samedi 20 décembre 2008

Luther, l'hagiographie ?


Ceux qui s'ennuient un peu ont sûrement repéré des affiches pour un film devant sortir bientôt, et consacré à Luther, notre ami à tous. Enfin du moins l'ami des agrégatifs, car sans lui on n'aurait jamais pu avoir une aussi chouette question en histoire moderne.

Bref. L'affiche, déjà, ça part mal.

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Génie, je veux bien, rebelle, un peu aussi (encore qu'il eût été vachement moins rebelle s'il n'y avait point eu Philippe de Hesse pour le planquer dans son château), libérateur, pas tant que ça quand on connaît le bonhomme. Mais bon. Pourquoi pas après tout.

D'abord, cette affiche, elle fait drôlement peur. Luther, on dirait le méchant dans le Da Vinci Code, mais si, le taré albinos qui porte un cilice à la cuisse, souvenez-vous.

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À croire que les moines au cinéma, depuis le Nom de la Rose, c'est destiné à faire peur. Enfin celui du Da Vinci Code, il faisait salement peur, même si le cilice à la cuisse (ou plus précisément, le sculptural Paul Bettany + cilice + cuisse découverte, chacun ses fantasmes), c'est hyper glamour. Si. C'est comme les bottes qui claquent.

Cela dit, Luther en vrai, il faisait un peu peur. Heureusement qu'on peut le dire parce qu'il est mort et qu'il ne peut plus nous dénoncer à la Halde, mais il avait une sale gueule. Si, la preuve.
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Attendez, une tronche pareille, on ne me la fait pas à moi.

Heureusement, en vieillissant, il s'est mis à ressembler à Père Ducros, plus sympatoche. Luther, sur la fin, c'est fini la réforme augustinienne, place à la grosse bouffe et aux propos de tables dont le niveau est rarement au-dessus de la ceinture. Si, lisez du Luther vieux (les Tischreden, etc), c'est tordant. En plus il fait des blagues sur les juifs.

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Bon, je n'ai pas encore vu le film, mais à mon avis, il arrive des tas d'ennuis au malheureux Martin Luther, qui doit aller se justifier devant Charles Quint et qui a très peur de finir comme Jean Hus (= brûlé vif, ce qui est tout de même désagréable).

D'ailleurs, Martin Luther, il est tellement rebelle qu'il crâme des bouquins papistes, parce que putain, c'est comme en Grèce, la rebellion quoi.
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Je veux pas casses le suspince, mais là je pense qu'il fout au feu des indulgences.


Heureusement que la Réforme protestante, c'est des mecs cools, sympas, aimés de la population, qu'ils ont libéré de ces tyrans fascistes avant l'heure, j'ai nommé le pape et Charles Quint.

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D'ailleurs, Martin Luther, il est tellement cool qu'il aime les enfants, d'ailleurs c'est grâce à lui que les prêtres ils ont pu se marier, tu vois, non parce que c'est à cause de ça que les prêtres sont pédophiles, tu voiiiiiiiiiiis.

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Bon, arrêtons un peu les conneries. Si ça se trouve, le film est bon, entendons-nous bien. Même s'il risque d'être un peu trop manichéen (mais bon c'est un film, on ne va pas se rouler par terre pour autant) et un peu trop misérabiliste, cf. supra la photo : les gens auront les cheveux sales et les habits déchirés, les trognes bien rougeaudes et la bouse bien collée aux basques.

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(Je vais re-casser le suspinse, mais là, à mon avis, c'est le coup des 95 thèses affichées sur la porte de la collégiale de Wittemberg. Ouais, c'est apocryphe, tout ce que vous voudrez, mais c'est comme les films sur Napoléon ou comme dans la série Rome, quand on n'a pas le Tu quoque mi fili à la fin de la scène des Ides de Mars, on est hyper déçu parce qu'on veut de la légende, donnez-nous de la légende, bordel).


D'ailleurs, si ça se trouve, on nous y montrera une figure intéressante, attachante. Peut-être n'est-ce que l'affiche qui est ridicule. Les images ont l'air assez bien léchées, un peu dans le style tableau vivant qui peut exaspérer mais que j'affectionne, pour ma part.

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C'est que c'est du boulot, ma brave dame, d'être un théologien réformateur, on n'est pas là pour rigoler.



Je ne saurai vous dire s'il y aura du cilice, de l'orgie à Rome (parce que c'est bien connu que Luther est devenu Luther après avoir visité la cour pontificale d'Alexandre VI Borgia), du bûcher, de la guerre des paysans, du méchant Charles Quint - l'homme le plus sexy du XVIe siècle après Henri de Guise, quand même - ou de la controverse à tous crins, mais il y aurait de quoi organiser une sortie de groupe, qu'on se marre un peu.




mercredi 17 décembre 2008

La passion selon Saint Agrégatif d'Histoire, 3. Presto, prestissimo !


