lundi 12 décembre 2011

On reparle du génocide vendéen.

L'autre matin, en proie à un chouette moment d'insomnie entre quatre heures et six heures et demie, je me suis rappelée que j'avais emprunté à la bibliothèque Les Démons de Dostoïevski. Un peu par hasard, du reste, car j'ai un rapport compliqué avec la littérature russe - j'ai jamais bien compris pourquoi les personnages des romans russes, à chaque fois qu'ils font le moindre truc, se mettent toujours forcément à philosopher sur la vie, la mort, la foi, le temps et la politique - mais sinon ça se laisse lire.

Toujours est-il que les premières pages m'ont fort amusée car il y est question d'un historien un peu raté sur les bords, dont la thèse a suscité quelques remous pour une raison obscure dans le milieu universitaire, et qui depuis en profite pour s'attribuer une place de contestataire victime d'ostracisme de la part de l'ensemble du monde intellectuel de son temps. Son hobby favori devient la compromission régulière avec des milieux qui sentent le soufre tout en prenant soin d'aller régulièrement lécher les bottes auprès des autorités. Contestataire, engagé, mais pas téméraire non plus - faudrait pas déconner.

Cela m'a fait diablement penser à l'un des nouveaux héros de la pensée réactionnaire, notre ami à tous Reynald Sécher. Que je n'aime pas pour plusieurs raisons mais comme je n'ai pas lu son dernier bouquin, je vais d'abord exposer les raisons générales qui font que j'estime que le bonhomme est un gros rigolo. Et puis quand j'aurai feuilleté son opus chez Gibert, je reviendrai vous en donner un avis plus précis.


Pour ceux qui ne visualisent pas (ou qui ne s'intéressent que de loin à l'actualité historique), Reynald Sécher est un loustic qui publie des livres sur la guerre de Vendée pendant la révolution française. Avec pour objectif de montrer que la guerre de Vendée et la Shoah, c'est tout pareil (mais il n'a pas jugé nécessaire de préciser qu'il y avait quasiment deux siècles d'écart entre les deux).


D'abord, je n'aime pas les types dont le fond de com' consiste à glapir à la censure avant même la sortie de ses bouquins en librairie. Vous me direz que c'est un moyen commode de prévenir la douleur, mais quand on n'est en fait pas censuré du tout, c'est comme l'histoire du petit garçon qui crie au loup : ça donne l'air bête, à force.
Reynald Sécher, voilà un bonhomme dont le leitmotiv, dans les interviews qu'il donne, est de répéter qu'il est très malheureux parce que personne ne veut publier ses livres. D'où il en tire la preuve qu'il doit être vachement subversif et que, la subversion étant la valeur à la mode en ces années 2010, il est donc génial, forcément génial. Et que c'est pour cela que les pouvoirs en place (le Grand Orient de France par exemple) cherchent à faire interdire ses livres.

Du reste, à ce titre, Reynald Sécher raconte des anecdotes désopilantes afin de prouver son terrible calvaire pour clamer la vérité à la face du monde : d'abord, il paraît qu'une semaine avant sa soutenance de thèse, son appartement à été cambriolé pour lui piquer son doctorat, tellement il était subversif. Je ne veux pas être méchante mais cela me paraît relever davantage du fantasme que de la réalité, cette affaire. Non parce qu'en général, une semaine avant la soutenance, la thèse est déposée à l'université, chez chacun des membres du jury de la thèse (quatre ou cinq) et souvent chez des copains à qui on a donné un exemplaire en gage d'amitié (oui, dans le milieu universitaire, on s'offre des exemplaire de thèse, ne rigolez pas).
Alors soit les détracteurs de Reynald Sécher étaient particulièrement cons (c'est possible, vous me direz), soit... c'était plus son auto-radio ou son walkman qui étaient visés. Parce que sa thèse...

Ensuite, il y a l'anecdote du type agissant au nom du gouvernement, qui vient lui proposer cinquante mille balles et un poste à la fac en échange de "son silence". Donc effectivement, on cherche à le faire taire en lui donnant une chaire à l'Université. Je veux bien que ses détracteurs oppresseurs soient vraiment cons, mais là ça devient un peu gros quand même.

Enfin, on l'oblige à démissionner de l'Education nationale dont il n'était pas titulaire, se trouvant probablement trop génial pour s'autoriser à passer le capes ou l'agrégation (son CV étant en ligne, c'est facile à savoir). Vous me direz qu'il est préférable de dire qu'on démissionne à cause des pressions des méchants gauchistes, plutôt que d'avouer qu'on ne peut pas piffer l'enseignement en collège. Là, ok.


Autre posture du bonhomme : il est censuré, maltraité par les journalistes et la communauté historienne, rien que ça. Ce serait la raison pour laquelle il a fondé sa propre maison d'édition pour pouvoir publier ses ouvrages (qui sont subversifs, faut-il le répéter). C'est qu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même.
Cela dit, le premier bouquin de Sécher (La Vendée-Vengé) a été publié aux Presses universitaires de France, dans la collection "Nouvelle Clio", celle qui rassemble abondance de bouquins destinés aux étudiants en histoire et aussi au grand public (la "Nouvelle Clio", ça se vend super bien, c'est comme les biographies de rois de France chez Fayard). On note donc la censure à l'oeuvre dans la publication des livres de ce monsieur.
Le livre se peut même très facilement consulter à la Bibliothèque nationale : ô surprise, il n'est pas rangé dans les tiroirs scandaleux de l'Enfer de la BNF. En pianotant sur le serveur, vous pouvez même l'obtenir sur votre table de lecteur en une vingtaine de minutes. J'ai essayé, ça marche. Vous ne vous attirez même pas le regard réprobateur du bibliothécaire. C'est très décevant - et moi qui espérait toucher du doigt le monde de la subversion...

Reynald Sécher, historien et martyr, est aussi victime de l'ostracisme des universitaires. Ce n'est pas parce que ses prises de positions sont aussi vaines qu'inintéressantes, non, c'est bien évidemment parce qu'il est subversif et que l'Université est pourrie jusqu'à la moëlle par le marxisme rampant. Bien entendu.
Cela doit tout de même être hautement vexant pour lui, là, je le reconnais. Non parce que quand un historien brillant et sérieux a des ennuis (Sylvain Gougenheim, Olivier Pétré-Grenouilleau), il est soutenu quelles que soient ses positions par l'écrasante majorité de la profession. De là à dire que si personne ne s'occupe de votre matricule, c'est que vous n'êtes pas forcément le numéro un de l'intérêt national en histoire, il n'y a qu'un pas...


Dernier élément (avant de passer, dans quelques jours, à quelques mots sur son dernier livre), l'objectif de Reynald Sécher, aujourd'hui, est critiquable dans la mesure où il pratique allègrement le mélange des genres : chercher à montrer que la Vendée c'est tout pareil que le génocide juif, oui, ça me chiffonne. Le génocide, c'est une notion juridique. Orienter son travail dans ce but, c'est une nouvelle fois vouloir faire de l'historien un juge. Ou pire, un procureur. Or les historiens n'ont pas à se mêler, dans leurs travaux, d'affaires juridiques et politiques. C'est ce que se tuent à répéter les membres de Liberté pour l'Histoire.


Bon. Et maintenant ?

Comme je vous le disais, j'ai pris une fois un après-midi complet pour lire la thèse de Sécher, celle des années 1980, publiée aux PuF. C'est extrêmement ennuyeux à lire mais ça, c'est parce que la période me rase un peu et que Reynald Sécher n'est pas exactement au même niveau que Tolkien niveau plume, mais ce n'est pas un mauvais livre. C'est même plutôt bien fichu. Et convaincant. Pourquoi ? Parce que le type fait là un ouvrage d'histoire, pas un sermon politico-juridique sur la Vendée.
Le problème à mes yeux est qu'on a l'impression que l'auteur oublie complètement que la guerre à l'époque moderne, c'est extrêmement violent. Toujours. Que ces gens-là n'ont pas du tout la même notion du "respect de la vie humaine" à prononcer avec des trémolos dans la voix, que nous. Un peu comme les Romains n'hésitaient pas à massacrer allègrement les peuples gaulois qui les asticotaient un peu. Un peu comme les ligueurs catholiques du XVIe siècle trouvaient que puisque les protestants étaient pénibles, on pouvait tous les tuer, ce serait plus simple comme ça. Et que donc, la notion de "génocide", pour cette période, est aussi peu appropriée qu'un emplâtre sur une jambe de bois.



Aussi, qu'on en fasse le nouveau parangon de la vertu réactionnaire au service de la vérité maltraitée par les vilains gauchistes, ça m'énerve un peu. Un tout petit peu.

lundi 28 novembre 2011

Ah, les conversations Facebook, ou le café du commerce même pas intello.

