mercredi 28 juillet 2010

L'expérience de la mélancolie. La route du col de Larche.


Il se trouve que de ma naissance et jusqu'à mes dix-huit ans, j'ai passé la quasi-totalité de mes vacances dans la vallée de l'Ubaye, été comme hiver. L'hiver, j'ai eu le grand désarroi d'être contrainte par mes ascendants à faire du ski, ce qui n'a eu pour résultat que de me faire prendre en profonde horreur tout ce qui touche aux "sports d'hiver" (que voulez-vous, je n'aime pas avoir les pieds froids, et en outre je n'aime pas le concept de sport en général).

L'été a été en revanche source d'inépuisables joies. Randonnées en montagne, visites diverses et variées, escalade et baignades dans les lacs de montagne - vous savez, là où l'eau est à moins de quinze degrés.
Aussi ai-je une totale méconnaissance des joies de la station balnéaire. En revanche, je pense avoir vu plus de marmottes et de chamois que quiconque - montagnards résidents exclus, bien entendu, sinon ça ne vaut pas.
Un jour, je vous parlerai aussi du bonheur qu'il peut y avoir à quitter un sentier sur la pointe des pieds, sur l'injonction du Père, ancien chasseur alpin, un doigt sur les lèvres, pour aller s'accroupir un peu plus loin et surprendre, derrière un talus que les touristes habituels n'ont même pas idée d'aller voir, une colonie de marmottes en train de s'ébattre.

Je suis infichue de conduire sans me perdre en Ile de France, en revanche, je connais toujours par coeur, au virage près, la route qui va de la vallée de l'Ubaye en Italie, en passant par le col de Larche. Petite route sinueuse autrefois bien plus stratégique que l'autoroute qui passe sur la côté. La gloire locale est de dire qu'Hannibal est passé par là avec ses éléphants. Ce n'est pas vrai, mais en revanche, François Ier et Napoléon, eux, sont bien passés. Quant à la vallée, elle a été hautement mise en valeur aux glorieuses heures de Vauban puis de la ligne Maginot. On peut encore visiter ces énormes forts-bunkers, derniers bastions quasi-inexpugnables des Allemands au printemps 1945.

Allemands qui ne se gênèrent point pour raser les villages et hameaux environnants lorsqu'ils décidèrent de rentrer chez eux. Sur la route du col de Larche, on traverse encore des villages en ruines, comme Certamussat, dont il ne reste que la petite chapelle et le cimetière, parce que personne n'a eu le courage de reconstruire.



Le col de Larche n'est guère plus riant, de même que la descente vers l'Italie, une fois le col passé. Les plaies de la guerre sont encore visibles dans les ruines des maisons abandonnées et des villages martyrisés.



Quand vous êtes sur cette route, tôt le matin ou tard le soir, vous êtes seul. En hiver, vous n'êtes clairement pas le bienvenu. Les rares tentatives de construction de station de ski ont avorté, et rien n'est plus triste de voir les pylones de remontées en train de rouiller, et le seul hôtel construit abandonné.


Ces paysages de montagnes mal connues, mal aimées - pas assez glamour pour les Parisiens qui veulent leur dose de neige et de fun et se fichent totalement de la montagne le reste du temps - sont de loin les plus tristement beaux que je connaisse.

11 commentaires:

  1. la taupe meuhmeuh30 juillet 2010 à 03:41

    Très bien décrit. Pour peu j'irais m'installer là bas tiens!

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  2. J'ai passé une année les vacances au Lauzet, un tout petit village; j'ai adoré l'Ubaye ; l'dée de départ était de faire la route des cadrans solaires. et c'est vrai que c'est relativement tranquille

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  3. AAAAAHHHH ! Je veux des vacances ! Ce que c'est cruel de nous montrer cela, Artémise, ce que c'est cruel !

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  4. > La Taupe :

    chiche on y va ?


    > Athéna :

    Oh oui, le Lauzet, c'est très beau par là aussi !
    ah, les cadrans solaires... quand j'étais gosse, ils me fascinaient. à l'occasion, je referai bien une campagne photographique, mais je crois que c'est pas pour tout de suite :)


    > La souris :

    hihihi ma cruauté est sans bornes !

    J'vous rassure tout de suite, moi aussi je veux des vacances ! vous voulez qu'on organise le club des désespérés de la BnF ? :)
    je vous fais signe quand j'y vais si vous voulez !

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  5. "Les plus tristement beaux"
    C'est un joli billet...

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  6. L'idée d'un club des désespérées me plaît ! J'adhère tout de suite! ;-) Et comme siège, le café des Temps, évidemment... Faudra penser aux T-shirts à message, histoire que l'on soit visible! On monte ça dès que l'on se voit à la BnF, à votre convenance ! ;-)

    À propos de T-shirts, sérieusement, je me rappelle de ceux que les candidats aux concours avaient fait faire dans ma fac, quand j'étais en première année. Quelque chose du genre "l'agrégation ce n'est pas la mer à boire" et au dos "Vogue la galère" avec une vignette des pirates d'Astérix... J'ai regretté que l'on n'ait pas refait la même chose quand je les ai passé...

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  7. Si je puis me permettre, on dirait que c'est là le trou du c... du monde. Oups.

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  8. > Suzanne,

    merci !


    > La souris :

    normalement je suis censée y aller pas mal jusqu'au 15 août, je vous ferai signe ! je porterai une perruque XVIIe pour qu'on se reconnaisse - euh non, p'tet pas, non plus.

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  9. > Alsaco :

    Bah si, c'est le cul du loup, ce genre de coins.

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  10. Ce sont des endroits que je connais bien. Il n'y a pas d'endroits proches de barrages hydro-électriques en France que je ne connaisse pas, entre autres, hiver comme été. La France, je l'ai sillonnée dans ma jeunesse à pied, à cheval, en voiture, en canoë et en bateau à voile, c'est dire si je la connais bien et si c'est mon pays. J'ai même été "initiatrice de ski pour les collectivités", je n'ai pas vos réticences envers la neige, ni envers les stations balnéaires d'ailleurs: je les aime.

    A part ça, mais par où passa donc Hannnibal avec ses éclaireurs gaulois?

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  11. Je connais un peu la vallée de l'Ubaye, j'ai été moniteur là-bas l'été durant plusieurs années (et cette année aussi). C'est une vallée magnifique... Dès fois je me dit que j'aimerai y vivre..

    Guillaume

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