8h 30 : se décider à prendre le métro pour être à l'heure à la Sorbonne. Le mieux étant d'éviter d'avoir les yeux en face des trous, beaucoup plus drôle.

9h01 : Avant d'entrer dans le sanctuaire de l'Alma Mater, choisir l'option "café et croissant à la boulangerie, sinon ça va pas être possib' là".

9h04 : Café en main, cartable dans l'autre, carte de la Sorbonne sous le bras, sac à main au bout de l'autre, entrer dans la Sorbonne et prendre l'escalier C étage 4 couloir F entrée 6 à gauche dans le coin en face, pour rejoindre la bibliothèque.

9h06 : Dire d'un air décidé "Bonjour monsieur j'ai une colle de hors programme d'antique, je passe à 15h, puis-je avoir mon sujet". Tenter d'avoir l'air convaincu.

9h07 : Le monsieur de la bibliothèque tend deux petits papiers, avec, surprise, des sujets dedans. Avoir le bonheur de choisir celui de droite, et sortir finir son café pour lire l'intitulé du sujet.

9h08 : S'étrangler avec la dernière gorgée de café. "La colonisation dans la Grèce archaïque". Un putain de merde peut être de circonstance.

9h10 : Rentrer dans la bibliothèque, installer ses feuilles de brouillon (pour ma part, j'utilise mes polys en rab' du cours de paléographie, c'est d'une classe inimitable), ses crayons et aller pianoter des idioties dans le Sudoc. "colonisation grecque, colonisation archaïque, Grèce archaïque", toute autre combinaison farfelue est la bienvenue malgrè sa relative inutilité.

9h25 : Commencer à éplucher les rayonnages de la bibliothèque pour y trouver les bouquins repérés sur les catalogues. Compter essentiellement sur votre instrument de précision qu'est le pifomètre.

10h00 : Se réinstaller, s'entourer de gros bouquins, d'actes de colloques, de catalogues d'expo monstrueux, et d'un manuel, celui que vous allez recopier, en fait. Parce que les actes de colloques en chleuh ou en italien, c'est juste pour faire joli sur la bibliographie que vous distribuez au professeur. Parce qu'en bon historien, la seule langue que vous maîtrisez un tant soit peu, c'est le latin.

10h25 : Noter scrupuleusement sur votre brouillon les numéros des parties, des sous-parties, des sous-sous-parties. C'est crétin mais ça donne l'impression d'avancer. Remplir ensuite avec les titres du manuel que vous êtes en train de pomper allègrement.

11h02 : Se rappeler qu'il reste le croissant de ce matin.

11h05 : Trouver une introduction. Pitié, Seigneur, saint Marc Bloch, bienheureux Lucien Febvre, donnez-moi l'inspiration.

11h09 : L'inspiration historienne ne fonctionnant pas, décider de parler de "l'importance de la notion de Cité phocéenne à Marseille aujourd'hui". En se disant qu'au concours, ça fera toujours rigoler le contemporanéiste du jury, pour peu qu'il fasse de l'histoire des représentations à l'EHESS.

11h35 : Il y a un trou dans le I.3 et dans le III.1. C'est fâcheux.

11h57 : Tant pis, ça fera trois parties pas égales mais ça commence à bien faire.

13h07 : Alors en concours et dans l'enseignement, on n'a pas de Powerpoint. Prendre en compte ces informations pour se décider à écrire son plan et à faire des tableaux et des cartes sur transparent. Oui, c'est miteux, mais cela permet d'exalter votre potentiel créatif. Eh oui.

13h26 : Faire un transparent, c'est chiant. Mais vraiment : ça glisse, on laisse des traces de doigts, les feutres ne marchent pas, c'est énervant. Un second putain de merde sera encore bienvenu lorsque pour la quarante-douzième fois, le transparent artistement fixé à l'aide d'un trombone sur le bouquin dont vous recopiez (merde aux droits d'auteurs, c'est l'agrégation, je fais ce que je veux) la carte de la colonisation grecque du monde méditerranéen au VIe siècle avant Jésus-Christ, glisse et vous fait rater la fin de votre tracé de la côte cyrénaïque. Ou que - blague connue - en traçant un trait à la règle, vous glissez encore et laissez une trace de doigts. Ineffaçable, bien entendu.

14h : Se décider à ouvrir les actes de colloques en chleuh pour combler les trous de votre leçon, chercher des jolies images destinées à réveiller le jury au moins deux ou trois fois pendant ladite leçon. Qui dure trente-cinq minutes. Donc, compter cinq ou six images (une monnaie, une poterie, un plan archéologique de Mégara Hyblaea, une monnaie, une poterie, un document épigraphique qui vous permettra d'étaler que vous avez fait du grec au lycée, encore une poterie tiens).