Aujourd'hui sur Facebook, Le Jour du Seigneur (que j'ai l'honneur et l'avantage de compter parmi mes amis) publiait une petite niouse sur la place des femmes dans l'Eglise. Ce qui m'a donné le bonheur de lire la prose de quelques messieurs que j'ai autant envie de rencontrer qu'un loup-garou un soir de pleine lune. Je vous laisse apprécier - et non, je ne sais pas faire de captures d'écran. Mais ce n'est pas grave, il y a quand même de quoi se marrer.


Pourquoi les femmes sont elles aussi peu représentées dans les instances d'Eglise? L’Église est elle prête pour l'ordination des femmes? La réponse de Christine Pedotti dans un bonus. Une exclusivité lejourduseigneur.com

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    • Sylvain Lagrange Le jour ou les femmes seront ordonnées je quitterai l’église catholique, déjà que je n'y reste que par amour de Benoit XVI. Je rejoindrai les Orthodoxes! Les femmes ont un travail immense a faire dans l’église mais pas d'être prêtre.
      Il y a 7 heures · · 1
    • Pierro Mendes Je confirme c'est aussi ce que j'allais dire c'est du tout normal
      Il y a 6 heures ·
    • Patrice Le Cavorzin je suis pour que les femmes puissent être prêtres !
      Il y a 6 heures · · 3
    • Sylvain Lagrange Je pense que seul des catholiques pratiquants peuvent avoir une opinion sur ce sujet et sur tout sujets d'église.
      Il y a 5 heures ·
    • Luc Moisan Je pense que les femmes sont très présentes dans l'église (en pastorale, par exemple) mais leur travail n'est pas toujours reconnu à sa juste valeur.
      Il y a 4 heures ·
    • Le Jour du Seigneur Pratiquants ou pas, votre opinion compte! Merci de débattre ici, dans le respect bien entendu.
      Il y a 3 heures ·
    • Gilles Priollet La femme est vénérée dans l'Eglise comme dans aucune autre instance humaine. D'autre part l'égalité ne se décrète pas ; c'est une tentative de mise à niveau politique démagogique car impossible à atteindre, par nature. L'égalité est en droit, donc dans la loi humaine seulement. rendre la femme par contrainte égale de l'homme est une manière de la dégrader, de lui enlever ses qualités pour lui donner des qualités d'homme. Cela n'est ni favorable à son développement ni à l'équilibre de la société. Il suffit pour s'en convaincre de voir ce que font les enfants dans la rue. Il n'est donc pas étonnant dans ce contexte que les tenants du nivellement par le bas veuillent faire des prêtresses contre la Foi de celles qui se dévouent de si belle manière.


Alors notre ami Sylvain, il doit être sincèrement persuadé d'être un type super important. Un peu comme ces parents d'élèves qui vous expliquent que si vous continuez à martyriser leur Choupinet, ils le mettront dans le privé. Mais allez-y, putain, cassez-vous ! Puisque vous êtes mieux que tous les autres, allez faire montre de vos talents ailleurs. Je savoure aussi le commentaire sur "seuls les catholiques pratiquants (pas les faux en plastique, hein) peuvent avoir un avis sur la question".

Bref, un mec modeste et ouvert à la discussion, comme je les aime.

Vous aurez sans doute apprécié l'argumentation "anti-femmes prêtres" à base de phrases toutes faites, sans queue ni tête, probablement lues ça et là dans la presse conservatrice et qui consiste à dire que si tout fout le camp, c'est à cause de ces connasses qui ne font pas ce qu'on leur dit de faire (se la fermer, quoi). Vous aurez appris que si les gosses ne sont pas élevés, c'est bien à cause des bonnes femmes - jamais la faute du père qui n'est jamais, bien sûr, inconsistant voire demeuré.
Et encore, on a échappé au sempiternel "la famille est la cellule de base de la société", ressortie à tout bout de champ à chaque fois.



Pour ma part, je me permets juste de faire remarquer humblement que je n'ai jamais, jamais rencontré quelqu'un qui soit foutu de m'expliquer comment on peut justifier que les femmes ne puissent pas accéder à la prêtrise dans l'Eglise catholique. Non que la question m'empêche de dormir. Non qu'elle soit la seule - à titre personnel, je n'ai pas compris tout un tas de trucs qui ne m'empêchent pas d'aller à la messe le dimanche. Tenez, par exemple, j'ai jamais bien compris le rapport entre le fait de mourir sur une Croix et de sauver l'Humanité et c'est pas faute d'écouter les sermons de Pâques avec moult attention. Après, comme je ne suis pas contrariante, je dis que oui, d'accord, après tout si vous voulez, hein.

Je note seulement que, selon le bon vieil adage "c'est toujours les mêmes qui font tout", on veut bien que les femmes fassent tout dans une paroisse : l'animation des chants, la catéchèse, le ménage, l'administration et le secrétariat. D'ailleurs, dans les milieux un peu tradis sur les bords, il est de bon ton de s'en plaindre : trop de femmes, ça fait fuir le chaland et c'est pour ça que l'Eglise fout le camp depuis Vatican II. C'est donc bien toujours de la faute des femmes, donc. Surtout pas des hommes qui sont probablement trop bien pour faire tout ça.

Alors ? Une femme prêtre, pourquoi cela choque-t-il ? Pourquoi non ? Comment l'expliquer avec des arguments que tout le monde pourrait entendre ? D'ailleurs, les anti-femmes-prêtres se réfugient derrière un vague "ordre voulu par Dieu" aussi fumeux que peu compréhensible.

Si seulement on pouvait discuter.











mardi 22 novembre 2011

En cuisine - le jeu des trucs et des machins (4e épisode)

Voilà un truc que... bah je sais pas ce que c'est. Alors c'est à votre bon coeur pour me donner son utilité, parce que sinon, il va rester inutile au fond de mon tiroir à couverts pour la fin des temps.







lundi 7 novembre 2011

Les trois médecins (mes héros).

J'aime bien lire des blogs de médecins. Il y en a plein d'excellents : Jaddo, Borée, Docmam, Souristine, l'incontournable Martin Winkler, Docteur Milie, mais aussi les autres : sages-femmes (Dix Lunes), vétérinaires (Boules de Fourrure)... Pour tous les goûts, sur tous les tons... cherchez-les sur Google, vous les trouverez sans peine. Et vous passerez un bon moment.

En ce moment, ces blogs se posent tous plus ou moins la question : "qu'est-ce qu'un bon médecin ?". Et ce depuis que Winkler a pondu une liste de billets sur les "médecins maltraitants" - ceux qui vous envoient chier, ceux qui vous balancent une sale remarque, ceux qui ne jugent pas nécessaire de vous examiner, encore moins de vous parler, avant de vous coller une ordonnance de doliprane et d'anti-dépresseurs qui fleure bon le "démerdez-vous et lâchez-moi la grappe".

Il y en a.

Certes.

Je peux même vous raconter l'histoire du connard qui m'a doctement expliqué au téléphone que mon époux avait une "bête gastro" et s'est foutu allègrement de la gueule quand je lui demandais de m'envoyer un médecin parce que bordel, je connais mon mari et je vois bien que ce n'est pas une gastro. Et que c'étaient des coliques néphrétiques.
Je peux aussi vous raconter comment y'a pas moyen de trouver un généraliste à Paris qui vous prenne moins de 50 euros, comment les gynécologues vous font soit un examen avec échographie qui vous est facturé 110 euros, ou alors ne vous font pas d'échographie, facturent leur examen 50 euros mais vous envoient faire une échographie ailleurs "car vous comprenez, hein, madame..." (que vous payerez 65 euros). Ouais.


Ce qui m'inquiète un peu plus, c'est le discours ambiant, qu'on trouve un peu partout, qui consiste à dénigrer systématiquement les médecins, la médecine, l'hôpital et tout ce qui touche de près ou de loin aux médicaments. A en croire ce discours, on devrait se contenter de l'acupuncture, des huiles essentielles et des tisanes aux plantes.
J'entends ainsi beaucoup de jeunes femmes enceintes qui chouinent que leur médecin "les fait culpabiliser" parce qu'il a eu le malheur de leur faire remarquer que fallait peut-être y aller mollo sur la prise de kilos pendant la grossesse. Bien sûr, ce n'est pas de leur faute, c'est qu'on les fait "culpabiliser". Pareil pour celles à qui l'on explique que la clope et l'alcool, va falloir arrêter pendant les neuf mois à venir. Et je ne parle pas de celles qui réclament à cor et à cri "un accouchement respecté" et (pour les plus atteintes) qui militent activement contre l'accompagnement médicalisé de la grossesse.

Je m'excuse mais cela s'appelle cracher dans la soupe. Qui est chaude et faite maison avec des tas de beurre et de fromage. Bref, avoir un comportement de sale gosse pourri gâté.

