Encore une fois, les vertueux connaisseurs ayant une Certaine Idée de la France poussent les hauts cris. Voyez-vous, c'est que les programmes d'histoire-géo sont manipulés par les vilains gauchistes, corps professoral compris. Ces derniers voudraient qu'on cesse de voir Louis XIV et Napoléon en cours et qu'on les remplace par l'étude du Sichuan et du Monomotapa, qu'on zappe la guerre de Sept Ans au profit des traites négrières. Les petits canaillous.
Oh, je ne vais pas vous faire une liste de liens, mais cherchez un peu sur internet, vous trouverez votre bonheur en matière de déploration sur le cadavre de l'histoire à l'école.
De l'autre côté du pont, on glapit parce que les manuels scolaires seraient discriminants : pas assez d'Indigènes de la République, pas assez de demande de pardons, pas assez de pleurs et de grincements de dents sur l'esclavage.
Lamentations d'Artémise sur un paquet de copies.
Parlons peu, parlons bien. Comme je l'ai déjà raconté il y a peu, pour des raisons un peu compliquées, je travaille en ce moment avec abondance de manuels du secondaire - donc seconde, première et terminale, toutes sections confondues.
Eh bien, je maintiens que beaucoup de manuels sont bons et amibitieux. Oui. Je suis désolée, mais j'irais même jusqu'à dire que certains sont excellents. J'ai sous les yeux celui de chez Hatier, pour les classes de première, et je maintiens qu'il est intelligent, fin et ambitieux. Abondamment illustré, et à bon escient. Posant des questions justes sur l'Europe du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale, sur l'âge industriel, sur le travail, sur les échanges, sur la colonisation, sur les nouvelles cultures politiques.
Savez-vous, ce n'est pas facile de faire entrer dans le crâne d'un gosse de 16 ans, ce que c'est qu'une culture politique. Le travail à l'heure de l'industrialisation. Les pesanteurs et les archaïsmes face à la modernité. Ce que c'est que la République au XIXe siècle. Le nationalisme en Europe. L'essence du totalitarisme.
Oui, le programme est ambitieux. Et oui, il met de côté les aspects chiant-tifiques, et ce parce qu'honnêtement, les dates des batailles de Napoléon, on s'en tamponne le coquillart. Allez, j'avoue, moi aussi je vérifie régulièrement mes dates de la guerre de Trente Ans, afin d'éviter l'anachronisme flagrant qui guette tout thésard. Je ne les connais pas par coeur et je pense qu'il est plus important, par exemple, de poser des questions du style "qu'est-ce que le roi de guerre au XVIIe siècle ?", plutôt de se contenter de faire de la chronologie de la guerre de Dévolution à nos mioches. De même, peut-être est-il plus important que les lycéens planchent sur "l'âge d'or de l'impérialisme colonial : qu'est-ce que la domination européenne", plutôt que de leur asséner la liste des pitoyables aventures de Napoléon III - ce grand comique devant l'éternel.
Et à ceux qui glapissent que le programme est discriminant, que c'est pas assez coloré et trop "petit blanc", je me contenterai de dire que si vous pensez qu'on ne vous a jamais parlé des tirailleurs sénégalais, c'est juste que vous avez séché vos cours d'histoire, parce que les tirailleurs sénégalais, c'était déjà dans le manuel d'histoire de ma mère dans les années 1970, alors vous êtes gentils, vous retournez réviser avant de vous plaindre. Non mais ho.
Enfin, soyons honnêtes : oui, l'histoire est utilisée, manipulée, par l'éducation nationale. Sans blagues : mais que croyez-vous ? Qu'elle n'était pas manipulée, avant mai 68 ? Vous savez vraiment à quoi ça ressemble, un manuel d'histoire de l'entre-deux-guerres (sans même parler de ceux d'avant 1914) ? Vous en avez déjà vu un ? ça consiste essentiellement à montrer que depuis Charlemagne, il y a les bons (les Français) et les vilains (les Allemands), et que l'Alsace, au milieu, elle appartient aux gentils, pas aux méchants. Ah, bien sûr, il y en a, de la chronologie, de l'anecdote truculente... N'empêche que le principe est le même : tout enseignement de l'histoire est toujours un effet de mode.
Oui, en ce moment, c'est le Sichuan et le Monomotapa.
