lundi 20 décembre 2010

Les brèves du lundi d'avant Noël.

1. Finalement, désolée, pas de photos de la place Stanislas. Je suis bien allée à Nancy mais seulement deux jours, où j'ai travaillé comme une sourde pour éplucher dix mètres linéaires de fonds d'archives, ce qui ne m'a laissé qu'assez peu de temps pour faire du tourisme. Temps d'autant plus limité que j'ai été malade comme un vieux clébard et que mes pauses déjeuner ont donc été consacrées essentiellement au trouvage d'une pharmacie, et non au photographiage de trucs mentionnés par le Guide Bleu.


2. J'ai eu la grippe. Je dis ça en m'excusant auprès des personnes que j'ai pu côtoyer ces derniers jours. J'espère que je ne les ai pas trop contaminés. Promis, si j'avais su, je me serais planquée. J'espère qu'ils vont bien - ou alors, qu'ils ne m'en veulent pas trop.


3. Verdict : la place Stanislas sous la neige, c'est là qu'on comprend l'expression "luxe, calme et volupté". Sinon, j'ai pas vu le palais ducal. J'ai pas vu la cathédrale. J'ai pas vu le parc zoologique. La loose.


4. Vous avez remarqué comment "sujet tabou", maintenant, ne veut plus du tout dire ce qu'il veut dire au départ ("dont on ne parle pas", en gros), pour signifier "sujet dont on parle partout afin de déclencher des polémiques plus ou moins inutiles" ?


5. Ratage complet de la journée. J'ai voulu terminer du riz qui traînait là. J'ai voulu faire un gâteau de riz au caramel. Evidemment, il a fallu que je me rende compte trop tard que les oeufs étaient périmés, et puis de toute façon, mon gâteau ne ressemble à rien, si ce n'est un tas de riz gluant. J'ai même pas osé le goûter. C'est pas que je craigne la salmonellose (il s'est quand même fait un quart d'heure dans un four à 200 °C, alors les salmonelles, y'en a plus beaucoup), mais avoir gâché autant de sucre et de crème pour ça me coupe l'appétit d'avance. Snif.


6. C'est moi où les gens sont bizarres ? Je demande, parce que l'autre jour dans le train, j'entendais une fille manifestement très angoissée, qui demandait à sa voisine "comment tu fais, toi, pour les fêtes ? Moi c'est l'angoisse, je vais encore grossir, je sais pas comment faire !". Je lui aurais bien dit "euh, bouffer normalement, ça devrait suffire, non ?" mais sa copine lui a servi un savant discours sur le mode "les marrons, c'est moins gras que les pommes dauphines" - ce que je veux bien croire. Ce qui m'intrigue, c'est que la réponse la plus simple ne soit jamais celle mise à l'honneur.

lundi 13 décembre 2010

Les brèves du lundi.

1. Il y a quelques temps de ça, j'ai reçu une pub pour une librairie catho en ligne. Ne me demandez pas pourquoi je reçois ça, je ne leur ai jamais rien demandé, surtout pas de m'envoyer des pubs sur le-dernier-bouquin-qui-vous-explique-comment-les- vilains-gauchistes-falsifient-l'histoire.

D'habitude, ça m'énerve, de recevoir leurs spams. Mais pour une fois, j'ai bien rigolé, vu qu'ils proposaient de vendre "le nouveau livre du pape sans frais de port". Sic.


2. Les bons films vus et approuvés par le comité (composé de l'Epoux et ma pomme) : Le tailleur de Panama, avec Pierce Brosnan en espion mais parfait salopard, et Geoffrey Rush. Commence comme une comédie gentillette sur le panier de crabe du milieu des expatriés en Amérique du Sud, termine en cauchemard aux résonances parfaitement amorales.

Ce film est en plus un hommage à l'élégance masculine et au costume trois-pièces, ce qui est tout à fait réjouissant.


3. Autre bon film vu et approuvé, La vie est belle de Frank Capra. Un bon vieux film avec une histoire et une morale toute simple (faites-vous des amis, vous ne resterez jamais seul dans les embarras), mais un film profondément humaniste, où James Stewart est comme toujours parfait, drôle et touchant.


4. Les livres lus et approuvés par le comité : Meurtre sur le marché des forgerons, de Yachar Kemal - Nobel de littérature en 1972. Lecture parfois pénible et difficile, avec un récit très éclaté, de perpétuels allers et retours dans le temps, et une limite difficile entre rêves et réalités, mais on s'y fait. J'aime bien la littérature orientale et sa capacité à exploiter sans le parodier la tradition orale avec son emphase et sa violence.