Pour me faire un peu mieux comprendre, j'aimerais partir d'un truc qui n'a rien à voir. Voyez-vous, il y a un musée à Péronne, l'Historial de la Grande Guerre (celle de 14-18, donc), où l'on vous propose de "revivre les tranchées". En gros, vous passez dans un genre de tunnel où il fait tout noir, et puis y'a du bruit d'explosions et le sol tremble. Bah voilà c'est les tranchées.
Or, pour revivre les tranchées, il faudrait ajouter l'odeur de pisse et de diarrhée, vous faire asseoir et supporter les rats qui vous passent dessus, et surtout, surtout, vous faire vraiment risquer de mourir à tout moment. La mort pour de vrai.
La guerre, c'est cela.


Ces femmes qui veulent un "accouchement respecté", ces écolos qui ne jurent que par la médecine chinoise, veulent faire naturel, authentique, tout ça. Mais comme le beurre c'est mieux avec l'argent du beurre, il faudrait en plus que ce soit sans risques. Et que donc, on se plie à leurs moindres désirs. Bref, un accouchement naturel, une médecine naturelle, mais sans avoir à en supporter les conséquences - sinon vous comprenez, vous allez les faire culpabiliser.

(Et pourtant, les Chinois eux-mêmes, ils ne sont pas aussi tarés : en cas de cancer, c'est pas de l'acupuncture, qu'ils font, c'est de la chimio, comme tous les gens normalement constitués).

Ce doit être parce que j'ai passé trop de temps à lire des registres paroissiaux où les femmes meurent en couches (et le mioche avec) que j'ai tendance à trouver que "l'accouchement respecté", à force d'être chanté sur tous les tons, ça mérite des baffes. Que la critique du corps médical en général, c'est un peu trop facile. Et énervant.


Et pour terminer, je voudrais juste dire que j'en suis à mon troisième médecin traitant, déménagement oblige, mais que je les remercie tous les trois du fond du coeur.



Merci à toi, médecin de famille de mes jeunes années, qui a soigné mes parents, mes soeurs et moi-même, qui savait être alarmiste quand il le fallait (et il a fallu, parfois). Qui savais nous écouter et qui me tutoie encore.

Merci à vous, cher docteur B., mon toubib parisien, qui preniez le temps de m'écouter pendant les trois années où ça n'allait pas fort avec mes allergies, mes terribles migraines à répétition, mes bronchites et mon inaptitude à dormir plus de deux heures d'affilée - et ma légère tendance hypocondriaque. Merci à vous d'avoir supporté mes demandes de rendez-vous alors que bordel j'aurais pu me soigner avec un doliprane mais que j'allais mieux rien qu'en allant au cabinet. Remerciez par la même occasion de ma part votre secrétaire si gentille qui tapait la discute aux patients dans la salle d'attente, et que ça aussi, ça faisait du bien.

Merci à vous, notre actuel médecin, cher docteur de la ville de banlieue, qui vous occupez de mon matricule depuis quelques mois (depuis ma superbe grippe de l'hiver dernier). Qui avez un vrai talent de pédagogue, laissez les gens parler et savez rassurer l'hypocondriaque qui sommeille toujours en moi.

mercredi 2 novembre 2011

En cuisine - le jeu des trucs et des machins (3e épisode, la solution))


L'objet d'il y a deux jours était donc un "instrument aux usages multiples, pour décorer les radis et pour couper en dents de scie les moitiés d'orange, etc".

Comme je n'avais chez moi ni radis ni moitié d'orange, je vous ai mis les délicates illustrations de la boîte. Dans le plus pur style années 70 - car la bestiole nous vient tout droit du fond de la nuit des temps - c'est-à-dire de la RFA, c'est vous dire.
Preuve à l'appui : c'est écrit en chleuh dessus, "made in Western Germany".









On apprend ainsi que dans l'Allemagne occidentale des années 70, on bouffait des olives aux poivrons en salade dans des oranges.
J'ai toujours dit qu'ils étaient pas nets, outre-Rhin.



lundi 31 octobre 2011

En cuisine - le jeu des trucs et des machins (3e épisode)






Alors, la question rituelle : qu'est-ce que c'est que ce machin ?

Cette fois-ci, je connais la réponse, en plus.

Mais j'aime autant préciser que je ne m'en suis jamais servie. Parce qu'il faut bien dire une chose, il faut être un grand malade pour utiliser ce genre de trucs dans sa cuisine.

lundi 10 octobre 2011

La fameuse baisse du niveau... vue de la fac.


Toutes les semaines que Dieu fait depuis quatre ans, j'ai l'honneur et l'avantage d'aller enseigner la bonne parole à des élèves plutôt faciles à vivre, car contrairement à mes collègues du secondaire, ils ont non seulement dépassé la puberté, mais de plus, les emmerdeurs patentés ont pris l'habitude délectable de ne pas venir en cours - ce qui économise les nerfs de tout le monde.

On l'aura compris, ce sont des élèves de fac, niveau master, et des élèves de prépa titulaires d'un master qui préparent des concours de l'administration (c'est pas prépa HEC, quoi).

Oui, je suis une sale privilégiée - et en plus je suis payée par vos impôts, ça vous énerve, hein ? Mais ce n'est pas le sujet.


On parle beaucoup de la "baisse du niveau des élèves", accusant la fameuse méthode globale d'apprentissage de la lecture, les salauds de profs gauchistes (payés par vos impôts, je vous le rappelle), la baisse du nombre d'heure de cours, le peu qui reste étant envahi par les cours de politiquement correct (appelé " éducation à la citoyenneté") et de leçons de vie (appelées "éducation à la citoyenneté" et couvrant des disciplines aussi variées que "le tri sélectif à la maison", "manger 5 fruits et légumes par jour" ou "le respect dans le métro").
Malgré tout, je connais plein d'enseignants du primaire qui continuent de faire un boulot admirable et je vois bien que mes neveux, par exemple, reçoivent une véritable instruction à l'école.


Mais alors, la fameuse "baisse du niveau" ? Comment on la voit ? Comment ça se traduit ? Pourquoi on SAIT que ça existe ?

Mon expérience de la fac d'histoire est probablement une manière d'appréhender les choses par le petit bout de la lorgnette, mais c'est assez révélateur des deux visages de la "baisse du niveau".

Tout d'abord, il y a la baisse générale de la culture générale chez les étudiants. Quelques exemples en vrac :

- les fautes d'orthographe se sont mises à pulluler dans les copies. Plus inquiétant, les professeurs qui préparent aux concours de l'enseignement constatent que prétendent au CAPES et à l'agrégation des étudiants qui sont fichus de faire une vingtaine de fautes d'orthographe par page.

- en histoire, la plupart des lycéens n'ayant pas fait de latin (et encore moins de grec) au lycée se retrouvent complètement largués en histoire antique et médiévale. Plus inquiétant, ils s'indignent lorsqu'un professeur refuse de les lancer sur un master en histoire médiévale alors qu'ils ne maîtrisent pas cette langue quasi omniprésente au Moyen-âge. Un ami m'a raconté s'être fait harceler par un étudiant qui ne comprenait pas qu'on lui refuse de faire un master en histoire byzantine alors qu'il n'avait jamais fait de grec. Quand on voit comment Sylvain Gougenheim, historien pourtant brillant, s'est couvert de ridicule avec son Aristote au Mont Saint Michel, qui voulait traiter du passage de la culture grecque via les espaces musulmans alors qu'il ne connaît pas l'arabe, on se dit qu'un néophyte latinisant ne peut que très difficilement réussir la gageure de travailler sur des sources latines alors qu'il n'arrive pas à les lire.
Les plus motivés s'y mettent pour leurs études. Mais la plupart du temps, c'est "trop tard" : il est en effet difficile d'apprendre une langue quand on est déjà en train de faire autre chose de prenant.


- dans les plus petites choses, je citerais en vrac l'absence totale de culture géographique (chaque année, de l'affaire, je dois exiger qu'ils apprennent par coeur la carte de France des départements, préfectures et sous-préfectures). En histoire, j'ai vu les étudiants connaître de moins en moins bien les chiffres romain, puis ne plus les connaître du tout : la plupart de mes masters ne savent pas lire une date en chiffres romains - et pire, n'identifient même pas qu'il s'agit de chiffres romains : ils voient un X, un L, un V et des I mais n'ont pas la moindre idée de ce dont il s'agit.
Je précise que j'enseigne dans un établissement parisien réputé, dit "de l'élite". Pas au fin fond de la Mongolie inférieure.

- beaucoup d'élèves justifient leur paresse intellectuelle avec une mauvaise foi stupéfiante : je n'entre jamais dans les églises/je n'ai pas lu la Bible parce que je suis athée (vécu par la Souris des ARchives), je n'ai jamais lu Céline parce que c'est un facho, je n'ai lu que Reynald Sécher sur la Révolution française parce que ça fait deux siècles que la République nous ment à ce sujet (et que mon grand-père est de La Roche sur Yon, même que si ça se trouve j'ai des tas d'ancêtres chouans).