Ne me faites pas rigoler avec l'Identité nationale. Les élèves ne connaîtraient plus leur histoire, ça les empêcherait d'être des bons français ?
Je me permets de vous rappeler que ceux qui sont morts pour la France en 1914 et suivantes, j'suis pas sûre qu'ils auraient tous réellement su placer dans l'ordre François Ier, Charlemagne, Napoléon et Jules César.
Et puis, à ce rythme-là, on devrait expulser de France tous les historiens qui travaillent sur d'autres pays, parce que c'est des traîtres vendus à l'étranger ? Tant qu'on y est, hein.
Alors oui, les programmes, même s'ils parlent du Sichuan et du Monomotapa, sont ambitieux, car l'enseignement de l'histoire n'a rien à voir avec l'Identité nationale - déjà qu'on ne sait même pas ce que c'est c'te bête-là...
L'enseignement de l'histoire dans le secondaire, c'est la formation de l'esprit critique et la sensibilité au passé. Pour moi, c'est toute l'histoire de l'humanité qui m'émeut. Les Assyriens comme Napoléon. Le Néolithique comme les Lumières. La mort de Louis XIII autant que les récits de l'arrivée des Croisés par les Orientaux. Je n'ai, finalement, que faire des gloires militaires françaises, si elles ne doivent prouver que le génie d'un pays.
Alors, pourquoi pas le Sichuan et le Monomotapa ? Si c'est bien enseigné, que les bonnes questions sont posées, que les bons documents sont étudiés, pourquoi cela ne serait-il pas profitable à la formation des jeunes esprits ?
Mais, m'objecte-t-on, les élèves ne connaissent plus l'histoire de France ! Par la faute des immondes gauchistes, ils ne connaissent plus l'histoire de leur pays.
Bah oui, ça, évidemment. Mais ça, c'est parce que, encouragés à ne rien foutre par leurs parents qui préfèrent "leur épanouissement personnel au bourrage de crâne", les petits chenapans n'en branlent plus une en général. Remarque à portée générale qui vaut autant pour les dates des batailles de Napoléon que pour les tables de multiplication.
Oui, je sais, mais que voulez-vous, je n'aime pas cette engeance qui s'appelle les parents d'élèves. N'en étant pas encore une, j'en revendique le droit.
Mais si c'est vraiment pour l'identité nationale, hein, allez-y, indignez-vous et menacez de mettre vos moutards dans le privé. Où, de toute façon, soit ils auront les mêmes bouquins que ceux du public, soit ils auront les vieux manuels de l'ère Giscard et là, je les plains, parce qu'ils ne vont pas rigoler tous les jours.
Mais pardon, j'oubliais, c'était mieux avant.
Eh bien, je maintiens que beaucoup de manuels sont bons et amibitieux. Oui. Je suis désolée, mais j'irais même jusqu'à dire que certains sont excellents. J'ai sous les yeux celui de chez Hatier, pour les classes de première, et je maintiens qu'il est intelligent, fin et ambitieux. Abondamment illustré, et à bon escient. Posant des questions justes sur l'Europe du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale, sur l'âge industriel, sur le travail, sur les échanges, sur la colonisation, sur les nouvelles cultures politiques.
Savez-vous, ce n'est pas facile de faire entrer dans le crâne d'un gosse de 16 ans, ce que c'est qu'une culture politique. Le travail à l'heure de l'industrialisation. Les pesanteurs et les archaïsmes face à la modernité. Ce que c'est que la République au XIXe siècle. Le nationalisme en Europe. L'essence du totalitarisme.
Oui, le programme est ambitieux. Et oui, il met de côté les aspects chiant-tifiques, et ce parce qu'honnêtement, les dates des batailles de Napoléon, on s'en tamponne le coquillart. Allez, j'avoue, moi aussi je vérifie régulièrement mes dates de la guerre de Trente Ans, afin d'éviter l'anachronisme flagrant qui guette tout thésard. Je ne les connais pas par coeur et je pense qu'il est plus important, par exemple, de poser des questions du style "qu'est-ce que le roi de guerre au XVIIe siècle ?", plutôt de se contenter de faire de la chronologie de la guerre de Dévolution à nos mioches. De même, peut-être est-il plus important que les lycéens planchent sur "l'âge d'or de l'impérialisme colonial : qu'est-ce que la domination européenne", plutôt que de leur asséner la liste des pitoyables aventures de Napoléon III - ce grand comique devant l'éternel.
