vendredi 20 juillet 2012

From Hell, ou comment vendre sa camelote en passant pour un intello.



Alors que j'arpentais les rayonnages de la bibliothèque municipale, mon oeil a été attiré par un titre. From Hell. Roman graphique, dont j'avais vu l'adaptation en film il y quelques années. Pas mal du tout, un peu violent mais enfin, il y avait Johnny Depp qui, comme toujours, faisait du bon travail. Et puis l'intrigue était plutôt bien fichue, une nouvelle version de l'histoire de Jack l'Eventreur, ça se laissait regarder. Et puis, bah, il y avait Johnny Depp qui à un moment est à poil dans sa baignoire. 

Le coeur battant à l'évocation de ces souvenirs de post-adolescence, j'emprunte l'ouvrage et l'entame le soir même, espérant passer quelques bons moments de lecture, et surtout m'occuper un bon bout de temps avec des cinq cent pages et des brouettes.

Et puis, grosse désillusion. 

D'abord, le noir et blanc, le flou, les flashs-back, c'est très bien, mais si ça doit entraîner l'obligation de revenir en arrière toutes les deux pages parce que là, on ne se souvient plus du tout de qui c'est celui-là (en fait on n'a simplement pas reconnu sa tête vu qu'ils se ressemblent tous), c'est très pénible. 

Les citations érudites piquées un peu partout dans le répertoire philosophico-prise de tête en exergue de chaque chapitre, c'est bien aussi. Mais seulement si ça a un rapport avec la choucroute, sinon ça fait juste pédant. Ou débile. Ou les deux. 

Les trucs qui ne servent à rien un peu partout. Par exemple, l'allusion à Adolf Hitler (le Point Godwin s'applique aussi à la BD). Là, on est dans Jack l'Eventreur, c'est-à-dire le mal, caca, ouh, pas beau-vilain. Or, qu'y a-t-il de plus caca-pasbeau-vilain qu'Adolf Hitler ? Oh, comme c'est original, glissons une allusion à Adolf Hitler. Mais il n'était même pas né à l'époque de Jack l'Eventreur ? Qu'à cela ne tienne, l'auteur nous inflige, en plein milieu de son intrigue victorienne, une page entière dédiée à la conception d'Adolf Hitler - si si, vous ne rêvez pas. Vous voyez bien deux personnages causant allemand en train de forniquer dans une chambre, et comme ils s'appellent respectivement Aloïs et Klara, vous finissez par comprendre (to the happy few...) que bing, bah Jack l'Eventreur, Hilter, tout ça c'est pareil, c'est le mal. 
Cherchez pas. C'est comme ça. 

Il y a aussi le passage obligé sur les bourgeois et aristocrates forcément plein de turpitudes sexuelles (corollaires : leurs femmes coincées du cul parce que la société victorienne, c'est le mal, Adolf Hitler, on vous a dit). Le passage obligé sur les putes lesbiennes avec quelques pages de triolisme et quelques plans de pénis en train d'éjaculer. Classe et élégance, comme de bien entendu.

Je vous épargne les dizaines de pages historico-philosophico-théologico-architecturales où le méchant disserte sur des sombres histoires de franc-maçonnerie et de trucs satanistes en lien avec l'architecture de certaines églises de Londres. Là, j'ai rien compris, j'ai sauté des pages parce qu'au bout d'un moment, ça va bien. 


Et puis après tout ça, il y a l'explication. Comme d'hab', le méchant, en fait, c'est un abominable docteur en apparence respectable et appartenant à la haute société victorienne, et en fait, c'est un complot plus ou moins dirigé par la famille royale anglaise. Evidemment. Et tout est étouffé parce que les méchants, ils sont puissants et les puissants y sont méchants, c'est bien connu. Le complot. Tout ça.

C'est étonnant d'ailleurs. Je veux dire, lisez n'importe quelle rubrique de faits divers, regardez n'importe quelle émission de télé du style Faites entrer l'accusé, et vous verrez que - allez, à la louche - les trois quarts des affaires de meurtres un peu glauques se passent dans des milieux plutôt au bas de l'échelle sociale. Que le serial killer façon docteur Jekyll, c'est un spécimen plutôt rare en définitive. Alors que dans les fictions policières, ils sont tellement légion que c'en devient aussi agaçant que prévisible. Et gonflant. 

Bref. J'ai survolé les cinquante dernières pages et j'ai repensé à Johnny Depp dans sa baignoire, ça m'a un peu consolée.





mardi 10 juillet 2012

Les feuilles de brick.



Parmi les trucs culinaires que j'ai découverts sur le tard, il y a les avocats (on n'en mangeait pas chez mes parents, ma mère y étant allergique), les cakes, quiches et tartes maison, et les feuilles de brick.