Le second versant, c'est l'absence totale de responsabilité des étudiants. Ces derniers revendiquent hautement qu'ils ne sont "plus des élèves" (certes) mais exigent un travail prémâché, avec le moins de contraintes possibles.

- évidemment, il faut fliquer les travaux donnés à la maison (ramasser au hasard trois cahiers et menacer d'un zéro qui compte dans la moyenne si le travail n'est pas fait - oui, comme en sixième). Pour cela, encore, je peux comprendre, c'est humain.

- plus grave, on voit apparaître des étudiants qui n'ont "pas le temps de travailler". La Souris des Archives en avait déjà parlé. Il y a encore quatre ans, on n'avait jamais droit à cette excuse, mais depuis, ça devient récurrent. Elèves n'ayant pas fait leur travail - un exposé, en général - se pointant les mains dans les poches en cours, tranquillou-bilou, et qui n'ont même pas la présence d'esprit de s'inventer une excuse. Ils n'ont "pas le temps".

- il faut régulièrement rappeler aux élèves l'opportunité de prendre des notes en cours. Mais pour beaucoup, "c'est dur, madame". On aboutit parfois à des dialogues qui frisent l'ubuesque :
"- Madame, vous allez donner le poly de votre cours ?
- (et pourquoi pas cent balles et un mars aussi ?) Non, je regrette, je ne donne pas le poly du cours, seulement le powerpoint avec les images et le plan.
- Mais madame, pourquoi vous ne nous le donnez pas ?
- Parce que je préfère que vous preniez des notes, et qu'en outre mon cours n'est pas rédigé entièrement, il y a trop d'abréviations et d'allusions, cela ne vous serait pas pratique (mais au fond pourquoi je me justifie, bordel ?).
- Mais même avec des abréviations, on voudrait bien l'avoir, votre poly, nous !
- Non, je vous ai dit que je ne comptais pas vous le donner, je ne souhaite pas qu'il termine diffusé et photocopié à grande échelle (c'est pas que j'estime haut ma renommée professorale, mais on ne sait jamais).
- Oui mais alors, on va devoir tout prendre en notes ?
-Euh... oui".
(soupirs exaspérés des élèves).

- de plus en plus d'élèves n'ont pas validé le master II qu'ils avaient pourtant entamé. Motif ? "pas le temps" mais surtout "vous comprenez, madame, je n'ai pas réussi à l'écrire".
Là, il est temps de s'étrangler.
En effet, il est notoire que pour peu que vous rendiez une centaine de pages correctement écrites avec un plan plus ou moins élaboré, on vous refile votre master II. C'est-à-dire qu'on vous mettra 10 afin que vous foutiez le camp des bancs de la fac (et du bureau de votre directeur de master qui n'a pas que ça à faire), vous n'aurez pas de mention (ce qui n'est pas génial à mettre sur un cv) mais vous pourrez au moins attester d'un bac+5, ce qui est le minimum en sciences humaines - de fait, déjà que c'est pas facile de trouver un boulot autre que prof avec un cursus en sciences humaines, essayez avec une simple licence ou un master I, qu'un rigole.

Ce qui veut dire, quand ils n'ont pas validé leur master, qu'ils n'ont tout simplement jamais réussi une seule fois en une année universitaire, à coller leur cul sur une chaise pendant deux heures d'affilée pour pondre un mémoire structuré - ça promet pour quand ils auront un boulot, s'ils en trouvent un.

Ce qui est triste, dans tout ça, c'est que ces élèves se lancent dans des masters II, avec une bourse ou le fric de papamaman, et n'en font rien. Une année de perdue pour des clous. Ils se rendent bien compte que c'est en partie de leur faute mais n'en déploient pas moins des trésors de mauvaise foi pour se justifier ("mais moi madame, je suis plutôt dans l'oralité, l'écrit c'est pas mon truc"). Quand vous devez leur expliquer que passer un concours quand on a des problèmes à l'écrit, ça risque de coincer. Ils se mettent à flipper à mort car au fur et à mesure de vos cours, ils sentent bien l'étendue de leurs propres lacunes.
Mais comme la paresse est une habitude qui leur est bien chevillée au corps, l'aiguillon ne suffit plus. Ils commencent à être opportunément malades les jours de devoirs. Des gastros terribles les prennent pile la semaine où ils doivent passer un oral, et se pointent avec le certificat médical qui va bien pour vous expliquer qu'ils n'ont malheureusement pas eu le temps de réviser.
Certains vont même jusqu'à vous envoyer un mail la veille du devoir pour vous expliquer qu'ils n'auront pas le temps de venir à l'examen, et que si vous pouvez leur mettre une "note factice", ça les arrangerait beaucoup (ne rigolez pas, c'est vraiment arrivé).
Et enfin, pour ceux qui viennent se coltiner le devoir sur table, au moment du rendu de notes, il n'est pas rare de voir des élèves tomber de l'armoire lorsqu'ils constatent que vous avez eu la méchanceté de leur coller la note qu'ils méritent quand c'est mauvais.

L'avantage, c'est que pour le moment, on n'a pas encore les parents qui viennent se plaindre du châtiment de tortionnaires qu'on a fait subir à leur pauvre choupinet. Sans vouloir être pessimiste, je ne serais pas étonnée si on commençait à en voir d'ici quelques années.


Avec tout ça, on nous demande de "faire des choses utiles" à la fac. De fait, lorsqu'on récupère des premières années en histoire, il faut leur dire que malheureusement pour eux, tous ne seront pas Emmanuel Le Roy Ladurie. D'abord parce qu'il n'y a pas assez de places pour tout le monde, et ensuite parce que tout le monde n'a pas les capacités d'Emmanuel Le Roy Ladurie (oh, mettez Jean Tulard, si vous n'aimez pas Emmanuel Le Roy Ladurie).

On nous a aussi inventé le "plan licence", formidable machine à faire du rien. Je ne développe pas, allez plutôt lire la Souris des Archives (oui oui, encore) là-dessus.

Bref, la situation est claire : au lieu de vouloir que la fac soit le lieu de l'excellence, on veut qu'elle soit le lieu du consommable et du pratique.

On se fout de notre gueule, si vous voulez.




mercredi 5 octobre 2011

Wake me up before you go.

L'Epoux est trop bon. Il se lève avant moi et fait l'impossible pour ne pas (trop) me réveiller. Avant de partir, il m'embrasse et me souhaite une bonne journée alors que je suis encore plus proche des limbes de la couette que des réalités du monde du travail de tous les jours.

Et pourtant, il devrait m'arracher du lit comme on arrache un poireau. Parce que sinon, voilà comment ma journée se passe - une journée hautement productive comme on va le voir.

8h10 : l'Epoux quitte le domicile conjugal. Nous nous souhaitons bonne journée.

8h25 : Oh, ça va, j'ai le temps, je peux bien encore pioncer...

9h25 : Ah ben tiens, j'ai bien eu le temps de pioncer.

9h28 : Petit déjeuner. Dinosaurus, jus d'orange, thé - consultation de blogs et divers journaux.

10h00 : tiens, j'ai passé bien du temps pour manger six Dinosaurus. C'est pas brillant.

10h02 : tiens, j'ai pas consulté tous mes blogs favoris. Et puis, hein, de toute façon, je vais travailler à la maison (puisque j'ai raté ma réservation BNF et qu'à cette heure, c'est plus la peine d'y aller, y'a plus de places).

10h32 : douche ? Tiens, je peux me faire un masque aujourd'hui puisque j'ai le temps (et que je vais pas à la BNF)

11h00 : fin de la douche. Faudrait se mettre à bosser - j'ai des tas de contrats de mariage à finir de collationner et un inventaire après-décès à transcrire.

11h02 : encore mieux, je pourrais faire du repassage. En écoutant de la musique ou encore mieux de chez mieux, mater un épisode de Faites entrer l'accusé en streaming.

11h45 : fin du repassage. Un peu de boulot avant de préparer mon repas de midi ? Mais il y a la poubelle des plastiques à descendre (notez que toutes les compromissions sont bonnes pour ne pas avoir à bosser).

12h00 : j'avais une lessive de clair à lancer. Je la lance.

12h12 : (à midi 12, j'ai toujours faim et toute ma considération à celui qui trouve l'origine de cette citation, l'Epoux étant hors jeu car c'est trop facile sinon) il est temps de manger. Et puis j'ai la fin de mon épisode de Faites entrer l'accusé à regarder.

13h : fin du repas. Digestion - tisane et blogs (y'a sûrement des trucs qui ont été actualisés). Sieste.

14h : il faudrait se mettre à la thèse mais d'abord, étendre le linge.

14h15 : puisque j'ai encore de la place sur le fil à linge, ce serait pas mal que je lance une autre lessive. Dont acte.

14h36 : passer l'aspirateur. Très important de passer l'aspirateur, on est mercredi.

14h55 : Et si je me mettais au boulot ? Mais un coup de fil opportun de l'Epoux me rappelle que j'ai un coup de fil ultra urgent à passer au rectorat (et un autre auprès de l'enfoiré de chauffagiste qui nous a fait une chaudière pas aux normes).