Et à ceux qui glapissent que le programme est discriminant, que c'est pas assez coloré et trop "petit blanc", je me contenterai de dire que si vous pensez qu'on ne vous a jamais parlé des tirailleurs sénégalais, c'est juste que vous avez séché vos cours d'histoire, parce que les tirailleurs sénégalais, c'était déjà dans le manuel d'histoire de ma mère dans les années 1970, alors vous êtes gentils, vous retournez réviser avant de vous plaindre. Non mais ho.
Enfin, soyons honnêtes : oui, l'histoire est utilisée, manipulée, par l'éducation nationale. Sans blagues : mais que croyez-vous ? Qu'elle n'était pas manipulée, avant mai 68 ? Vous savez vraiment à quoi ça ressemble, un manuel d'histoire de l'entre-deux-guerres (sans même parler de ceux d'avant 1914) ? Vous en avez déjà vu un ? ça consiste essentiellement à montrer que depuis Charlemagne, il y a les bons (les Français) et les vilains (les Allemands), et que l'Alsace, au milieu, elle appartient aux gentils, pas aux méchants. Ah, bien sûr, il y en a, de la chronologie, de l'anecdote truculente... N'empêche que le principe est le même : tout enseignement de l'histoire est toujours un effet de mode.
Oui, en ce moment, c'est le Sichuan et le Monomotapa.
Ne me faites pas rigoler avec l'Identité nationale. Les élèves ne connaîtraient plus leur histoire, ça les empêcherait d'être des bons français ?
Je me permets de vous rappeler que ceux qui sont morts pour la France en 1914 et suivantes, j'suis pas sûre qu'ils auraient tous réellement su placer dans l'ordre François Ier, Charlemagne, Napoléon et Jules César.
Et puis, à ce rythme-là, on devrait expulser de France tous les historiens qui travaillent sur d'autres pays, parce que c'est des traîtres vendus à l'étranger ? Tant qu'on y est, hein.
Alors oui, les programmes, même s'ils parlent du Sichuan et du Monomotapa, sont ambitieux, car l'enseignement de l'histoire n'a rien à voir avec l'Identité nationale - déjà qu'on ne sait même pas ce que c'est c'te bête-là...
L'enseignement de l'histoire dans le secondaire, c'est la formation de l'esprit critique et la sensibilité au passé. Pour moi, c'est toute l'histoire de l'humanité qui m'émeut. Les Assyriens comme Napoléon. Le Néolithique comme les Lumières. La mort de Louis XIII autant que les récits de l'arrivée des Croisés par les Orientaux. Je n'ai, finalement, que faire des gloires militaires françaises, si elles ne doivent prouver que le génie d'un pays.
Alors, pourquoi pas le Sichuan et le Monomotapa ? Si c'est bien enseigné, que les bonnes questions sont posées, que les bons documents sont étudiés, pourquoi cela ne serait-il pas profitable à la formation des jeunes esprits ?
Mais, m'objecte-t-on, les élèves ne connaissent plus l'histoire de France ! Par la faute des immondes gauchistes, ils ne connaissent plus l'histoire de leur pays.
Bah oui, ça, évidemment. Mais ça, c'est parce que, encouragés à ne rien foutre par leurs parents qui préfèrent "leur épanouissement personnel au bourrage de crâne", les petits chenapans n'en branlent plus une en général. Remarque à portée générale qui vaut autant pour les dates des batailles de Napoléon que pour les tables de multiplication.
Oui, je sais, mais que voulez-vous, je n'aime pas cette engeance qui s'appelle les parents d'élèves. N'en étant pas encore une, j'en revendique le droit.
Mais si c'est vraiment pour l'identité nationale, hein, allez-y, indignez-vous et menacez de mettre vos moutards dans le privé. Où, de toute façon, soit ils auront les mêmes bouquins que ceux du public, soit ils auront les vieux manuels de l'ère Giscard et là, je les plains, parce qu'ils ne vont pas rigoler tous les jours.
Mais pardon, j'oubliais, c'était mieux avant.
"Et puis, à ce rythme-là, on devrait expulser de France tous les historiens qui travaillent sur d'autres pays, parce que c'est des traîtres vendus à l'étranger ? Tant qu'on y est, hein.
