jeudi 21 octobre 2010

Quelques notes décousues sur les femmes.

Bon voilà, tout est dans le titre. C'est décousu parce que j'écris entre deux cours et que mes idées sont encore assez peu claires sur la question mais... j'ai bien envie de me lancer.



Pour bien donner une idée de ma position sur la question, une petite histoire.

Il se trouve que, dans le mouvement scout où j'ai traîné longtemps mes guêtres, il y a ce que l'on appelle les Guides Aînées, le pendant féminin des Routiers. En gros, c'est ce qu'on fait après avoir été guide (ou scout) et avant de devenir cheftaine (ou chef). J'ai été, pour ma part, dans un groupe, où, grosso modo, on vous expliquait que votre rôle à venir, c'est bonne soeur ou mère de famille. Ou, éventuellement, laïque consacrée. Point final.

Tout cela s'accompagnait d'un enseignement assez éléphantesque (dans sa subtilité autant que dans sa quantité) sur l'éducation à l'affectivité - id est, en quatre mots : pas avant le mariage. À une époque où je m'apprêtais à entamer des études longues en commençant par une prépa, j'aurais préféré peut-être entendre des choses sur le savoir et son rôle dans la foi, sur le rôle des études et de la connaissance dans la vie d'une femme, mais bon, il ne faut pas trop en demander.

Malgré tout, l'année que j'ai passée aux Guides Aînées fut plutôt agréable et se termina ma foi fort bien par un pélerinage entre Pérouse et Assise, qui reste un des événements marquants de ma fin d'adolescence.

La fin de l'année fut marquée par ce qui s'appelle les prises d'engagement chez les Guides Aînées. En gros pour les non-initiés, c'est là où on s'engage à suivre dans toute sa vie les principes scouts (esprit chevaleresque, sens du service, etc, etc). C'est là que ça devient intéressant pour mon propos.

Chez les routiers, la prise d'engagement se fait par un cérémonial magnifique et se termine lorsque le nouvel engagé quitte le cercle où il vient de renouveler sa promesse face aux autres, et part, après avoir reçu un bâton de marche et une bible, seul dans la nuit pour une marche, exercice à la fois physique et spirituel, de plusieurs jours, en solitaire. Les paroles sont belles et solennelles. Elles appellent à l'élévation, au dépassement de soi.

Pour les guides aînées, les filles, donc... la cérémonie est bien plus courte, assez gnangnan et se termine... lorsque les filles se réunissent au coin du feu en veillée prière.

Super, n'est-ce pas ? Excessivement excitant !

Avec le recul, j'ai retiré de cela et de bien d'autres choses, l'idée que le problème, c'est que l'Église ne sait pas trop quoi faire des femmes. Oui oui, je sais bien, la Vierge Marie et les saintes femmes... mais si j'ai bien compris, la Vierge Marie, il n'y en a eu qu'une, il n'y en aura pas d'autres. Et chez les saintes femmes, on met en valeur soit leur martyre (et leur vertu), soit à l'inverse, leur "virilité", chez les abbesses et autres grandes dames (Thérèse d'Avila, Hildegarde de Bingen, etc).


Un autre exemple ? Une fois, un site catho que je ne nommerai pas mettait en lien un site destiné aux femmes catholiques, "Sentinelles de l'invisible". En lien avec la pastorale de l'Eglise sur le rôle des femmes dans la transmission de la spiritualité dans la famille et dans le monde.
Je me suis dit Ah, tiens, chic alors, enfin un truc intéressant, du genre à vous faire réfléchir sur votre rôle de femme. Je trouvais le titre particulièrement bien trouvé.
Ben non. Les Sentinelles de l'invisible, sur ce site, elles s'échangent des tuyaux pour acheter des pelotes de laine 100% coton (qui passent mieux à la machine) et des bocaux de cuisine avec 50% de réduction.

Voilà. Le rôle des femmes, c'est le bon plan tricot et tupperware. Sors pas de la cuisine ma fille, tu vas t'enrhumer le cerveau si tu réfléchis.



Je n'irai pas jusqu'à dire, comme on peut parfois le voir, que les femmes sont des membres de seconde zone de l'Église catholique. N'empêche que. Il y a des choses sur lesquelles ont peut s'interroger.