L'histoire à coup de serpes : peu de temps après la seconde guerre mondiale, au pied du Mont Taurus, deux familles de beys turcs se déchirent depuis des siècles (attention, scènes violentes, quand même : à côté, les fameux supplices chinois, c'est de la petite bière). Les nouveaux riches et les cadres de l'administration essaient de les réconcilier ou du moins de faire taire leurs querelles qui nuisent à la région.

La Turquie, c'est toujours compliqué d'en parler. On y va pour les vacances mais on y déplore le non-respect des droits de l'homme. Et puis est-ce un pays européen ou non ? Devons nous, aujourd'hui, tenir compte de l'alliance entre Soliman le magnifique et François Ier ? Les musulmans vont-ils nous bouffer tous crus ?

Il y a des choses étonnantes dans ce livre. Le personnage d'Hitler vu par les paysans et les féodaux de la Turquie, ne manque pas de sel. Les politiques qui se désespèrent de passer pour un pays arriéré aux yeux de l'Occident, montrent la tension qui marque ce pays, entre tradition et modernité. Les beys assassins ont fait des études de droit dans les meilleurs universités mais l'instinct de la vendetta est toujours le plus fort. On connaît l'Occident, on l'envie, on le jalouse, on le hait aussi. Un pays en mutations douloureuses...


5. Et bonne semaine bien sûr ! de la neige, du froid, des RER en retard, du bonheur quoi ! Pour ma part, j'affronterai ce mercredi le Grand Nord - la Lorraine, en fait. De là à conclure qu'il y aura bientôt des photos de la place Stanislas sur ce blog, il n'y a qu'un pas.


mardi 7 décembre 2010

France 1500...




Je m'aperçois que ça fait bien longtemps que je n'ai pas descendu en flèche (gratuitement, mauvaise foi comprise), une exposition parisienne.

Voici donc ma dernière excursion en date : France 1500, au Grand Palais.


Je n'aime pas beaucoup aller au Grand Palais. C'est cher, mal fichu, et en plus il est tout à fait impossible de boire un café dans le coin.
Cher, oui. Plus de 10 euros l'exposition, plus un euro la réservation - réservation obligatoire bien entendu, c'est la grande astuce du Grand Palais : on limite le nombre de place, comme ça la France entière se met à vouloir y aller. Résultat, vous avez de braves gens qui se retrouvent à faire la queue à l'entrée dès huit heures du matin, sous le froid, la neige et la pluie. Tout ça pour les Nymphéas de Monet - j'ai rien contre Monet en soi, mais il y a des limites.

Dieu merci, l'amie avec qui j'avais prévu d'y aller avait pris les places pour un vendredi après-midi, donc point de populace à l'horizon - c'est que je veux bien mourir pour le peuple, mais je ne veux pas mourir avec.


Nous étions donc convenues d'aller voir "France 1500", en nous souvenant avec émotion du jour où un commissaire d'expositions a eu une inspiration géniale en baptisant son expo au Louvre "Paris 1400" - une expo où on voyait des trucs qui brillent avec de l'or et des pierres précieuses, des tas de volumes des Grandes Chroniques de France et des gisants un peu trash - appelés transis.



Depuis, tout le monde s'y est mis : on prend n'importe quel nom de ville et on colle une date derrière, vous avez votre sujet d'exposition. On a eu aussi France XIIe siècle (bah oui, on a moins de choses donc on a le droit d'élargir un peu) et Vienne 1900, par exemple. J'attends avec impatience Hiroshima 1945, Lons le Saunier 1977, Melun années 1930, Vitry le François 1984 - lieu et année glorieuse de ma venue au monde.

De toute façon, maintenant, les expos, c'est ça ou le thème "deux artistes mis ensemble", genre Matisse/Rodin, dont j'ai déjà parlé.


Je préfère ne pas m'énerver sur la foutue tendance des commissaires d'expo à faire en sorte que les cartons devant les oeuvres soient rédigés en ocre-beige sur fond grisâtre, avec éclairage à la LED blafarde directement braqué dessus. Et bien sûr, écrit en petit. Histoire d'être bien sûrs qu'on ne pourra jamais les lire.

Je préfère ne pas m'étendre sur le fait que les vitrines, contrairement au conservateur du Grand Palais, réfléchissent. C'est embêtant, parce que quand je veux regarder une enluminure, je n'ai pas besoin de voir ma pomme en face de moi - je la vois assez comme ça le matin dans la glace, merci.

Enfin, dans la série "évitons de réfléchir, des fois que ça nous morde les doigts de pieds", mentionnons l'agaçante propension à coller des oeuvres les unes à côté des autres sans aucune perspective. La première partie de l'expo, ainsi, consiste bêtement en un tour de France des arts autour de 1500, région par région, et paf ! Débrouillez-vous avec ça. Sur le mode : et dans le Périgord, on fait des Vierges à l'Enfant. À Toulouse, on fait des Vierges à l'Enfant. Et en Provence, on fait des Vierges à l'Enfant. Et en Normandie ? On fait des Vierges à l'Enfant. Et à Paris ? Devinez ?