RépondreSupprimer"
Moi je veux bien... mais seulement si c'est pour avoir une place dorée à l'Ecole française de Rome...
Bisous
La Martienne, qui persiste et signe :-)
C'est vrai que les manuels scolaires ne sont pas si mal faits. Sans eux, jamais je n'aurais eu le plaisir de découvrir cette gravure qui ressemblait tant à celles qui étaient au fond d'assiettes chez mes grand-mères. On y voyait un général français (Gallieni?) derrière la reine Ramassetonboulot (ou un nom comme ça) de Madagascar en avec cette légende: la première leçon qu'a reçue la reine de Madagascar a été une leçon d'écriture. Le titre était tout simple: protectorat français à Madagascar.
RépondreSupprimerPour le contenu des programmes j'ai quelques réserves. Ayant connu quelqu'un qui faisait de très hautes études à qui un examinateur avait dû expliquer ce qu'étaient les trois bonshommes en train d'adorerun petit enfant. Faire un effort pour enseigner au primaire et au secondaire ce qui permet de comprendre ce qu'on a chez soi c'est quelque peu utile. Et mettre en valeur les gloires de la France, ce n'est pas si mal. Ce ne doit pas être pas larage contre la tuberculose, savoir que Pasteur était français et qu'ilafait de grandes découvertes.
Et même le génie de Napoléon est reconnu par les Anglais, alors pourquoi le cacher?
Et, par exemple, en continuant comme ça les générations futures ne comprendront plus pourquoi Périféric est un maréchal d'Empire.
RépondreSupprimerJe suis preneur de cours de sténo et de français, si quelqu'un a le courage!
RépondreSupprimerDites, vous êtes remontée, ce soir ! Mais j'ai l'impression de lire la prose d'une soeur, une fois de plus! ;-) (vous voyez, je renonce au mariage, en effet mon mari en serait fâché...). Votre détournement de Delacroix m'aura fait mourir de rire !
RépondreSupprimerJ'ai deux requêtes: ai-je l'autorisation de vous indexer sur le goût des archives ? Et suis-je digne d'accéder à la citadelle ? ( comme une buse, j'en ai découvert l'existence cette semaine seulement...)
La souris
Ah j'oubliais : à propos des déviances de certains milieux catholiques, ceci (oeuvre d'une personne très proche, ahum...) devrait vous plaire :
RépondreSupprimerhttp://grincheux.de-charybde-en-scylla.fr/?p=62&more=1&c=1&tb=1&pb=1
http://grincheux.de-charybde-en-scylla.fr/?p=64&more=1&c=1&tb=1&pb=1
http://grincheux.de-charybde-en-scylla.fr/?p=74&more=1&c=1&tb=1&pb=1
Ou si les liens ne s'affichent pas correctement, voir sur le site http://grincheux.de-charybde-en-scylla.fr/
La souris.
> La Martienne,
RépondreSupprimerMoi je voudrais bien un poste à la Casa Velasquez :)
> NAIF :
C'est vrai que l'un des avantages des manuels est la qualité des illustrations. J'imagine qu'ils doivent bien se marrer à chercher les images.
Je suis d'accord avec vous, il y a des lacunes étonnantes. J'ai un ami prof de philo en terminale dont les élèves n'ont jamais entendu parler de Descartes avant lui. Mon expérience d'immersion totale à la fac a parfois donné des choses suprenantes : effectivement, il y a des gens qui ne savent pas ce qu'est l'Adoration des mages.
Après, il y a aussi une chose, c'est que la base de la culture européenne - c'est-à-dire le substrat chrétien- n'est plus transmis à la maison aujourd'hui. Cela fait une partie de plus qu'on colle aux profs, alors que bon, il y a encore 20 ans, tout le monde savait de quoi il retournait. C'est un peu comme l'ECJS : normalement, c'est aux parents d'élèves d'apprendre à leurs gosses pourquoi on n'a pas le droit de cogner sur les camarades...
> La souris des archives :
Merci !
En ce moment, j'ai parfois peur de raconter n'importe quoi, de n'être pas claire, alors votre soutien me fait diablement plaisir.
Pour l'indexation, pas de problème et merci beaucoup !
en fait, sur la citadelle, il n'y a rien pour le moment : c'est un truc qu'on doit construire depuis des mois et qui n'a toujours pas été fait...
et merci pour les liens, ils sont gé-niaux !
