mercredi 26 janvier 2011

Après le 21 janvier.



Ce 21 janvier, nous avons pendu notre crémaillère. Le choix de la date a fait rigoler les fins esprits de notre entourage.
Parmi les trucs qui m'insupportent, il y a la commémoration éplorée du 21 janvier et le dégueulis récurrent sur les "crimes de la République" dont l'exécution de Louis XVI est censé être le premier acte.

Avec la mauvaise foi qui est la mienne, j'adore faire remarquer que la royauté en France est morte bien avant le 21 janvier 1793, c'est-à-dire le 10 août 1792 avec la prise des Tuileries. Et la République, elle, est née après la victoire de Valmy, en septembre 1792.

La mort de Louis XVI ne signifie rien. Il s'agit seulement de l'exécution d'un perdant politique, et, sauf le respect des royalistes, d'un perdant notoirement nul politiquement. Courageux sur la fin, certes, mais qui s'est réveillé trop tard.
Comprenez, si vous voulez chercher le vrai changement de la Révolution, allez le chercher ailleurs que dans la mort du roi. Pour vous en convaincre, regardez ce qui s'est passé ailleurs, en Angleterre, par exemple, où l'on fait de l'exécution royale un sport national, du Moyen-âge au pauvre Charles Ier : voyez, ce n'est pas parce qu'on décapite un roi que les choses changent. Preuve en est qu'après en avoir tué et viré plusieurs comme des malpropres, eh bien, ils en ont toujours, des rois (à grandes oreilles certes, mais des rois quand même)

(et pour ma part, j'aime beaucoup Charles Ier, qui est tout de même bien plus sexy que Louis XVI.)

Le problème est que l'on observe les choses par le petit bout de la lorgnette : la Révolution vue de la Cour et de la haute noblesse de France. Ce qui représente quelques "pourcent" de la population française à cette époque : bilan, ça ne fait pas lourd pour essayer de comprendre les choses. La mort du roi, ça relèverait presque du non-événement.
Le vrai changement révolutionnaire, c'est l'abolition des privilèges. Là encore, le plus important, ce n'est pas seulement les trois paysans excités qui vont brûler les papiers avec les aveux et dénombrements du seigneur local. Ou la fin du droit de cuissage qui n'existait même pas, en plus. L'abolition des privilèges, c'est surtout la fin des corporations, et l'ouverture, pour la première fois, au libéralisme. La fin des privilèges, c'est l'égalité devant l'impôt mais aussi la liberté de la presse - du moins, une ébauche.

Si vous voulez vous en convaincre, demandez-vous un peu pourquoi les paysans de Vendée se sont soulevés : pas pour un roi dont ils n'avaient rien à faire, mais parce qu'ils avaient eu le sentiment (et ce n'était pas qu'un sentiment) de s'être fait enfler au moment de la vente des biens nationaux.

Et quant à la violence révolutionnaire, supposée être l'ancêtre du nazisme... sans rire, vous me trouvez une seule guerre/révolte/soulèvement d'Ancien régime qui ne soit pas caractérisé par une extrême violence de part et d'autre ? C'est-à-dire, où l'on n'assassine pas au coin d'un bois les représentants de l'État, et où l'on ne pend/roue/décapite pas les agitateurs ?




Étant venue à l'histoire en étudiant la Révolution avec un excellent professeur en classe de seconde, j'ai toujours une certaine tendresse pour cette période - qui n'est pas, loin s'en faut, ma spécialité, puisqu'aujourd'hui je donne dans l'histoire religieuse et sociale des pouvoirs politiques du premier XVIIe siècle... Mais je n'aime pas bien la position hautaine qui consiste à cracher sur des hommes qui ne sont plus là pour se défendre, et dont le courage dépasse, de loin, tout ce que l'on peut imaginer. J'aurai toujours plus d'estime pour Saint-Just que pour ceux qui se complaisent, bien cachés derrière leurs écrans d'ordinateurs, à conspuer un monde moderne dont ils font, malgré tout, partie. Personne, aujourd'hui, n'a le millième du courage de Robespierre. Que les conspueurs de la Révolution prouvent aussi leur valeur. Qu'ils fassent aussi puissant, aussi grand, aussi exaltant.

Je les attends au tournant.





vendredi 7 janvier 2011

Parmi les trucs inavouables.