14h30 : Relire son plan et l'ensemble des brouillons. Souligner les mots que vous allez écrire au tableau, sinon vous n'allez pas y penser et vous allez encore vous faire allumer parce que "le candidat n'utilise pas toutes les ressources pédagogiques mises à sa disposition, cet oubli est regrettable pour de futurs enseignants".

14h45 : Pondre une conclusion, vite, vite.

14h50 : N'importe quoi.

14h55 : Conclusion de normand : "alors on peut dire que oui, mais non, enfin peut-être quoi". Enfin, une conclusion d'antiquisant, quoi. C'est à dire "qu'en l'absence de sources, on ne peut pas trancher". Mouais.

15h00 : Trouver la salle, faire un sourire à la dame qui vient vous faire passer votre colle. Prendre une grande inspiration, vous allez causer pendant trente-cinq minutes. Dernières précisions en guise de vade-mecum : évitez de faire des fautes en écrivant un mot au tableau, sans quoi vous avez l'air assez con. Si, si, je vous assure.

15h47 : au moment de la reprise et des questions à six roubles, bénissez saint J.H. votre ancien prof de prépa avec lequel vous avez découvert les joies de la géographie historique, ce qui vous permettra de répondre à la question de la "comparaison entre la colonisation grecque et les colonisations modernes", en évoquant le découpage de la carte de l'Afrique selon la logique des comptoirs coloniaux, si, la preuve, quand on regarde l'ancien Congo belge.

16h00 : Sortir. Manger. Boire un café. Dormir. Souffler. Se rappeler de l'utilité de la respiration chez l'être humain. Foutre ses transparents à la poubelle peut être un excellent moment de détente. Un troisième et dernier putain de merde viendra achever d'expulser le reste de stress qui vous restait. Il vous reste à courir pour donner vos heures de cours de paléographie, le devoir vous appelle vers des sphères supérieures.

mardi 11 novembre 2008

Visages de gentes personnes.


Hier, à la sortie d'un interminable cours de géographie sur les acteurs de l'aménagement du territoire, j'ai retrouvé un ami très cher afin de filer jusqu'à l'illustre musée Jacquemart-André pour aller voir l'exposition sur Van Dyck. De fait, j'étais obligée, ça faisait une bonne semaine que le portrait de Maria de Tassis, visage de l'affaiche dans le métro, me clignait de l'oeil.

Une expo un peu courte (une petite dizaine de petites salles) mais des tableaux venus de partout, et même de Russie, ce qui est particulièrement rare parce que la Russie prête ses oeuvres moyennant finances. L'artiste, comme tout bon génie, est mort jeune en 1642, et il a fini par surpasser son bon maître Rubens. Surtout, il savait plaire à la bonne société, et même au roi Charles Ier, celui qui meurt jeune aussi dans Vingt Ans après.

L'expo s'ouvre sur une série d'oeuvres de jeunesse (années 1620-1622), période hollandaise. Facile à reconnaître, les bourgeois hollandais étant calvinistes donc vêtus de noir pour montrer l'appréhension guillerette qu'ils ont de la vie.

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Mis à part qu'il ressemble à saint Ignace de Loyola, ce portrait est déjà à se rouler par terre. Rien que les reflets de transparence sur le col blanc, je me pâme.

Des portraits de famille, dont un singulièrement émouvant.

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Après, on essaie de vous faire gober que c'est seulement le XVIIIe siècle qui a inventé l'amour familial, tout ça. Moi je dis, c'est du flan. Le visage du père est particulièrement beau, avec son regard frontal accompagné d'un geste protecteur.

Sinon, comme tout génie, Van Dyck avait une haute idée de sa personne, ce qui le rendait d'ailleurs plus proche du plantigrade que de l'humain, et il s'est plusieurs fois autoportraituré.

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Il y a encore ces dames qui me font amèrement regretter d'être née quelques siècles trop tard.

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Mais aussi un des illustres portraits de Charles Ier (celui qui meurt dans Vingt Ans après, mais il est mort aussi en vrai, parce que les Anglais ont l'habitude de tuer leurs rois à tour de bras, alors que nous on ne l'a fait que trois fois. De toute façon, les Anglais ne sont pas comme nous. Ma soeur m'a dit d'ailleurs que les drosophiles britanniques ne sont pas pareils que les drosophiles du continent. Alors hein).
Même que la boucle d'oreille avec une perle et les longs cheveux bruns ondulés, je trouve ça drôlement classe, et maintenant, entre Louis XIII et Charles Ier, mon coeur balance. Voilà, vous savez tout, pour me séduire, il faut avoir les cheveux longs, bruns et ondulés, et porter une boucle d'oreille avec une perle.
Blague à part, le portrait de Charles Ier est d'une majesté et d'une douceur incroyables. L'expo présente aussi un dessin préparatoire de Van Dyck pour le visage du roi, d'une finesse psychologique extraordinaire. Ne serait-ce que pour ça, il faut voir cette exposition.