Quand j'étais petite, je voulais être prêtre. Et puis ma mamie m'a expliqué que je pouvais seulement être religieuse. Mais je veux prêcher, disais-je ! Tu pourras aller en mission en Afrique (ma mamie a connu les colonies, on ne va pas la refaire) ou entrer chez les Ursulines, là tu pourras enseigner. Mais je veux prêcher à l'église, moi. Bah non. Pas touche. Il fallait naître homme.

C'est de la jalousie de bas étage, je vous l'accorde. Qui me travaille lorsqu'il m'arrive de m'ennuyer ferme pendant l'homélie du dimanche, lorsqu'un prêtre aux piètres capacités d'orateur enchaîne phrases pompeuses et vides en guise de sermon, du style curé dans Les Langages hermétiques des Inconnus - "et il n'est même pas fichu de faire trois parties", m'arrive-t-il de grincer avec peu de charité. Car je suis bien consciente de manquer cruellement et d'humilité et de charité en ces moments. N'empêche que le "je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas en faire autant" est une tentation.

De fait, le sacerdoce féminin ne fait pas partie de mes chevaux de bataille. Je préférerais que l'on travaille d'abord un peu plus en profondeur à l'éducation catholique des femmes - un peu plus de mise en avant de l'intelligence, du savoir et de la réflexion (ah, ces gamines qui avouent encore avec fierté connaître le Salve regina par coeur, mais ne comprennent pas le latin) un peu plus de considération pour le travail féminin, un peu moins de gnangnan et un peu plus d'élévation, ce ne serait déjà pas si mal.

Je m'agace régulièrement de certaines personnes qui voudraient absolument faire de l'élevage des gosses la seule gloire d'une femme. Oui, c'est bien, c'est noble, c'est tout ce que vous voulez, mais on peut difficilement dire que c'est franchement excitant pour tout le monde. D'ailleurs, si c'était si épanouissant que ça, la plupart des hommes de familles cathos-BCBG pleins d'enfants (mais pas seulement hein : on peut très bien être un mufle sans cela) se hâteraient un peu plus le soir pour rentrer avant que Madame ne se soit chargée toute seule du bain, des couches, du dîner, du ménage et du coucher.

Ensuite, j'aimerais bien qu'on m'explique en quoi c'est forcément mieux pour un enfant d'être élevé par une mère au foyer qui l'aurait allaité toute son enfance. Que je sache, je ne crois pas que Louis XIV ait été allaité et torché par Anne d'Autriche, ça ne l'a pas empêché 1. d'adorer sa mère et 2. de réussir pas trop mal dans sa vie. Cette configuration, à savoir la mise en nourrice des enfants, concerne l'écrasante majorité des enfants des franges supérieures des sociétés de l'époque moderne (noblesse d'abord, puis bourgeoisie plus ou moins modeste par imitation), et ils n'en sont pas tous morts, pour autant que je sache.
Oui, les médecins et les pédiatres s'accordent à dire que physiologiquement, cela peut être mieux pour un enfant d'être allaité pendant au moins six mois après sa naissance. Pour la mère, cela participe aussi de sa récupération (perte de poids, etc). Mais pour celles qui n'ont pas de lait ? Qui ne veulent pas (ne peuvent pas) allaiter ? On a toujours su se débrouiller autrement sans engendrer de catastrophe démographique, alors foutez-nous la paix avec ces histoires d'allaitement et de mère au foyer.

Enfin, beaucoup de femmes font des études. Ce n'est pas pour se retrouver aide-ménagère gratuite. Dans mon entourage, il y a des femmes professeurs de lettres classiques, ingénieurs, polytechniciennes, médecins... qui veulent avoir des enfants, les éduquer, en faire des êtres à part entière avec des valeurs, de la culture... mais qui n'ont pas forcément l'intention de renoncer aux plusieurs milliers d'euros par mois auxquels elles peuvent aspirer. Beaucoup disent que c'est de l'égoïsme de mères dénaturées. Et là non plus, je ne vois pas bien ce que vient foutre l'amour maternel là-dedans.

Pour ma part, je travaille pour l'argent, comme tout le monde, en fait. Si je pouvais être rentière, croyez-moi, je serais la première à ne plus en foutre une rame. Sauf que je ne me transformerais pas, je ne me transformerai jamais, en aide-ménagère gratuite. Car je ne considère pas que changer des couches et faire des lits soit une vocation et une fin en soi. Que ça soit essentiel et qu'il faille bien en passer par là, d'accord. Que l'on veuille y échapper si on en a la possibilité ne me paraît pas être le comble de la monstruosité.