Parmi les trucs inavouables dans les hautes sphères de la pensée, il y a le fait de ne pas apprécier (voire de détester) tel ou tel grand écrivain.

Aujourd'hui, une copine m'a demandé si j'avais en horreur un écrivain en particulier. J'ai dit oui.

Moi par exemple, c'est Proust, qui m'exaspère. C'est plus fort que moi. Enfant de prof de lettres, j'ai essayé de le lire une première fois à 14 ans (pour ceux que ça surprend, je venais de terminer la Nouvelle Héloïse et La Vie de Marianne, et ça m'avait transportée), ça m'a rasée. Une seconde fois en prépa : je me suis arrêtée à peu près au même endroit, au milieu de "Du côté de chez Swann". Une troisième fois, l'an dernier - j'ai dû passer à peu près le troisième quartier du même.

Proust me tombe des mains. Il m'insupporte, lui et ses manières précieuses de premier de classe. Vous savez, le type insupportable du collège, du lycée ou de la fac, qui ne peut s'empêcher de vous adresser la parole sans citer un aphorisme bidon ou vous faire remarquer que les coquelicots lui rappellent la teinte bleutée d'un ciel de Poussin. Proust, lui, c'est plutôt la moindre poêle à frire qui lui rappelle un tableau de Giotto, mais c'est l'idée.

Proust m'énerve avec ses manières de petit-bourgeois qui voudrait bien entrer au Jockey-Club.

Proust m'exaspère avec ses blagues qui tombent systématiquement à plat.

Proust m'emmerde avec ses personnages qui sont soit des têtes de cons insupportables, soit des lavasses tout à fait inintéressantes (Swann, par exemple...)


Tout ça pour quoi ? Pour dire que c'est en lisant Proust que j'ai compris pourquoi Houellebecq m'était insupportable, à cause du même truc, qu'on appelle aujourd'hui le "name-dropping". Bon évidemment, c'est pas le même calibre : si Proust me gonfle avec son Giotto (en plus, Giotto me laisse complètement froide), Houellebecq, c'est plutôt sa machine Nespresso et ses tirages mappy dans la boîte à gants de sa Peugeot, mais passons.

Le plus drôle dans tout ça, c'est que je n'arrive pas à trancher la question de savoir si ça vexerait Houellebecq qu'on le compare à Proust.




mercredi 5 janvier 2011

Les brèves du nouvel an.

1. Je vous souhaite bien évidemment une très heureuse et sainte année. Qu'elle vous apporte tout ce que vous souhaitez, à vous et aux vôtres.


2. Il y a des crétins inoffensifs, et des crétins malfaisants, comme ceux qui vous expliquent que pour être vraiment écolos, il faut arrêter de faire des gosses, et on va tous mourir pour sauver des drosophiles et autres gentils nanimaux. Floréale leur répond magistralement.


3. J'ai enfin lu Geisha, d'Arthur Golden - le bouquin qui a inspiré le très beau film Mémoires d'une Geisha. C'est comme le film mais sans les images - et faut pas compter sur le sens poétique du bonhomme pour les images. Bref, beaucoup moins intéressant. Ce qui est drôle, c'est l'ego surdimentionné du bonhomme qui suinte à chaque page - il paraît qu'il se qualifie lui-même "l'un des auteurs les plus talentueux de sa génération" - et sa tendance à faire cours d'histoire sociale du Japon des années 1930 au lieu de nous raconter une histoire. Mais bon, ça se lit vite et on comprend tout.


4. Je me suis tordue de rire toutes les vacances à lire le pavé "Jeeves" de P.G. Wodehouse publié chez Omnibus. Je suis complètement dingue de Bertie Wooster, cet attachant glandouilleur qui attire les situations les plus farfelues, et les décrit avec une délicieuse désinvolture.


5. À mon grand désespoir, mes parents continuent de regarder avec application la série "Un village français".


6. Si vous voulez rigoler (ou pleurer), allez donc voir les "prénoms tendance de 2011". Ce qui m'intrigue le plus, c'est cette tendance à vouloir donner des noms de chien à des gosses. Honnêtement, qui, à part un sadique, oserait appeler sciemment et sans rire sa fille "Louka" ou son fils "Kenzo" ?


7. Et sur ce, bonne semaine à tous !