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vendredi 5 septembre 2008

L'expérience de la mélancolie - les fantômes de la Cour.


J'ai une grande tendresse pour ces lieux abandonnés par leurs créateurs, voués à la ruine, et qui persistent à vivre quand même dans l'attente - qui sait ? - du retour de ceux qui les ont habités. Ces lieux sont propices à la méditation et à l'expérience de la mélancolie que je crois nécessaire si, historiens que nous sommes, nous voulons rendre à nos oeuvres l'odeur de la chair humaine chère à Marc Bloch.

J'ai retrouvé il y a peu quelques clichés pris à Marly, château construit pour le délassement royal de Louis XIV et de ses proches, et progressivement abandonné pour être détruit au début du XIXe siècle.

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De Marly, rêve du courtisan ambitieux (Sire, Marly, ainsi quémandait-on une invitation au monarque), havre de paix, il ne demeure plus que les fondations qui affleurent, et un site valloné qui laisse deviner les fontaines, les allées et les pavillons.

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Si l'on croit comme Aristote que les pierres parlent à ceux qui les écoutent, il me plait d'imaginer que ces pierres-là attendent de revoir leur maître, et que dans l'intervalle, l'écrin de verdure est l'habit de deuil requis, jusqu'à ce que les fantômes redeviennent des humains.

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Les chevaux de Marly - du moins les remplaçants des originaux...

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L'historien est-il autre chose qu'un agitateur de spectres ?

samedi 5 juillet 2008

L'expérience de la mélancolie - Thérouanne.

Thérouanne est encore un de ces lieux détruits par la folie des hommes, et qui me fascinent par la tristesse qu'ils dégagent. Thérouanne, ancienne enclave française en territoire espagnol, fut rasée sur ordre de Charles Quint, un jour qu'il faisait la guerre au roi de France. Les maisons furent détruites pierre à pierre, les gens instamment priés de foutre le camp, et du sel fut répandu afin d'ôter toute envie à iceux de s'y réinstaller. C'est seulement au XIXe siècle que des gens du Pas de Calais y revinrent, pour reformer un embryon de bourgade, près de ce qui fut une brillante citadelle médiévale.

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Même la cathédrale disparut. On n'en devine, derrière la plaque commémorative, que quelques morceaux du transept.

Fouiller le sol de cet endroit, où l'on perçoit encore les blessures qu'infligèrent les redoutables soldats de l'empereur, fut une expérience d'une gaîté folle (car on n'emmène pas impunément une troupe d'élèves d'une Grande École pour gratter la terre) mais aussi d'une grande émotion.

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Les restes du transept. Le tas de pierre au milieu, c'est le choeur.

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Il est infiniment triste de savoir que, de là où je me trouve, j'aurais dû voir un centre historique pimpant, peut-être un peu trop sauvagement restauré par Viollet-le-Duc, avec ses maisons à colombages. Au lieu de cela, un champ. Plat. Nu. Nu depuis que les brutes soldats de Sa Majesté Catholique passèrent par là.

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La deuxième année, nous avons trouvé des pans de murs, des escaliers menant à des caves, des ciseaux, un dé à coudre, quelques pièces de monnaie - parmi d'innombrables tessons de vaisselle. C'est là la vraie première expérience de mélancolie sur ce site. La mélancolie de l'historien qui croit que ses trouvailles, ses archives, ses sources, peuvent lui montrer le chemin vers la compréhension des fantômes qui, croit-il encore, lui tendent la main. Alors qu'en fait, il ne fera qu'une analyse - Seigneur que ce mot est laid - des hommes du XVIe siècle. Alors qu'en fait, j'aurai voulu vivre avec eux. Pour un instant seulement, aurait dit le grand Jacques.

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Quelques marches de l'escalier d'une cave.

