qu'on est en pleine 6e guerre de religion, c'est portnawak"). Cela dit, le chartiste est souvent bon public car c'est au fond un grand enfant, venu à faire de l'histoire parce que petit, il aimait Thierry la Fronde et les soldats de plomb. Ce qui constitue, à mon sens, la grande différence entre le chartiste et le normalien. Un jour, j'y reviendrai.
Bref. Louis Enfant Roi raconte la Fronde vu du côté de deux enfants, Louis XIV alors âgé de 10 ans (au début du film) puis jeune adolescent, et son jeune frère Philippe, duc d'Anjou (puis plus tard d'Orléans), qui ponctue l'histoire de remarques directement adressées au spectateur.
La bonne idée du film, c'est d'être une série de sketches filmés. Vous n'y comprenez rien ? Peu importe. Laissez-vous emporter. Quand on y réfléchit, ces deux enfants royaux, ballotés d'un château à l'autre, entre une mère régente et un cardinal, tous deux redoutables politiciens, face à une série de nobles et de politiques déchaînés, se sentirent probablement davantage des jouets plutôt que des princes, du moins au départ, car à la fin, ils deviennent les maîtres du jeu.
Louis Enfant Roi, c'est l'apprentissage de la vie par un jeune garçon qui doit devenir maître du royaume et de ses sujets. Parfois tourmenté par le souvenir de son défunt père, dont il n'a gardé qu'une image de vieillard maladif, il l'invoque et le rencontre en rêve. Il est surtout en adoration devant sa mère. Et là, il faut mentionner la très bonne idée du film, celle de faire incarner Anne d'Autriche par Carmen Maura. D'abord, elle est espagnole, comme son personnage. Ensuite, elle est mûre mais encore très belle. Ce qui change des représentations traditionnelles d'Anne d'Autriche, qui apparaît d'habitude comme une vieille chieuse aigrie, moche et grosse. Or ici, Carmen Maura l'interprète sur un mode subtil, rendant à merveille ses crises d'autorité et l'habileté politique, son désespoir d'être une femme dans cette société de brutes guerrières, son désir amoureux interdit car porté sur un inférieur, son amour passionné pour ses enfants.
Rarissime !!! Quoi donc ? Que quelqu'un parle de ce film et que quelqu'un l'apprécie !
RépondreSupprimerJusqu'ici j'avais l'impression d'être la seule à l'avoir aimé et à avoir réussi à "l'aborder" comme vous le faîtes !
Quand j'ai vu le film, j'ignorais tout de la Fronde (je suis une pauvre autodidacte)... et je me suis informée après coup ! Et j'avais trouvé cette façon de tourner sur cette période était parfaitement adaptée !
Certes, c'est "bordélique et incompréhensible" mais en fait, je l'adore ainsi que ces petits mots d'Esprit qui l'émaille !
Merci de votre rareté !
> alfgard,
RépondreSupprimerMerci d'avoir apprécié !
On devrait monter la confrérie des amateurs de Louis Enfant Roi, film qui passe si rarement à la télé...