15h15 : je suis mise sur attente par le secrétariat du rectorat. Depuis vingt minutes, donc. Puis me fait raccrocher au nez. Le chauffagiste m'envoie paître.

15h30 : appeler l'Epoux pour lui demander de me préparer un recommandé bien sanglant pour régler son compte à l'affreux chauffagiste.

15h37 : aller chercher le courrier, ça me fera toujours faire un peu de sport.

15h45 : plus rien à faire, il va falloir se mettre à travailler. Je commence en soupirant à collationner des contrats de mariage.

15h47 : le chauffagiste me rappelle pour me dire qu'il va procéder à la mise aux normes que je réclamais à cor et à cri. Gratos.

15h49 : j'appelle l'Epoux pour lui signifier avec allégresse cette victoire remportée haut la main. L'Epoux s'en fout, il est sur répondeur. L'ingrat (mais il bosse, lui).

15h53 : je recommence à collationner des contrats de mariage.

17h00 : j'ai bien travaillé je trouve. Je m'auto-congratule.

18h30 : l'Epoux rentrant bientôt, il va être temps de faire à becqueter. (Je signale aux féministes prêtes à me tomber sur le râble à coup de batte de base-ball que oui, j'aime que l'Epoux trouve un repas prêt en rentrant (mais c'est que sinon, il a faim et il mange des chips. Et ça m'énerve. Alors comme c'est mauvais pour les artères de s'énerver, je préfère qu'il mange un vrai bon repas, et en plus après il dit merci, alors j'aime bien (je signale aux machos prêts à me tomber sur le râble à coup de batte de base-ball que oui, je sais, j'ai une tendance certaine à faire suer mon pauvre mari. Je SAIS. Mais il est assez grand pour se plaindre tout seul (et d'ailleurs il ne s'est jamais plaint de ma bouffe, alors)))).

19h30 : l'Epoux est rentré, on mange. Et sauf cas exceptionnel, je ne travaille jamais le soir et le week-end (faut pas déconner, est-ce que mes camarades bossant dans le privé le font ? Non ? alors).


Voilà donc une journée hautement productive.

Alors la prochaine fois, Chéri, réveille-moi. Pitié. Envoie ta feignasse de femme au turbin. Qu'elle ne te laisse pas trimer seul pour gagner notre croûte.






En fait, cet article n'est destiné qu'à justifier mon envie de partager avec mon aimable lectorat mon goût pour l'oeuvre chanté de George Michael (période jeune). Ouais.

Et aussi de faire suer ceux qui se roulent par terre quand ils apprennent que certains sont payés par l'Etat pour faire leur thèse Voyez comment je glande grâce à vos beaux impôts. Haha. Vengeance.

(il va de soi que toutes mes journées sont strictement identiques. Et qu'il ne m'arrive jamais de terminer sur les rotules une journée BNF).

mercredi 28 septembre 2011

L'école meurt, l'école est morte.


Il y a peu, je sortais de chez moi et passai près du collège de mon quartier. Collège plutôt BCBG, enfants de familles plutôt tranquilles. Deux professeurs discutent, l'un d'eux mentionne qu'il a encore dû punir un élève connu des services pour être du genre pénible. Pas bien méchant, plutôt grand garçon très couillon, qui aime bien faire rigoler la classe aux dépends du professeur. Et qui récidive malgré l'avalanche d'heures de colle et de punitions - vu que ce n'est jamais bien grave, on ne va pas non plus l'exclure du collège.
"- Ah, tiens, il a pourtant été collé la semaine dernière, ça aurait dû le calmer pour dix jours là non ? Et qu'est-ce qu'il a fait cette fois ?
- Bah, il essayait de planter son compas dans la chaussure de son voisin.
- Et t'as fait quoi ?
- Je lui ai donné à recopier le dictionnaire jusqu'à "abruti". Il n'a plus bougé du reste du cours, ça l'a mouché bien comme il faut."

Ce dialogue m'a très exactement fait éclater de rire. Dans mon enthousiasme pour la présence d'esprit du professeur, je l'ai même posté sur Facebook pour faire rigoler à mon tour les copains.

Mal m'en a pris je me suis pris quelques sales réflexions à base de "un prof fait ça à mes enfants, je vais le voir direct pour lui demander l'intérêt pédagogique de cette punition, c'est un avilissement, une insulte, c'est scandaleux". On sentait que le parent d'élève offusqué n'était pas loin de venir casser la gueule au prof, ce tortionnaire fasciste et sadique.

J'ai eu beau expliquer que 1 "abruti" n'est pas précisément une insulte atroce et que 2 la punition est par principe destinée à faire chier l'élève chiant et qu'à comportement débile punition débile, rien n'y a fait. On m'expliquait que les professeurs qui font ça sont des incapables, des imbéciles, sans aucune autorité, qui vont tous finir en dépression.


C'est très exactement parce qu'il y a des parents comme ça que l'école meurt. Parce que toute autorité, toute légitimité est retirée aux professeurs, forcément coupables de tous les maux. L'élève est un petit branleur inculte ? Mais c'est que le cours n'est pas intéressant voyons ! L'élève est violent, il frappe ses camarades ? Mais c'est que les professeurs ne le surveillent pas assez et refusent de comprendre que c'est sa manière de s'exprimer.
De nombreux parents d'élève sont intimement persuadés d'avoir mis au monde un génie, la huitième merveille du monde, un être de lumière - au moins. Il n'est qu'à voir les hurlements que vous pouvez entendre lorsque vous sous-entendez, en réunion parents-profs, que Chouchou aurait peut-être éventuellement besoin de suivre l'aide personnalisée proposée par l'établissement. Alors, quand le problème est lié à la discipline, imaginez... Quoi, leur enfant fume et pas que des cigarettes ? Mais c'est de son âge, vous devez le comprendre. Quoi, il gifle un surveillant ? Mais j'aurais fait pareil, il ne doit pas se laisser manquer de respect...


C'est comme ça qu'on arrive à des situations ou, aujourd'hui, un gosse de neuf ans tue sa camarade de dix ans d'un coup de pied dans la poitrine. Et qu'on OSE nous parler de "coup réflexe". Un coup réflexe qui s'apprend par une longue pratique des arts martiaux, en général... Et qu'on nous présente le jeune meurtrier comme une victime, bien évidemment.

Moi, je pleure sur la gosse fauchée à dix ans à peine, victime d'un de ces gamins à qui on n'a jamais appris la moindre contrainte. Qui trouve normal de frapper violemment si on le bouscule à la cantine. Je pleure aussi sur ce gosse qui à neuf ans à peine doit répondre d'avoir tué sa camarade.
Je n'ai en revanche aucune pitié pour ses parents qui ne lui ont jamais appris à se maîtriser. Et sur toutes les ordures qui se contenteront d'invoquer "le réflexe", l'"accident", "le manque de moyens" (la faute à ces salauds de profs en grève).

Je parie aussi qu'on apprendra très vite que cette école était connue pour sa violence, que le gosse n'était pas "un garçon très calme " (oh mais si voyons, un ange, véritablement). Un peu comme la fois où Karen Montet-Toutain, après avoir été poignardée par un élève, s'était vu d'abord reprocher d'être une mauvaise prof, jusqu'à ce qu'on découvre que l'établissement était connu pour son extrême violence.

L'école meurt de la langue de bois. Les enfants meurent d'un ignoble laxisme des adultes.

Je ne sais pas vous, mais cette histoire, une de plus, m'anéantit.









lundi 12 septembre 2011

Paris révolutionnaire, 3. Le cimetière de Picpus.





Si vous voulez vérifier que l'un de vos ascendants s'est fait guillotiner sous la Révolution, vous pouvez toujours commencer par aller faire un tour dans l'est parisien, près de la place de la Nation, où se trouve - mais il faut être au courant - le cimetière de Picpus. Vous n'êtes pas obligé d'avoir des ancêtres guillotinés sous la révolution - personnellement, mes ancêtres, je ne les connais pas (et je m'en fous un peu : à cette époque, le paysan normand devant être plus proche de ses bestiaux que de l'être humain, si l'on en juge par Maupassant, j'ai moyennement envie d'aller leur claquer la bise).

Outre son nom rigolo, le cimetière de Picpus fait partie des vraies curiosités de Paris. Du genre qu'il faut connaître parce que comme chez Total, on n'y va pas par hasard. Situé au 35 rue de Picpus à Paris XIIe, amis chartistes qui passez par là, il suffit de prendre le 29 à la sortie des Archives nationales pour y être en vingt minutes. Sinon, c'est tout près de la place de la Nation.

Rue de Picpus, vous longez un mur. Blanc. Il ne faut pas louper la plaque parce que l'énorme porte, en bois, n'a finalement rien d'extraordinaire.