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dimanche 6 avril 2008

Ostrov - L'île, de Pavel Lounguine

Quand je crie, réponds-moi, Dieu de ma justice, dans l'angoisse tu m'as mis au large: pitié pour moi, écoute ma prière!
Ps. 4, 2
Pour ce vieil homme, le monde se réduit depuis des années à quelques aller-retours quotidiens. Vers une carcasse de bateau, qu'une passerelle bancale relie à une cahute de pierre effroyablement austère, où brûle un feu infernal. Vers une île, au large de son monastère de cette hallucinante terre de Sibérie. Un décor dostoïeskien pour un film qui se lit comme un grand roman russe, centré sur le péché et la rédemption, tout imprégné de la parole de Dieu, de la beauté du monde, du tragique de l'existence humaine, de la force de la foi, de la constance de l'espérance et de l'infinie miséricorde divine.
Yahvé, ne me châtie pas dans ton courroux, ne me reprends pas dans ta fureur. En moi tes flèches ont pénétré, sur moi ta main s'est abattue, rien d'intact en ma chair sous ta colère, rien de sain dans mes os après ma faute. Mes offenses me dépassent la tête, comme un poids trop pesant pour moi; mes plaies sont puanteur et pourriture à cause de ma folie; ravagé, prostré, à bout, tout le jour, en deuil, je m'agite. Mes reins sont pleins de fièvre, plus rien d'intact en ma chair; brisé, écrasé, à bout, je rugis, tant gronde mon coeur. Seigneur, tout mon désir est devant toi, pour toi mon soupir n'est point caché; le coeur me bat, ma force m'abandonne, et la lumière même de mes yeux. [...] Or, je suis voué à la chute, mon tourment est devant moi sans relâche. Mon offense, oui, je la confesse, je suis anxieux de ma faute.
Ps. 38, 1-11, 18-19
Le péché, le père Anatoli commence à en avoir fait le tour. Il le connaît si bien qu'il y habite chaque jour, depuis des années; depuis ce jour de la "grande guerre patriotique" où les allemands ont pris son bateau et l'ont obligé à tirer sur son capitaine. Il semble n'avoir alors échappé à la mort que pour porter cette faute impardonnable. Il connaît si bien sa faute! Elle se dresse chaque jour devant lui, chaque jour il lutte contre ses démons, dans la fournaise de la chaufferie du monastère dont il a la charge. Qu'il alimente en charbon sur la carcasse de son ancien bateau, échoué. Dans le gel de cette île où chaque jour il va errer, le coeur grondant de douleur, les tempes battant des paroles du psaume, le corps emprunt d'une angoisse terrible.

Yahvé, ne me châtie point dans ta colère, ne me reprends point dans ta fureur. Pitié pour moi, Yahvé, je suis à bout de force, guéris-moi, Yahvé, mes os sont bouleversés, mon âme est toute bouleversée. Mais toi, Yahvé, jusques à quand? Reviens, Yahvé, délivre mon âme, sauve-moi, en raison de ton amour. Car, dans la mort, nul souvenir de toi: dans le shéol, qui te louerait?
Ps. 6, 2-6
Le père Anatoli connaît si bien ses démons, il est si familier dans leur promiscuité terrible, qu'il est capable d'affronter ceux des autres. Affluent à sa cahute malades et inconsolables. Il les accueille avec malice, avec rudesse, il les brusque et les exorcise. Tout comme il malmène ses frères moines! Le royaume de Dieu n'est pas dans la demi-mesure. Thaumaturge, et devin, exorciste, confesseur qui ne réussit pas à recevoir lui-même l'absolution; le père Anatoli est un fol en Christ, magnifiquement incarné par Piotr Mamonov, qui dérange et effraie.
Dieu, crée pour moi un coeur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme; ne me repousse pas loin de ta face, ne m'enlève pas ton esprit de sainteté. Rends-moi la joie de ton salut, assure en moi un esprit magnanime. Aux pécheurs j'enseignerai tes voies, à toi se rendront les égarés. Affranchis-moi du sang, Dieu, Dieu de mon salut, et ma langue acclamera ta justice; Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange.
Ps. 50, 11-17
Magnifiquement construit vers une délivrance finale dont l'intensité est bouleversante, long, lent, contemplatif, irrationnel; on retrouve dans l'Île le caractère extrême des grands personnages de la culture russe - Dostoïevski revient forcément en mémoire. Ce film fonctionne comme un roman russe, mais aussi comme une parabole évangélique qui serait longuement et superbement déployée à partir de deux petites lignes de texte... L'erreur à commettre serait d'en faire une définition de la sainteté, à l'instar des injonctions des évangiles, et de rester choqué devant l'absolu renoncement que demanderait le salut. Il suffit seulement de se laisser habiter par l'image, le visage, le verbe qui s'incarne au fur et à mesure de la trame du récit, et d'en laisser sourdre la voix dans son âme.
Heureux qui est absous de son péché, acquitté de sa faute! Heureux l'homme à qui Yahvé ne compte pas son tort, et dont l'esprit est sans fraude! Je me taisais, et mes os se consumaient à rugir tout le jour; la nuit, le jour, ta main pesait sur moi; mon coeur était changé en un chaume au plein feu de l'été. Ma faute, je te l'ai fait connaître, je n'ai point caché mon tort; j'ai dit: J'irai à Yahvé. Confesser mon péché. Et toi, tu as absous mon tort, pardonné ma faute.
Ps. 32, 1-5

mardi 5 février 2008

L'expérience de la mélancolie - Port Royal des Champs.