> Naif,
RépondreSupprimerPériféric, c'est pas un maréchal d'empire, c'est un vaillant chef ostrogoth, enfin !
Avec Passmoilcric, Téléféric, Electric et Figuralégoric.
C'est gentil d'avoir fait de la publicité à mon mauvais esprit... Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression qu'à la pêche au gros, j'ai attrapé un gros poisson ;-)
RépondreSupprimer> Le grincheux,
RépondreSupprimermerci d'être passé ici :)
Quant au poisson, ma foi, il se trouve que nous ne sommes absolument pas d'accord sur certains points, et qu'il n'y a pas de conciliation possible... mais est-ce vraiment grave ? :)
Ce n'est pas vraiment grave. Mon vieux prof de statistiques nous disait qu'il ne fallait jamais perdre de vue que la moitié de l'humanité est plus bête que la médiane. Ça permet de relativiser les choses.
RépondreSupprimerQuand par ailleurs on ajoute que l'intelligence est le seul outil qui permette à l'homme de mesurer l'étendu de son malheur, je crois que la messe est dite...
Mais au nom de quoi décrétez-vous que l'on se "tamponne le coquillard" des dates de batailles napoléoniennes ? Et pourquoi, alors, ne se tamponnerait-on pas le coquillards de tout le reste ? (Ce que font vos élèves, du reste, vous allez très vite le constater, je le crains.)
RépondreSupprimerEt pourquoi ne devrait-on pas apprendre les dates de ceci ou de cela, quand les élèves de ma générations (et d'autres) le faisaient sans le moindre effort ?
Et dites-moi donc comment on peut avoir la moindre notion de l'histoire (de France ou autre) si l'on n'a pas le moindre repère temporel ? Si on ne sait pas qui, de Napoléon ou de Louis XIV est venu avant ou après ?
> Didier,
RépondreSupprimerAh, bien sûr, c'est LA grande objection que j'attendais...
Dans l'absolu, vous avez bien évidemment raison, l'idéal voudrait que l'histoire fût enseignée avec l'avalanche de dates qu'il convient.
Sauf que... il faudrait des heures et des heures de cours pour arriver à une maîtrise totale de la chronologie affinée, et aujourd'hui, ce n'est pas considéré comme le plus important. En fait, à mon avis, il suffit déjà assez bien que par exemple, pour l'histoire de France, les dates des règnes (ou des républiques, de l'Empire, etc) soient connues, afin de broder là-dessus le canevas des connaissances historiques.
Je n'ai pas dit dans mon billet que j'étais absolument contre les dates en histoire ! Bien évidemment, du reste, il serait commode que les élèves sortent du primaire en connaissant en gros les règnes et les dénominations des siècles (la renaissance, le Grand Siècle, le Siècle des Lumières, la Révolution, le Directoire, l'Empire, etc).
Pour ma part, ça ne m'a jamais avancée à grand chose d'apprendre les listes de dates que nous infligeaient nos professeurs du collège.
En sortant du primaire, si on m'appuyait sur le nez en disant 1453, je répondais automatiquement "chute de Constantinople et chute de Bordeaux", mais de là à savoir ce que ça signifiait vraiment...
En revanche, ma "vocation" et mes travaux ont été bien davantage influencés par une certaine prof' d'histoire et par ses cours sur la Renaissance - et aussi que les guerres du XXe siècle (je l'ai eu deux années différentes).
Aujourd'hui, les manuels font très attention à la chronologie, à grand renfort de frises, etc. On ne peut pas dire que la chronologie soit niée, vraiment. Seulement, on laisse un peu de côté des aproches purement événementielles pour essayer de faire réfléchir les élèves sur des thématiques avec un peu de recul.
Bon, évidemment, ça ne change rien au fait que même les bons élèves, à la fin de l'année, ne retiennent rien ou si peu - cela m'a été confirmé ce week-end par un ami professeur d'histoire géo dans un lycée même pas à problèmes.
Aaah, moi... plus que les gloires militaires françaises... ce sont les grands ouvrages que j'aimerais que l'on défende en Histoire !
RépondreSupprimerLesquels ? Et bien, je veux parler des cathédrales, des châteaux, de la création des universités et académies, de la culture alimentaire, la culture des régions, etc, etc, etc, etc...