Les feuilles de brick, c'est vraiment l'épate à peu de frais : on y met ce qu'on veut, ça change rien par rapport à un gratin ou n'importe quoi d'autre, mais la présentation fait classe. Et contrairement à ce qu'on lit souvent, ça n'est pas plus gras qu'autre chose pour peu qu'on les fasse cuire au four et non frire dans l'huile... Si on veut quand même que ça soit un peu doré, il suffit de badigeonner les petits bricks de quelques gouttes d'huile d'olive avant de les mettre au four. Au pinceau, ou (pour les pauvres comme moi) au doigt. 

L'aspect croustillant permet ainsi de faire manger à l'Epoux des légumes vapeur sans qu'il se plaigne  d'être honteusement mis au régime.

Alors pour ceux qui comme moi deviennent dingues quand ils découvrent un truc culinaire, voici mes recettes préférées :

- Bricks à la courgette : râpez une grosse courgette (ou plusieurs petites), mettez-la à revenir avec un peu d'huile. Ajoutez sel et poivre, un demi-pot de ricotta (le meilleur truc du monde) et du fromage, du gruyère râpé faisant tout à fait l'affaire. 
Variante très bonne mais pas recommandée si on aime la vie en société : avec du roquefort (et des noix, c'est encore plus mieux), bien expliquée ici.
Variante "j'ai pas de courgettes ni de noix" : avec des épinards et des pignons.
Variante "j'ai pas de ricotta" : avec du mascarpone. Ou du fromage blanc, mais là il ne faut pas trop en mettre sinon ça dégouline partout et vos bricks vont se percer, c'est très énervant. 

- Bricks à la viande : n'importe quel reste de viande fait l'affaire, pour peu qu'on le hache avec des herbes, une carotte et une courgette (si on en a une qui traîne). Il y en a des qui lient le tout avec de l'oeuf, personnellement je préfère ajouter de la ricotta (je vous ai dit que c'était le meilleur truc du monde ?) ou de la crème de soja. Ceux qui hurlent à la mort en entendant parler de soja se rappelleront (ou apprendront) qu'étant allergique au lactose, je limite ma consommation de produits laitiers, et vous devriez faire pareil parce que n'étant pas des petits veaux, il n'y a pas de raison que vous vous nourrissiez de lait de vache - est-ce qu'on donne du lait de femme aux veaux ? non ? Bah alors.
(oui je sais, c'est idiot). 
(mais pas plus que de faire des pubs où le fait de manger un camembert ou de boire du lait à la bouteille comme un porc fait de n'importe quel clampin(e) une bête de sexe).


Dernière précision : on dit souvent que pour fermer le petit brick, il faut mettre quelques gouttes d'eau. J'ai essayé, ça n'a jamais marché, tout au plus ai-je réussi à faire des trous dedans (et les trous, c'est énervant). Alors je replie mon petit brick et ensuite je le pose dans le plat avec la pliure dessous, comme ça le poids fait tenir le truc bien fermé.

Voilà, voilà. 





jeudi 5 juillet 2012

Habitude.



Incipe, parue puer, risu cognoscere matrem
– Matri longa decem tulerunt fastidia menses.
 


Est-ce qu'on s'habitue un jour à avoir des enfants ?  Est-ce qu'on s'habitue à la joie de voir un petit visage se plisser, s'élargir, pour appeler, pour sourire, pour rire... montrer tout simplement qu'il a besoin de nous, compte sur nous et nous offre en retour une affection joyeuse.

Trois minutes avant d'accoucher, je crois bien que je n'avais pas encore bien percuté l'idée. Ensuite, il a fallu des jours et des jours pour  que j'arrête de me répéter que non, celui-là, c'est pas comme mes neveux, faut pas le rendre à ses parents à la fin du week-end, on peut le garder.

On se lève la nuit pour le nourrir, pour le rassurer - on se rend même compte qu'en pratique, on se réveille une demi-seconde avant même qu'il ne se mette à pleurer. On répond à son appel, le matin, quand il pleure de faim ou se marre tout seul dans son lit en regardant les petits animaux de son mobile musical. On l'habille, le déshabille, le baigne. Parfois il hurle de rage, parfois il pleure de douleur et c'est la panique à bord (qu'on essaie de ne pas trop montrer) ou de contrariété et nous, on apprend aussi à développer une capacité à ne pas trop être dérangé quand on voudrait bien prendre un repas tranquille qui durerait plus de cinq minutes, merci bien. On le change, et ce n'est pas toujours ragoûtant, surtout que le petit sacripant a une certaine tendance à bousifier alors qu'on est en train de prendre son café après un bon repas. 