Samedi, j'étais en vacances, j'ai donc attrapé un pique-nique, mon Chéri et le RER B, direction Saint-Rémy lès Chevreuse pour aller admirer le mythique site de l'abbaye de Port-Royal des Champs, détruite sur ordre de Louis XIV en 1711, vu que le roi soleil commençait à en avoir ras le haricot de ces jansénistes casse-pieds. Nous avons donc marché deux bonnes heures (plutôt deux heures et demie en fait) avant d'arriver sur les lieux.
C'est un endroit étrange que Port-Royal des champs, une sorte de reliquaire formé avec des patchworks de mémoire à la gloire de Pascal, de Racine, des Arnauld et des autres. Nous sommes d'abord passés par la visite des anciennes maisons des solitaires et des écoliers de Port-Royal, le petit musée (où l'on peut vérifier la loi selon laquelle c'est toujours quand vous venez visiter un truc que les oeuvres qui valent le détour sont prêtées au musée de Kaliningrad pour l'expo Machinchose), le puits inventé par Pascal pour permettre à un écolier de soulever sans peine un seau de 126 litres, afin d'économiser les allées et venues au puits, les jardins et les vergers (où l'on apprend que le Grand Arnauld n'était pas seulement un théologien très laid, mais aussi un passionné de la greffe des poiriers), les illustres cent marches qui permettaient aux solitaires de Port-Royal de passer de leur maison à l'abbaye des religieuses aux heures de l'office.
La seconde partie du lieu est quant à elle moins bien aménagée. On passe devant les ruines de l'abbaye, le lieu où se dressaient le cloître et le cimetière des religieuses, un pigeonnier à la charpente somptueuse, une grange indéterminée avec dedans une exposition insolite sur les pierres tombales de l'abbaye qui ont pu être conservées, mais sans beaucoup d'explication.
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Point de mise en scène qui viendrait vous divertir. C'est le lieu à l'état brut, encore désolé par la destruction de 1711. Sur les morceaux de mur encore debout, on voit la base des frêles colonnes envahies par le lierre, attendant de pouvoir raconter leur histoire au curieux.
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lundi 21 janvier 2008

L'amour au temps du choléra.


J'eus un choc émotif en découvrant que Javier Bardem tournait dans un nouveau film en costumes, L'amour au temps du choléra. (Parenthèse, le personnage est toujours avec cette connasse de Penelope Cruz). Comme beaucoup d'incultes, j'ignorais tout à fait l'existence du roman de Gabriel Garcia Marquez, et par voie de conséquence que ce dernier était prix Nobel de littérature depuis un petit bout de temps. Désireuse de rattrapper cet impair culturel, je filai boulevard Saint Michel faire l'acquisition de la bête et le dévorai en quelques jours de mes précieuses vacances de Noël.

En général, la littérature d'Amérique latine, c'est drôlement bien. Du moins tout ce que j'ai pu lire. J'ai retrouvé chez Garcia Marquez la même emphase baroque et la même ironie mordante que chez mon cher Alejo Carpentier, auquel je voue un culte particulier depuis que j'ai lu Le Siècle des Lumières.

Pour ne gâcher ni l'histoire ni les ressorts de ce petit bijou, je me contenterai de ne citer que deux extraits particulièrement désopilants et réussis. Vous qui cherchiez la clef des rapports entre mari et femme, et de l'amour en général, sur le long terme, ceci est pour vous.

De temps en teps, au retour d'une folle soirée, la nostalgie tapie derrière la porte les renversait d'un coup de patte, et se produisait alors une explosion merveilleuse, pendant laquelle tout redevenait comme avant, et cinq minutes durant ils étaient de nouveau les amants débridés de leur lune de miel.

Mais hormis ces rares occasions, l'un des deux était toujours plus fatigué que l'autre à l'heure du coucher. Elle traînait dans la salle de bains, roulant des cigarettes dans du papier parfumé, fumait seule, revenait à ses amours de compensation comme lorsqu'elle était jeune et libre chez elle, maîtresse de son corps. Toujours elle avait mal à la tête, toujours il faisait trop chaud, ou elle faisait semblant de dormir, ou elle avait ses règles. Au point que le docteur Juvenal Urbino avait osé dire en chaire, soulagé de déverser son coeur, qu'après dix ans de mariage les femmes pouvaient avoir leurs règles jusquà trois fois par semaine.

(...)