Vous poussez la porte - elle est ouverte sans qu'il soit besoin de sonner, tous les après-midi que Dieu fait, ou presque, de 14h à 17h si mes souvenirs sont bons. De toute façon on ne vous fiche pas dehors à l'heure tapante, pour la bonne raison que la boutique est tenue par des religieuses chanoinesses de Saint-Augustin qui sont à l'office à l'heure où l'on ferme. La courtoisie la plus élémentaire consiste donc à regarder sa montre et à se mettre dehors soi-même.

D'abord, vous entrez dans une cour couverte de graviers, avec en face une charmante chapelle classique. L'entrée du cimetière (autre épreuve initiatique : c'est comme à Fort Boyard, faut tout trouver tout seul) est à gauche quand on est face à la chapelle, il suffit là encore de pousser la porte.

Mais avant, on peut passer par la chapelle, c'est là qu'on vérifie si on a un arrière-grand-père guillotiné, parce que dans le choeur, on trouve d'immenses plaques commémoratives où sont inscrits les noms de plusieurs centaines (1306, précisément) de morts de la Révolution française.
Le couvent de Picpus, en effet, est un haut lieu de la répression révolutionnaire à son comble dans les années 1793-1794 : on est tout près de la place de la Nation, rebaptisée à ce moment place du Trône renversé (ambiance). Au paroxysme de la Terreur, on a pu y raccourcir une cinquantaine de personnes par jour - heureusement, ça n'a pas duré sinon le combat aurait assez vite cessé faute de combattants, comme dit l'autre.

Pendant ces années guillerettes, le couvent de Picpus a servi tour à tour de prison, de maison de santé, et d'endroit commode pour creuser des fosses communes, dans les jardins du couvent. On y guillotine un peu de tout, du noble, du bourgeois vaguement contre-révolutionnaire, des religieux : c'est ainsi que l'endroit est célèbre pour abriter la fosse commune où furent ensevelis les restes des Carmélites de Compiègne auxquelles Bernanos a fait un sort.

En 1796, le jardin est racheté par

En 1796, le jardin est acheté en secret par la princesse Amélie de Hohenzollern-Sigmaringen (épouse d'Aloys Antoine, prince souverain de Hohenzollern-Sigmaringen), car le corps de son frère, le prince Frédéric III de Salm-Kyrburg, guillotiné en 1794, y repose. Dès 1802, une souscription est organisée par la marquise de Montagu pour acquérir l’ancien couvent des chanoinesses ainsi que les terrains avoisinant les fosses communes. Des familles dont les membres avaient été exécutés fondent le Comité de la Société de Picpus pour l'acquisition du terrain, afin d'y établir un second cimetière près des fosses. La Société de Picpus est composée en premier lieu de Mme de Montagu, née de Noailles, président, de Maurice de Montmorency, d'Aimard de Nicolaï, de Mme veuve Le Rebours, née Barville, de Mme veuve Freteau, née Moreau, de Mme la marquise de La Fayette, née Adrienne de Noailles, de Mme veuve Titon, née Benterot, Mme veuve de Faudoas, née de Bernière, Mme veuve Charton, née Chauchat, M. Philippe de Noailles de Poix, M. Théodule de Grammont. Bref, que du beau monde.

Dans les années qui suivent, des fouilles sont menées afin de délimiter précisément l'emplacement des fosses communes.

Parallèlement, les familles des fondateurs de la société commencent à se faire inhumer dans le cimetière qui est aujourd'hui le seul cimetière privé de Paris (avec le cimetière des Juifs portugais, dans le XIXe, où l'on ne peut rentrer que sur autorisation du Consistoire israëlite de Paris).


Quand vous entrez dans le cimetière, vous vous sentez tout chose : vous déambulez entre les tombes aux noms prestigieux, vous passez devant les plaques commémoratives qui rappellent comment de jeunes gens de bonne famille entrèrent dans la Résistance et moururent au combat ou en déportation. Gramont, Voguë, Lévis-Mirepoix, La Rochefoucauld, Montmorency...

Au bout du cimetière, vous apercevez l'emplacement des fosses communes dont vous ne pouvez vous approchez, mais vous savez que vous allez passer tout près des dépouilles de malheureux perdants de la Révolution...

Et tout au fond, vous entendez que résonne un bruit étrange. Si vous êtes tout seul, vous vous sentez même... un peu trop seul avec ce bruit. Vous vous approchez de la source, vous comprenez qu'il s'agit d'un roulement de tambour qui résonne en permanence auprès de la tombe de La Fayette, enterré là sous une terre rapportée des Etats-Unis, sous une floppée de drapeaux français et américains éternellement reconnaissants.

Je ne sais pas si c'est le petit air désuet, la dévotion patriotique mêlée d'un soupçon de kitsch, qui m'a le plus émue.

Je suis repartie sur la pointe des pieds, pour ne pas déranger cette auguste assemblée de morts.





jeudi 8 septembre 2011

Alix de Saint André, En avant route ! - le livre de l'été.



Au Masque et la Plume, j'aime bien Olivia de Lamberterie. Elle a une voix formidablement classe et elle donne envie de lire même les livres qu'elle descend, tellement elle en parle bien.

Comme elle avait parlé plusieurs fois d'Alix de Saint André, pour en dire du bien, j'ai fini par aller à la bibliothèque et emprunter son dernier bouquin, En avant, route !.

Ou comment une femme qui fume ses trois paquets de clopes par jour, qui a perdu puis retrouvé la foi, qui se définit avec humour comme la "petite soeur des riches", part, à trois reprises, sur le chemin de Compostelle.

Alix de Saint-André, fille d'un ancien du cadre noir de Saumur, vous l'avez peut-être vue dans Nulle part ailleurs du temps de Jérôme Bonaldi, vous l'avez peut-être lue dans Elle, bref, elle est journaliste et chroniqueuse.

Et catholique (je ne le savais pas avant d'ouvrir le bouquin). Et pèlerine.

En avant, route ! fait partie des rares romans à m'avoir émue aux larmes. Il y a des romans qui me font tordre de rire (dans le RER, je ne vous dis pas comment les gens me regardent bizarrement). Rares sont ceux qui m'émeuvent réellement.

C'est l'histoire de trois pèlerinages, trois routes, trois aventures humaines et spirituelles différentes. Une méditation toujours drôle et chaleureuse, avec des rencontres farfelues, des hommes et des femmes à la recherche... de quoi ? De réponses à des questions qu'ils ne se posent pas vraiment ?

Alix de Saint-André sait poser un regard humaniste et délicat sur ces gens qu'elle rencontre. Elle sait trouver les mots pour expliquer la foi, simplement, et devient la catéchiste d'un "apostat" en route vers l'apôtre. Carlos l'Apostat, qui deviendra Carlos le converti. Elle raconte son père, ses amis, ses morts. Elle raconte comment on soigne ses pieds et les pieds des autres. Comment on choisit et lave quotidiennement ses chaussettes. Comment on devient mendiant sur la route. Comment parfois, on explose, pour une broutille, et comment on se réconcilie. Comment on apprend à partager. Comment le seul fait de prendre une douche chaude peut tout changer. Comment la marche, les yeux fixés au sol, peut devenir en soi une prière. Comment on récite un chapelet en marchant, machinalement, et comment cela devient une oraison.


Cathos, non cathos, lisez-le. Vraiment. C'est très beau. C'est... humain. Formidablement humain.




dimanche 4 septembre 2011

Le respect, la charité et les trous du cul.



En juin, j'ai fait quelque chose que je n'avais jamais fait de ma vie. Cela peut vous paraître dérisoire, mais voilà : j'ai quitté avant la fin une messe "familiale", celle du baptême de ma dernière cousine âgée d'environ deux ans.

Parce que c'était ça ou je me mettais à coller des baffes à une bonne partie de l'assistance, ce qui vous en conviendrez n'est pas une solution.

Tout a commencé le dimanche matin quand nous nous sommes rendus compte que sur l'ensemble de la famille seuls mes parents, mes soeurs (et mon beauf', l'Epoux n'ayant lui-même pu venir) et mes neveux, assistions à la messe précédant le baptême. Même les parents de la petite future baptisée n'ont pas daigné se magner les fesses pour être à l'heure, sous le fallacieux prétexte expliqué la veille au soir que "à la fin de la messe, on doit venir présenter les enfants à l'assemblée, et il faut passer par la sacristie". J'ai eu le malheur de faire remarquer que ma mère, marraine de la petite, serait tout à fait capable d'assister à la messe, de sortir de l'église, faire le tour et repasser par la sacristie en l'espace de douze secondes, et que donc les autres seraient capables de faire de même, je n'ai récolté que des regards noirs.

Je passe aussi sur les commentaires entendus la veille au soir, à base de "ahlala, le prêtre de d'habitude est bien mais pour le baptême on nous a imposé le vieux qui a Parkinson, bon il est gentil mais c'est relou quoi".