Mais bon. On apprend ces mille petits trucs à faire. On prend le pli.

Mais à chaque sourire, c'est toujours le même coup au coeur, la même surprise, comme si c'était un cadeau purement gratuit, parfaitement inattendu et merveilleusement choisi.



lundi 2 juillet 2012

Anthropologie du RER appliquée à la femme enceinte.



Tu es enceinte, ça se voit, et ça commence à peser mine de rien. Pas de bol, tu dois te farcir ton heure de transports en commun quotidienne car il faut bien continuer à gagner ta croûte. Alors, quand les portes du wagon s'ouvrent, tu as le coeur battant : est-ce que quelqu'un va te laisser sa place - la place du coeur, selon le jargon merveilleux de la RATP ? 

Sache, déjà, femme enceinte, que tu es troisième dans l'ordre des priorités pour les places assises. Devant, il y a les mutilés de guerre (mais, en 2012, on peut dire que ça court de moins en moins les rues, je rappelle que le dernier poilu est quand même mort il y un bon bout de temps), et les aveugles et infirmes civils (mais ils ne prennent pas beaucoup le métro, pour des raisons évidentes). Donc logiquement, tout le monde devrait se lever d'un seul homme pour te laisser une place assise. 

Mais en fait, non. 

Il y a la femme entre deux âges, celle-là en général se lève spontanément et te laisse la place avec un sourire complice, elle est passée par là, elle sait qu'il vaut mieux être debout plutôt que de te laisser toi-même debout au risque de t'effondrer (et bloquer le wagon pour un temps indéterminé) ou de vomir tripes et boyaux. 

Il y a la matrone noire, en général grande et forte. Celle-là, elle se lève ou fait lever les gens, en gueulant si besoin QU'IL Y A UNE DAME QUI ATTEND UN BÉBÉ OULALA DIS-DONC VOUS POURRIEZ VOUS LEVER NON MAIS C'EST QUOI CETTE MENTALITÉ LÀ. Et comme elle prend l'air pas commode, les gens se lèvent sans la ramener. 

Il y a le jeune Noir un peu wesh-wesh, qui se lève avec un charmant "vazy madame vous allez pas rester debout ça s'fait trooooop pas... vazy toi lève-toi y'a une dame là qui veut s'assoir vazy hein". A priori, fils ou neveu de la matrone du dessus. 

Il y a la pétasse sur talons vertigineux (commerciale à la Défense). Qui te laissera debout car elle est trop occupée à refaire son vernis ou se repasser un coup de mascara. Elle t'a pourtant bien vue mais tu n'es probablement pas assez digne de sa considération (faut dire que les talons aiguilles, tu as abandonné assez vite) .

Il y a le mec en costume avec chaussures pointues (commercial à la Défense, peut s'accoupler avec la précédente). T'a bien vue, a même reluqué tes seins gonflés aux hormones de grossesse. Mais ensuite son regard est descendu sur ton ventre : il est alors devenu tout blanc et s'est mis en considérer son smartphone ou ses chaussures avec le plus grand intérêt. 
Si le mec en costume se lève, vérifie son annulaire gauche : en général, il a une alliance. Peut-être même que sa femme, en d'autres temps, s'est abondamment plainte de la goujaterie

Il y a aussi le vieux con (la cinquantaine approchante) qui fait remarquer, après s'être fait houspiller par la matrone et t'avoir laissé sa place, que "elles font chier les femmes enceintes, peuvent pas rester chez elles, et puis la grossesse c'est pas une maladie / c'est pas moi qui lui ai fait bordel" (classe, distinction, élégance).  Il conchie aussi les féministes qui veulent qu'on leur cède la place mais veulent aussi l'égalité des sexes alors il voit pas pourquoi il devrait céder sa place. 
Mais comme en plus d'être un con, c'est un lâche, il obéit au doigt et à l'oeil de la matrone.


L'un dans l'autre, habitant dans une banlieue où les matrones, les wesh-wesh et les familles sont légions, j'ai toujours pu m'asseoir dans le métro pendant ma grossesse, preuve que tout n'est pas foutu dans ce bas monde ma brave dame. 


Cette page d'anthropologie s'est fantastiquement bien vérifiée avec la poussette ou le bébé porté en écharpe. Si les jeunes wesh-wesh, les matrones et les touristes continuent de filer un coup de main et /ou de laisser leur place. les connards en costume à chaussures pointues et smartphone préfèrent te doubler en te bousculant dans un escalier plutôt que de t'aider. Et ils continuent de pester si tu ne cours pas assez vite dans les couloirs de Châtelet.