Cétait un mari parfait : il ne ramassait rien, n'éteignait jamais la lumière, ne fermait jamais une porte. Le matin, dans l'obscurité, lorsqu'un bouton manquait à ses vêtements, elle l'entendait dire : "un homme aurait besoin de deux femmes : une pour l'aimer, l'autre pour lui coudre ses boutons".

samedi 5 janvier 2008

Unis dans le corps amoureux du Christ

"Très Chère, il me faut me hâter en t'écrivant; j'essaierai pourtant de t'écrire quelque chose, fût-ce très peu de chose, qui puisse, en une certaine mesure, réveiller ta joie.
Car enfin tu es imprimée dans la moëlle de mon coeur, et loin que je puisse t'oublier, j'évoque au contraire d'autant plus souvent ta mémoire, que je sais combien tu m'aimes avec sincérité, et de toutes les entrailles de ton coeur"
Qui adresse ces mots ardents à la dame de ses pensées? Un amant à sa maîtresse, dont il est séparé depuis trop longtemps? Un époux en voyage qui rassure son épouse inquiète? Un fiancé qui désespère de pouvoir posséder sa fiancée un jour?
Perdu. Il s'agit d'un extrait des lettres du Bx Jourdain de Saxe (1185 - 1237), successeur de saint Dominique à la tête de l'ordre des prêcheurs, à la Bse Diane d'Andalo (1200 - 1236), jeune moniale dominicaine.

Incroyable, mais vrai! Longtemps inaccessible, ce texte est réédité par les éditions du Cerf en l'honneur de l'année jubilaire de l'ordre dominicain, commémorant le 800ème anniversaire de la fondation des moniales. Occasion de se rappeller qu'un ordre religieux, et cela comme une famille, se construit grâce aux liens puissants qui peuvent se tisser entre les hommes et les femmes... Quoiqu'on puisse en penser dans les sphères trop viriles de l'institution romaine, les hommes et les femmes sont complémentaires et c'est une chose bonne car voulue par Dieu lui-même.
Chance aussi de pouvoir accéder par le biais de ces 50 lettres (dont les réponses sont perdues) à l'intimité surprenante du coeur de ces saints dominicains vieux de huit siècles. Surprenant de constater que l'amour, l'amour amoureux qui vise un homme ou une femme, n'est pas absent de leur vie! Il est même, au contraire, une force fondamentale...
Et pourquoi en serait-il autrement? Les prêtres, les religieux, les saints et les saintes, ne deviennent pas êtres angéliques et acorporels en recevant l'ordre ou en prononçant les voeux. Pourquoi les priverait-on de sentiments? Seraient-ils d'heureux mortels déjà morts à toute passion du coeur et du corps?
La différence essentielle entre eux et le commun que nous sommes se situe ailleurs.
"La santé que je désire pour moi-même, je la désire aussi pour toi, ma fille très chère; car avec ton coeur mon coeur est un dans le Seigneur"
(lettre 43, page 123)
L'union amoureuse de Jourdain et de Diane est vécue dans le corps aimant de Jésus, comme une eucharistie au sein du suprême sacrifice d'action de grâce. Dépassant sans en supprimer l'intensité tragique la contradiction fondamentale exprimée dans ce passage de l'Homme sans qualités:
"Comment s'expliquer que l'idéal de tous les amants soit de devenir un seul être, quand ces ingrats doivent presque tout l'attrait de l'amour au fait qu'ils sont deux et de sexe délicieusement différents?"
(II, chap. 56, p. 582)
Devenir un seul être, dans le corps du Christ: l'expérience de l'amour comme celle de l'eucharistie fait éprouver aux hommes la réalité de la communion universelle dans le corps mystique du Christ, qui se révèlera lors de la plénitude des temps où tous seront en tous. "Deux et de sexe délicieusement différent", Diane et Jourdain communient dans le corps du Christ où s'épanche leur profonde affection mutuelle. S'apportant tous deux force conseils et soutien, au long des séparations, quant à leurs ministères respectifs.
"Le temps dont je dispose à présent est trop court pour que je t'écrive, ainsi qu'il me serait doux, une de ces lettres comme tu les aimes.
Cependant je t'écris, et je t'envoies le Verbe abrégé, fait tout petit dans la crèche, qui pour nous S'est incarné Verbe de salut et de grâce, Verbe de douceur et de gloire, Verbe qui est le très bon, le très suave Jésus-Christ; et Jésus-Christ crucifié, exalté sur la croix et élevé à la droite du Père, vers laquelle et par laquelle tu élèves ton âme - y soit-elle en paix, sans fin, pour les siècles des siècles!
C'est ce verbe qu'il faut relire dans ton coeur, repasser dans ton esprit; c'est sa douceur qu'il faut avoir en ta bouche comme celle du miel. C'est ce verbe qu'il faut méditer sans cesse, sans cesse rouler dans ta pensée: qu'il demeure en toi, et habite toujours en toi.