On regrettera également la navrante banalité du discours - alors euh, voilà, euh, il y a des archaïsmes, mais euh aussi, bah, des influences italiennes renaissantes, quoi... On aurait apprécié un peu plus de réflexion sur le fait que, justement, le décrochage de cette période est intéressant, parce qu'on passe d'une foi et de canons artistiques unanimes - "l'art gothique", pour aller vite - aux influences renaissantes qui touchent les élites et les franges supérieures de la société - à mettre en parallèle avec la cassure religieuse du début du XVIe siècle. J'aurais aimé davantage d'insistance sur le fait que même François Ier prie devant des statues gothiques tout en appréciant Léonard de Vinci et les femmes à poil des peintres italiens.


Mais tout ça vaut le détour, quand même. En vrac, coups de coeur pour des desssins d'architectes sur parchemin, le tombeau des enfants d'Anne de Bretagne, le portrait de François Ier en Saint Jean Baptiste (eh oui ! on ne peut pas se tromper, François Ier étant reconnaissable entre mille), les vitraux inspirés de représentations de "triomphes" italiens connus par exemple via les cartes de tarot - l'histoire de la carte à jouer me met en transes -, le portrait en grisailles de Jean Fouquet, le tableau représentant Pierre de Beaujeu, Madame son épouse (Anne de Beaujeu, qui a l'air aussi agréable à vivre que maîtresse femme) et leur fille encore au berceau, la Nef de Sainte Ursule - superbe pièce d'orfèvrerie, et quelques éléments architecturaux du château de Gaillon, notamment les fontaines portant l'emblème de Louis XII.

Emblème qui est, je ne me lasse pas de le répéter tellement c'est bête, le porc-épic.

Les rois de France n'étaient pas toujours très inspirés, il faut bien le dire.





lundi 6 décembre 2010

Les brèves du lundi, moral en berne.



Le directeur de thèse qui veut que ça soit terminé dans moins d'un an.


Le filon d'archives qui se tarit.


La (légère) panique à l'idée de se dire qu'on n'a clairement pas la maturité pour rédiger.


La poste et l'administration qui rend fou.


Le froid et le manque de motivation qui fait son grand retour saisonnier.


Le comble : en m'énervant au téléphone sur la Poste, j'ai laissé ma bouillotte brûler. Bilan des courses : une bouillotte réduite à l'état de charbon de plastique, une casserole foutue, un appartement qui empeste le PVC brûlé, des fenêtres forcément grandes ouvertes pour aérer par froid glacial.
Bouillotte bien évidemment ultra-précieuse à mes yeux puisqu'offerte par l'Époux et parfaite comme remède au froid hivernal lorsqu'on travaille devant l'ordinateur.


=> Error 404 : vous êtes une grosse buse. La semaine s'annonce mal.


Sur ce, je retourne à ma propre merditude.

à plus tard.




lundi 29 novembre 2010

Brèves du lundi, le retour.

Si je blogue un lundi matin, c'est bien parce que je suis malade, enfermée chez moi à trier du linge sale (rendons-nous utile pendant que l'Époux trime et fait vivre notre famille à la sueur de son front), à vider le lave-vaisselle et à regarder la neige qui est tombée.
De toute façon, je ne saurais en faire plus, j'ai bien essayé de transcrire un inventaire après-décès de 1558 mais je n'y suis pas arrivée (j'ai seulement identifié un vieux chaudron en cuivre rouge à la page 2 (sur trente pages, ça fait pas beaucoup (et encore j'ai même pas commencé à regarder l'inventaire des titres (mais il va bien falloir (là où ça coince, justement, c'est que ledit inventaire est complètement indispensable au bon déroulement de la suite des hostilités (c'est-à-dire la rédaction de ma thèse)))))).


Sur les bons conseils de la Souris des Archives, j'ai bien avancé dans la lecture des romans de Clive Cussler. C'est du James Bond mais côté américain. Il y a des méchants russes (avant 1990), des méchants dictateurs africains et des vilains Japonais qui veulent dominer le monde (après 1990). Fidel Castro, lui, est méchant mais moins que les Russes. Il y a des trésors cachés et des bombes atomiques. Il y a des filles (un autre genre de bombes) qui couchent toutes avec le héros. Il y a un héros brun (ouais !) aux yeux verts (bof). J'aime bien.