La messe donc. Les cousins se pointent les uns après les autres, s'installent en discutant au fond de l'église. Mais au moins, ils sont là. La famille de l'autre petit baptisé en même temps, du reste, s'abstient ne serait-ce que de rentrer, des fois que ça leur donne des maladies.

Pompon de la pomponette, le baptême. La famille de l'autre petit baptisé ne sait apparemment pas ce qu'elle fait là. Ils débarquent à cinquante dans la petite église de campagne, hurlent des grands bonjours alors que le prêtre essaie désespérément de faire comprendre que bon, euh, ça a commencé là. Personne ne se taira vraiment pendant la cérémonie, du reste. On chante du Yannick Noah - seul moment où nous ne sommes pas les huit clampins susnommés seuls à chanter. Le père du petit baptisé (Ewann, bien sûr - sa petite soeur s'appelle Tess et ce n'est pas un diminutif, c'est bien son prénom) fait rire sa famille en faisant des "YESSSSS" à chaque fois que le pauvre prêtre finit une phrase, se moque de ses tremblements parkinsoniens, fait semblant de chanter en faisant des grimaces.
Je n'ai même pas vraiment compris à quel moment on avait mis de l'eau baptismale sur les petits, tellement c'était le bordel dans l'église. J'en étais à faire des "chut" comme dans une classe de CE2... même mes neveux, 8 et 4 ans, étaient choqués devant le manque de respect total de l'assemblée.

J'ai tenu jusqu'au baptême et je me suis tirée avant la fin. C'était ça ou latter sa gueule au grand connard de père du petit baptisé. Ou fondre en larmes. Ou les deux.

Personne n'a rien vu, de toute façon on n'était plus à ça près. D'autres étaient déjà sortis et leur seule réaction en me voyant sortir en tremblant de rage, c'était "toi aussi tu viens faire une pause clope ? Ah non c'est vrai tu ne fumes pas".


Pourquoi maintenant est-ce que je vous raconte ça ? Non pas, comme on pourra le croire, pour me foutre de la gueule des non-cathos, de ceux qui ne vont pas à l'église, qui ne sont pas super au fait des usages religieux. Mais parce que le grand connard de père de l'autre petit baptisé s'est permis de lire un texte au début de la cérémonie, sur le respect et les valeurs religieuses. Très bien, en soi, pourquoi pas, après tout.
Mais que ce grand connard (y'a pas d'autres mots, désolée) s'est surtout allègrement permis de se foutre de la gueule des catholiques présents, y compris d'un prêtre âgé, malade et handicapé. Et qu'en sortant il s'est aussi permis de faire une sortie sur "ah mais moi, hein, c'était pour la forme, ce baptême, parce que les cathos, ils sont pas tolérants, ils se la pètent...".

Mais il croyait quoi, ce trou du cul ? Qu'il était tolérant, lui ? Qu'il était respectueux ?


Le soir, ma mère - catholique charitable, qui essaie de trouver toujours au moins un peu de bon dans tout - se réjouit de ce baptême... Moi, j'ai surtout eu l'impression que le baptême, on ne l'a pas trop vu, que les gens étaient surtout là pour le gueuleton qui allait suivre. Bien entendu, parmi l'avalanche de cadeaux réglementaires, il n'y a eu aucun cadeau à consonance religieuse fût-elle minime...


Je veux bien que l'Eglise soit critiquable. Je veux bien que les catholiques ne soient pas parfaits, loin de là. Bien entendu.

Ce que je veux, moi, c'est qu'on respecte. Même quand on n'adhère pas, on doit toujours voir avant tout qu'il s'agit, en face, d'êtres humains, avec des croyances, un esprit, une foi (ou pas de foi). Qu'on ne vienne pas à l'église comme des consommateurs. Qu'on arrête de se foutre de la gueule des gens.
J'essaie non pas d'être tolérante (qui l'est, en vérité ?). J'essaie juste d'être charitable. Bien évidemment je ne suis pas allée cracher mon dégoût à la face de tous ceux qui se sont ouvertement foutus de ce qui se passait ce jour-là dans cette église. J'aurais dû, peut-être. Parce que si le Christ nous a dit de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés, il n'a pas dit qu'on était obligés de se laisser prendre pour des cons.




vendredi 26 août 2011

Sexisme à deux balles ou bêtise confondante ?


Les gens sont tout de même assez peu fins. Même des gens gentils, sympas comme tout, qui veulent avoir un bon mot pour vous faire sourire et se trouvent agréables, peuvent avoir un don spécial pour sortir d'énormes conneries.

Par exemple, n'avez-vous pas remarqué un phénomène étrange ? Lorsqu'une femme relativement jeune et sans enfants prend dans les bras le mioche nouveau-né d'une amie, et ce quelle que soit la raison (permettre à la copine de boire son thé tranquille ou juste le prendre parce qu'on aime bien les mioches), on entend le mec d'icelle prendre un air désolé et dire au mec de la première "ah bah maintenant, tu vas être obligé de lui en faire un, hein, elle va réclamer".
Et là, mis à part traiter le mec de gros connard de macho (et accessoirement vous fâcher à mort avec les amis en question, ce qui n'est pas forcément le but lorsque ces gens vous invitent chez eux), que voulez-vous faire ?

Lui expliquer patiemment que femme ne signifie pas forcément hystérique ? Qu'une fille peut fonctionner autrement que sur le mode "je vois-je veux", qu'il s'agisse d'une paire de chaussures ou d'un enfant ? Que les femmes peuvent aussi savoir raisonner et gérer toutes seules comme des grandes la question du désir d'enfants et la possibilité d'en faire ?

Lui faire remarquer que si c'est la raison pour laquelle lui-même s'est reproduit, c'est bien dommage pour lui ? Que la conception d'enfants dépasse probablement la simple notion de coup de bite destiné à combler le caprice de Madame un samedi soir après avoir pris dans ses bras le mioche de sa copine ? Qu'un homme aussi peut désirer d'être père ?

Pire encore, la réflexion peut venir aussi (mais moins souvent) de la fille.


Mais qu'ils sont cons. Mais qu'ils sont cons.






jeudi 25 août 2011

(non-billet)




Ah, si la politique m'intéressait, si je lisais avec soin le Courrier international et le Monde diplo... ce serait chouette, parce que j'aurais pu faire un billet sur la Libye et la déconfiture de Khadafi. Malheureusement, ce ne sera pas le cas.

Et c'est fort dommage, parce que j'avais trouvé un magnifique titre.


"Tripoli pour être honnête".



Mais comme je n'ai rien à mettre sous cet intitulé, je me contente de vous livrer ce jeu de mot pourri de mon cru personnel, dont je suis extrêmement fière vu que je me fais moi-même rigoler avec.

Vous en ferez ce que vous voudrez.




jeudi 11 août 2011

Paris révolutionnaire, 2. La rue des Colonnes.




Il y a peu d'exemples d'architecture révolutionnaire en France. D'abord pour une raison toute simple : on avait d'autres chats à fouetter. On ne peut pas toujours tout faire, démonter la Bastille d'un côté, pondre la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, courir après les prêtres réfractaires, et construire des trucs.
Donc on s'est plutôt attachés à investir les lieux déjà existant. C'était bien pratique, avec tous ces nobles émigrés, ça faisait de la place.
Et puis après la Révolution, pensez bien qu'on s'est attaché à vandaliser comme des perdus les rares souvenirs architecturaux de cette époque.

Si vous voulez voir de l'architecture révolutionnaire, il y en a quand même un peu. Le monument Sec, par exemple, à Aix en Provence : il faut sortir un peu du centre-ville mais c'est à cinq minutes de la cathédrale (et à deux minutes du parking où vous vous garez pour aller à la cathédrale) alors au lieu de chercher à acheter des places de festival hors de prix, allez plutôt visiter le monument Sec. Vous m'en direz des nouvelles.
Et pour ceux qui n'auront pas l'occasion d'aller à Aix pendant les vingt prochaines années, voilà de quoi satisfaire votre curiosité intellectuelle : ici.


L'autre exemple, qui est celui dont j'étais partie pour vous causer, est la rue des Colonnes, à Paris, deuxième arrondissement. Il faut être au courant mais si vous êtes comme moi un compulsif des panneaux marron de la mairie de Paris (qui vous informe aimablement des curiosités au fil des rues), vous apprendrez que cette petite rue entre les stations de métro Quatre Septembre et Bourse, eh bien, c'est l'un des rares restes architecturaux de la Révolution.

C'est une jolie rue bordée d'arcades avec un décor antiquisant mais qui fait plus temple d'Abou Simbel que chapiteau corinthien. Jugez plutôt (les photos ne sont pas de moi, j'ai perdu les miennes. Moi au moins j'avais réussi à cadrer un truc potable. Mais eux, il savent garder les photos, alors...)




En fait, les colonnes à palmettes sont censées être inspirées du temple de Paestum. C'était du moins l'idée de Nicolas Jacques Antoine Vestier, l'architecte qui dirigea d'abord le chantier.