Malheureusement, quoi qu'on fasse, on fera le mauvais choix. Tu veux t'arrêter de travailler ? Tu es une feignasse attardée entretenue par un homme. Tu veux faire des enfants, prendre ton congé maternité ? Tu es une traître à la cause, une pondeuse indigne du monde du travail. Tu veux travailler alors que tu as des enfants ? Tu es une salope égoïste, une mauvaise mère, tes enfants finiront drogués et prostitués, voire pigistes au Monde diplomatique.

Mais merde à la fin. On ne peut pas avoir le choix ?





lundi 18 octobre 2010

Les romans facebook : Quatuor, de Vikram Seth.


Comme je n'ai jamais pu emprunter Un garçon convenable, de Vikram Seth, que tout le monde m'avait conseillé - manifestement très demandé à la médiathèque de la banlieue pour riches - j'ai fini par m'emparer de Quatuor, du même.

Je n'aurais pas dû car je me suis considérablement ennuyée à lire les déboires d'une tête de con de violoniste pénible et hystérique, qui a plaqué dans sa jeunesse sa bonne amie (pianiste de son état) - d'une manière infiniment élégante, à savoir ne plus donner de nouvelles du jour au lendemain, et la retrouve dix ans après, mariée - c'est pas de chance.
La tête de con hystérique essaie de recoller les morceaux mais évidemment, ça rate - car la dame trompe joyeusement son époux et puis finalement s'en veut - et un peu de culpabilité judéo-chrétienne à deux roubles pour pimenter tout ça. Un peu de Guide Bleu, aussi - ça se passe à Venise à un moment. Et en plus, la pianiste est devenue sourde - et un peu de tragédie racinienne pour nous faire gober que c'est d'la grande littérature, ça, madame.

Le tout pour faire savant croule sous les termes techniques les plus raffinés, parce que l'auteur veut nous expliquer qu'il a lu La musicologie pour les nuls. J'ai lu après coup que le bonhomme avait (ou avait eu, j'ai pas bien compris) un compagnon musicien, ça doit être un traumatisme fondateur.

Je connais mal le milieu de la musique. Je connais très mal la musique en général, et c'est pas faute d'avoir tapé sur un piano du CP à la Terminale, avec des résultats assez peu glorieux, il faut bien le reconnaître. Aussi les déboires d'un quatuor qui se demande s'il vaut mieux jouer du Schubert en ut bémol majeur avant du Beethoven en la majeur m'ont-ils laissée totalement froide. Et la représentation des musiciens soit homosexuels pénibles et pleurnicheurs (sur le coup je me suis demandée si le type avait déjà rencontré un homosexuel dans sa vie, c'était avant que j'apprenne qu'il l'était lui-même, ce qui n'a pas laissé de me surprendre) soit hétérosexuels pénibles et pleurnicheurs, suffisamment exaspérante pour avoir envie de souffler au personnage principal quelque chose comme "mais on s'en fout, mon brave".

Pourquoi parlais-je plus haut de "roman facebook" ? C'est parce que ce genre de bouquins où on ne comprend pas pourquoi les gens se déchirent, se réconcilient, s'engueulent, s'adorent, se trompent ou couchent ensemble, me fait penser aux conversations de jeunes gens dans le métro, à base de textos, de statuts facebook et d'envois d'e-mails aux enjeux infiniment compliqués. Et à les écouter, vous ne parvenez pas à comprendre pourquoi tel statut facebook a entraîné une brouille mortelle, une rupture ou une coucherie. D'ailleurs vous ne voyez même pas le rapport entre ledit statut et ce qui s'est ensuivi, mais manifestement, tout ça est très grave.

Ou débile et dérisoire.

Eh bien voilà. Je n'ai pas compris pourquoi jouer La Truite et l'Art de la fugue étaient aussi importants pour cette histoire d'adultère - et en plus, je m'en fous. Je n'ai pas compris pourquoi on passait, au détour d'une phrase anodine, de l'adultère passionné à la culpabilité déchirante. Pourquoi à la page 245 on se roule des palots dans une église vénitienne, et à la page 246 on pleure sur son cas et on décide de rompre. Et je n'ai pas compris pourquoi c'était grave, du reste.


Ou alors c'est juste que les gens sont tous pénibles et pleurnicheurs ?

ça expliquerait pas mal de choses sur ce que j'entends quand j'ai les oreilles qui traînent dans le métro.