Plus que les guerres, plus que les rois, ministres, seigneurs et cie, j'aimerais que l'on parle de ce qu'ils ont apportés au peuple et à notre culture, architecture, arts, etc.
Et c'est tout cela que l'on va "effacer" de l'esprit des jeunes afin de bien leur enfoncer dans la gorge (euh dans le cerveau) la sous-culture issue de la TV et du Show-Biz !
> Alfgard,
RépondreSupprimervous savez, en histoire, on met quand même pas mal en valeur les cathédrales et les châteaux-forts... d'abord parce que ça fait partie des choses qui plaisent aux élèves ! Faut dire qu'un château-fort c'est toujours plus vendeur pour les 12-18 ans que la prose de Montaigne.
Ne sous-estimez pas l'apport politique des rois et de leurs petits camarades. La structure politique et sociale du royaume de France est une des conditions essentielles de la floraison artistique. Sans Louis XIV, pas de Versailles. Sans Colbert, pas de galerie des Glaces, etc...
...sans Catherine de Médicis, pas de jardins de Chenonceau.
RépondreSupprimerTrès intéressant billet, Artémise !
> Euterpe,
RépondreSupprimeroui on peut continuer longtemps la liste : sans Anne d'Autriche, pas de Val de Grâce (et pas de Louis XIV non plus :))...
Juste pour te dire que ça fait un moment que je t'ai répondu sur le site du grincheux (à peu près deux semaines) mais ce monsieur est tellement ouvert qu'il ne daigne pas valider les commentaires qui ne vont pas dans son sens. Je m'en aperçois maintenant entre deux séjours de vacances.
RépondreSupprimerIntéressante question que voilà : pourquoi la génération présente est-elle si ignorante en histoire-géo, tandis que son enseignement est plus rigoureux que ne veut la vulgate ? Cela tient à diverses raisons :
RépondreSupprimer- Pour les adolescents, le temps n'est plus guère à la lecture et à la culture ; ils sont bien trop sollicités par divers médias et activités qui empêchent toute concentration.
- Notre société n'érige plus la culture et les savoirs en valeurs ; le consumérisme hédoniste est la règle.
- La transmission d'une culture familiale était naguère l'apanage d'une élite dont le modèle servait d'inspiration ; c'est encore vrai aujourd'hui, mais l'élite s'amincit et l'inspiration s'est tarie (il y a moins d'enfants issus des « classes laborieuses » en prépa de nos jours que cinquante ans plus tôt).
- Les théories pédagogistes détruisent le goût de l'effort dans la durée, remplacent l'instruction par l'éducation du citoyen et créent des légions d'analphabètes depuis le primaire (ces questions sont décortiquées avec beaucoup de soin et de clarté dans l'Autopsie du Mammouth de Claire Mazeron et la Fabrique du crétin de Jean-Paul Brighelli).
- Quant à l'histoire, elle souffre précisément d'une exigence mal conçue. Son approche est devenue essentiellement thématique : cela peut satisfaire l'esprit averti des enseignants, mais les élèves s'y perdent et n'ont plus aucun repère spatial ou chronologique.
- L'histoire scientifique dès le plus jeune âge a également son travers, elle devient sèche et ennuyeuse. Il est de bon ton de rire de l'histoire nationale à la sauce Lavisse et de la mythologie qu'elle inculquait (Vercingétorix à Alésia, Saint Louis sous le chêne...) ; elle avait néanmoins l'avantage de souder une nation et d'attiser la curiosité des enfants. Le libre exercice de l'esprit critique intervenait plus tard.
- La géographie contemporaine est plus vivante, car elle se résume aux grands débats de société actuels (le développement durable, la mondialisation, les risques...) Les élèves acquièrent ainsi une culture bonne pour le café du commerce, mais sont incapables de placer un fleuve ou une chaîne de montagnes... En guise d'exemple, l'ancien programme de 5e représentait un bon compris entre la géographie physique et la géographie sociale, puisqu'il mettait en exergue la « découverte » de trois continents : ce programme vient d'être remplacé par la question, plus floue et engagée, du développement durable.
Je crois que j'ai enfin la réponse à la question qu'a posée Didier Goux le 23 juillet dernier.
RépondreSupprimerNapoléon est venu après Louis XIV.
Alors, j'ai bon ?