Il est encore un autre verbe, petit et bref: c'est ma tendresse, qui a ta dilection parlera pour moi dans ton coeur et rassasiera ton désir. Que ce verbe soit toujours avec toi, qu'il demeure aussi toujours en toi"
(lettre 31, p. 99)
Toute la puissance réthorique d'un frère prêcheur pour exprimer la profonde union entre l'amour de Dieu et celui qu'il éprouve lui-même... Union des coeurs et des corps dans le coeur et le corps de Dieu. L'union des corps est manifeste:
"Maintenant je suis près de partir pour la Lombardie et j'espère que dans peu de temps, grâce à Dieu, je te verrai. J'ai su que tu t'étais blessée au pied; et j'ai mal à ton pied. Te voila avertie de te montrer prudente, et en ce qui est de ton pied, et en ce qui est de tout ton corps"
(lettre 47, p. 133)
Jourdain s'attache à modérer les excès passionnés de Diane et l'incite à ne pas négliger son corps, sa nourriture (lettre 14, p. 54) et sa santé.
"Je ne te paie pas de retour, je le crois fermement, car tu m'aimes plus que je ne t'aime. Mais je ne veux pas que cette affection, qui m'est douce, éprouve trop ton corps ou trouble trop ton âme"
(lettre 15, p. 57)
Mais l'affection fait exploser les cadres spatio-temporels et les deux amis se voient en rêves (lettre 46) ou évoquent leur présence spirituelle l'un à l'autre:
"Mais encore que je ne vienne pas te rendre visite en mon corps, je n'en suis pas moins avec toi en esprit car où que j'aille, en mon corps, je demeure avec toi, en esprit; et toi qui demeures corporellement je t'emporte avec moi, spirituellement"
(lettre 41, p. 118)
Diane et Jourdain auront toute leur vie fait l'épreuve de la séparation, thème qui recoupe dans les lettres celui de la mort, séparation si brutale, qui est aussi promesse d'union totale... Ainsi cette lettre 17, déchirante, où Jourdain évoque la mort de son cher Henri, en pleine jeunesse:
"Quand Dieu essuiera toute larme des yeux de Ses saints, Il essuiera aussi ces larmes amères que, depuis mon départ, tu as si abondamment versées. Non sans doute à la mesure de l'immense chagrin de ton coeur, j'avais espéré, sous l'inspiration du doux Esprit Consolateur, pouvoir t'envoyer quelques consolations; mais voici que mon espérance a fui, parce que toute consolation s'est dérobée de mon âme. Car Celui qui divise et départage entre tous, comme il lui plaît, Celui-là même qui ne séparera plus les Frères unis, il lui a plu de les séparer, Il les a séparés, c'en est fait"
(lettre 17, p. 61)
La douleur extrême de Jourdain, qui perd son fils spirituel et son frère en saint Dominique, ne trouve sa consolation que dans l'espoir d'accéder à cette joie parfaite que le Christ a promise. Mais cette expression dont la foi n'enlève rien à la puissance tragique n'est rien à côté de la dernière lettre envoyée à sa soeur Diane. Jourdain sait alors que sa mort est proche: son souci n'est plus tant celui d'apporter une consolation à Diane que de lui exprimer le fond de son âme.
"Du reste, c'est peu de choses, Chère, que ce que nous nous écrivons l'un à l'autre: c'est au plus profond de nos coeurs qu'est la ferveur de dilection dont nous nous aimons dans le Seigneur; et c'est là, dans cette intime affection de la Charité, que tu me dis, et que je te dis sans fin, ce que nulle langue ne peut dignement exprimer, et nulle lettre contenir.

O Diane, que l'état présent qu'il nous faut supporter est misérable, puisque nous ne pouvons nous aimer l'un l'autre sans douleur, penser l'un à l'autre sans anxiété!

Car enfin, tu souffres, tu te tourmentes parce qu'il ne t'est point accordé de me voir sans cesse; moi je me tourmente de ce que ta présence m'est trop rarement donnée.

Qui nous conduira dans la Cité forte, dans la Cité du Dieu des armées, fondée par le Très-Haut, où nous ne soupirerons plus, haletants, ni après lui, ni l'un après l'autre? Ici chaque jour nous sommes lacérés, et les entrailles de nos coeurs déchirées, et chaque jour nos propres misères nous forcent à crier: "Qui nous délivrera de ce corps de mort?"

Et pourtant nous devons patiemment porter cette vie, et autant qu'il est possible à notre quotidienne pauvreté, recueillir notre âme en Celui-là seul qui peut nous affranchir de toutes nos pauvretés, en qui seul nous trouvons le repos, et hors de qui, en tout ce que nous voyons, nous ne trouvons que tribulation et qu'abondance de douleur"
(lettre 50, p. 139-140)
Les lettres de Jourdain à Diane manifestent avec éclat qu'il n'est pas de mystique qui n'aie un corps, et un corps humain. Pourquoi Dieu aurait-il pris sur Lui ce corps si ce n'était pour unir l'homme à Lui dans les profondeurs de ses entrailles désirantes?