Pourquoi une rue à colonnes ? D'abord parce que les colonnes, ça fait antique, et qu'au moment de la Révolution, tout ce qui est antique est trendy. Ensuite, il s'agissait tout simplement de mêler efficacement habitant et commerce, histoire que les gens pussent faire leur shopping sans être trempés. Comme on l'avait déjà fait place des Vosges ou dans les galeries du Palais-Royal. Cela se faisait déjà aussi très bien en Italie du Nord, par exemple. Par la suite, l'idée a fait son petit chemin et a abouti, à Paris, à la rue de Rivoli, mais aussi plus tard à la floraison de passages couverts dans le Paris du XIXe siècle. L'idée est d'avoir des commerces au rez-de-chaussée, et un habitat bourgeois à l'étage avec tout le confort qu'on pouvait rêver à l'époque : dans chaque immeuble, un appartement différent à chaque étage, séparé, avec cuisine, cabinet de toilette, garde-robe, internet par fibre optique, salon et chambre. Le premier étage est l'étage noble avec une pièce supplémentaire qui sert de salle à manger. Cette pièce supplémentaire a été obtenue en plaçant la cuisine dans l'entresol.

Le chantier qui ne fut pas de tout repos. Entre condamnations à mort d'un des entrepreneurs, un autre qui a dû se faire discret pour éviter de passer au rasoir national, et les ennuis financiers des investisseurs, les rebondissements sont nombreux. Les détails sont extrêmement bien racontés sur la page wikipedia à laquelle je vous renvoie car l'article y est à ma foi tout à fait convenable : ici.


La rue des Colonnes a souffert par la suite de l'haussmanisation de Paris : mutilée par le percement de la rue de la Bourse puis celle du Quatre Septembre, il a été question de la reconstruire à l'identique au moment du Bicentenaire de la Révolution. Le projet dort encore dans les cartons de la Marie de Paris et des Monuments historiques, avec d'autres projets farfelus : la reconstruction du palais des Tuileries, celle du château de Saint Cloud... Après tout, il est toujours permis de rêver !




mercredi 3 août 2011

Une femme de la Renaissance (tag d'Euterpe)

(voir le tag lancé par Euterpe !)





Si je devais choisir une femme de la Renaissance, je choisirais Isabelle Claire Eugénie d'Autriche, infante d'Espagne. D'abord parce que l'Espagne est la mal-aimée de l'histoire moderne, systématiquement taxée de bigoterie, assaisonnée de tas de vilains inquisiteurs tout chauves et tout crasseux, d'autodafés de juifs et de morisques à tous les coins de rues, et de cohortes de malheureux gens supposément frustrés par les susnommés vilains inquisiteurs. Et moi, j'aime bien l'Espagne du Siècle d'Or.

D'ailleurs, c'est facile de reconnaître les Espagnols dans les fictions et docus-fictions historiques : c'est ceux en noir, chauves à l'air très très vilain. Et ils veulent brûler tout le monde.

Parmi les Espagnols, il y en a un qui remporte la palme du gros vilain, c'est Philippe II, roi d'Espagne de 1556 à 1598. Dans les films, il fait toujours très peur. Alors que pourtant, même si le bonhomme n'a pas toujours l'air guilleret sur ses portraits, il n'y a pas non plus de quoi s'effrayer.

C'est peut-être lié à son chapeau ?

Pour ma part, j'ai une grande sympathie pour Philippe II - un peu moins pour son système de gestion des finances de l'Etat (= la banqueroute permanente, mais rien n'est parfait en ce bas monde). Si un jour vous avez comme moi l'heur de visiter 1 le Prado à Madrid et 2 l'Escurial à quarante bornes de Madrid, vous comprendrez sûrement mieux l'essence de ce grand roi, mécène éclairé (chez lui, il y avait aussi bien du Jérôme Bosch que du Greco), croyant sincère, politique rusé mais aussi homme d'une grande complexité, bon père de famille, époux aimant, ami affectionné pour les rares qui lui étaient vraiment proches.

Comme je vous le disais, il n'a pas non plus l'air spécifiquement marrant.
La légende veut qu'il n'ait ri qu'une fois dans sa vie.
En apprenant le massacre de la Saint Barthélemy.


(sans déconner : il faut avoir visité l'Escurial une fois dans sa vie.)



Philippe II n'a pas eu de chance dans sa vie matrimoniale : marié une première fois, il eu pour fils le fameux Don Carlos (celui de l'opéra de Verdi), puis il s'est marié une seconde fois, un peu pour la déconne, avec la reine d'Angleterre Marie Tudor. La troisième fois, avec Elisabeth de Valois, qui avait bien vingt ans de moins que lui et qu'il aima sincèrement. Lorsqu'elle mourut, elle lui laissa deux filles dont l'une est celle qui m'intéresse, Isabelle Claire Eugénie, née en 1566. (Ensuite, il s'est encore marié une quatrième fois, histoire d'avoir enfin un héritier : ce qui a fini par marcher).

Isabelle Claire Eugénie et Catherine Michèle, infantes d'Espagne.
Par Sofonisba Anguissola.



L'autre raison qui me fait aimer Philippe II, c'est que dans sa sagesse, il savait déceler l'intelligence chez les gens. C'est la raison pour laquelle il préféra toujours ses deux filles issues de son troisième mariage. La naissance de l'aînée, Isabelle Claire Eugénie, lui causa dit-on une grande joie, plus encore que s'il lui était venu un fils. L'affection qu'il porta à sa fille et à la soeur d'icelle, Catherine Michèle, ne se démentit jamais au fil des années.

Catherine Michèle, la petite soeur.
Par Sofonisba Anguissola (1577)
Mais vous avez VU ce portrait ? Ces yeux ?

Philippe II aimait la compagnie de ses filles au point de les garder avec lui pendant ses séances de travail. Plus tard, elles se mirent à l'assister en lui traduisant des documents - car il leur fit donner une excellente éducation. Chose qu'il ne permettait pas à ses fils (qu'il prenait pour des imbéciles, et apparemment, il n'avait pas tort).

Philippe II avait de grandes ambitions pour ses filles : ainsi il manoeuvra pour pousser Isabelle Claire Eugénie sur le trône de France à la place d'Henri IV. Ce qui ne fonctionna pas (c'est là qu'on ressortit la fameuse loi Salique, vous savez, celle qui excite encore tant les royalistes d'aujourd'hui), mais cela nous montre surtout que pour Philippe II, c'était pensable et envisageable. Donc qu'il était probablement drôlement moins macho que ses contemporains.

Isabelle Claire Eugénie par Juan de la Cruz, en 1599.
L'étoffe d'une reine : elle est représentée debout.



Isabelle Claire Eugénie dut renoncer au trône de France, mais fit néanmoins une belle carrière. On lui fit épouser en 1599 son cousin Albert d'Autriche et son père la nomma gouverneur des Pays Bas espagnols. Avec pour mission de pacifier la région, en grand chambardement politico religieux depuis alors trente ans. Il y avait une feinte derrière ce mariage : Albert était nommé gouverneur des Pays-Bas alors en pleine révolte et soutenus par la France et l'Angleterre. Le conflit avait plus ou moins pris fin avec la paix de Vervins et Philippe II avait choisi d'octroyer leur indépendance aux Pays-Bas avec à leur tête Albert lequel est marié à Isabelle-Eugénie, sa fille aînée qui apporter à son mari, par sa dot, les Pays-Bas. Or une clause du traité de Vervins précise que si le couple venait à s'éteindre sans descendance, les Pays-Bas redeviendraient possession espagnole. Or, il était assez vraisemblable qu'Albert était incapable d'engendrer, et Isabelle Claire Eugénie étant alors âgée de trente-trois ans, fallait pas rêver... Cette indépendance généreusement octroyée n'est qu'un tour de passe-passe politique permettant aux Pays-Bas de retrouver la paix avant de retourner à la couronne espagnole (vous avez vu comme c'est chouette la politique ?).

Ce fut néanmoins un mariage heureux et redoutablement efficace, qui rétablit la paix dans la région, réforme la justice, développe l'économie, en suscitant des grands travaux (en particulier) l'assèchement des marécages à la frontière de l'actuelle Flandre orientale et de la France. Ils installent leur cour à Bruxelles et s'entourent d'artistes, Brueghel ou Rubens. La mort d’Albert survient en 1621 mais n'empêche pas Isabelle Claire Eugénie de rester comme seule gouvernante des Pays Bas espagnols. Veuve éplorée, elle prend alors l'habit de Clarisse et continue de diriger la région d'une main de fer dans un gant de velours.

Isabelle Claire Eugénie en habit de clarisse.
D'après Rubens.

Elle meurt en 1633 : c'est la fin d'une période de calme et d'essor pour les Pays Bas Espagnols, qui ne se calmeront de nouveau qu'en 1648, lors des traités de Westphalie.