J'aime moins les romans prise de tête : lecture cette semaine de La Montagne de l'Ame de Cao Xingjian. Une semaine pour sept cent pages, temps anormalement long. Il faut dire que le caractère extrêmement pénible de la fragmentation du récit - on va de rencontres en rencontres sans trop savoir qui fait quoi, qui est qui, pourquoi, ni comment - ne rend pas les choses très attrayantes. Néanmoins, une belle et glaçante peinture d'une nation devenue folle, avec ses camps de rééducation par le travail, ses intellectuels au mieux surveillés, au pire pourchassés, sa corruption, ses cadres du parti, son acharnement à détruire son patrimoine tout en se lançant dans des entreprises délirantes pour sauver les pandas.


Ce dimanche, les critiques du Masque et la Plume ont de nouveau encensé Houellebecq (ça m'a énervée) et joyeusement descendu Philippe Muray (du moins trois sur quatre), ce qui n'a pas manqué de me réjouir. Parce que la publication d'un volume de 1800 pages qui disent toutes la même chose : "les modernes c'est pô bien, l'homo festivus c'est caca", j'appelle ça de l'opération commerciale sponsorisée par Fabrice Luchini (qui en fait la lecture devant un parterre d'appréciateurs distingués) - ou du foutage de gueule. Au choix.


La semaine dernière (mais encore trouvable dans les kiosques), bon numéro du Télérama sur les gens qui vivent "pour survivre". Les vieux qui vivent avec le minimum retraite, les jeunes coincés et qui vont de mal en pis. Intéressant mais surtout humain et délicat - pas facile, avec un tel sujet.


L'histoire de la suppression des notes. Je ne sais pas si c'est moi qui ai vécu dans une réalité parallèle, mais j'aimerais bien que les partisans de la suppression des notes à l'école me disent s'il n'est pas vrai que les notes s'accompagnent toujours (ou alors, allez, dans 95 % des cas) de commentaires - plus ou moins abondants, certes - du prof, justifiant la note, pointant les points forts et les points faibles ?
La note n'est pas arbitraire. La note n'est pas traumatisante. La note n'est pas brute de décoffrage.
Et la Finlande, c'est aussi le pays où on trouve le plus fort taux de suicides d'adolescents. Lâchez-nous la grappe avec la Finlande.


La connerie du jour : j'entendais l'autre jour deux types visiblement pas très à gauche s'indigner de ce qu'on voit, en cinquième, l'Islam avant Saint Louis et Philippe Le Bel. Les règles élémentaires de l'assistance à personne en danger (danger de crétinerie) auraient voulu que j'intervinsse afin de leur faire remarquer que c'est d'abord la logique chronologique qui veut ça. Et puis finalement, j'ai préféré appliquer la maxime de Michel Audiard : je parle pas aux cons, ça les instruit.



jeudi 18 novembre 2010

Rire de tout.


Et un marronnier, un !
Parmi les phrases que je déteste le plus au monde, il y a celle-ci : "on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui". Parce qu'elle s'accompagne de l'air méprisant de celui qui la prononce, destiné à vous faire comprendre que si telle ou telle blague ne vous fait pas rire, c'est que vous n'êtes qu'un crétin et que - insulte absolue de nos jours - vous n'avez pas d'humour.

Et comme personne ne veut passer pour le rabat-joie de service, on se force à s'arracher un rire d'une blague qui ne nous amuse pas, parce qu'elle n'est pas drôle, parce que ça fait soixante quatorze fois qu'on vous la fait, parce que ça touche une corde sensible.

Il y a encore quelques temps, je n'aimais pas jouer les pisse-vinaigre, aussi je m'efforçais d'émettre au moins un ricanement, de répondre spirituellement, comme si je n'étais pas atteinte par la pique - ou comme si à l'inverse il y avait de quoi se poiler.
Et puis un jour je suis tombée sur un billet tout bête d'un site où l'on peut trouver des jolies perles de réflexion. Pour ceux qui ont la flemme d'aller voir le lien, c'est un Arabe qui n'en peut plus d'avoir droit à des blagues sur le mode "tiens voilà le livreur de pizzas" quand tu sonnes à la porte d'un ami qui organise une soirée.

Passé un certain âge, on se fatigue des attaques - qui ne se veulent pas toujours méchantes, mais qui exaspèrent à force de répétition. Dans mon cas, par exemple, je citerai les blagues sur les curés pédophiles, les scouts pédophiles et fachos, les blagues misogynes/machistes, les piques sur les "intellos", les plaisanteries à deux roubles sur l'accent ou la fainéantise supposée des Provençaux et des profs (alors, des profs provençaux, je n'en parle même pas).

On m'a ainsi souvent demandé pourquoi malgré mes capacités je m'obstinais à bosser dans l'enseignement public "alors que mes qualités seraient tellement mieux reconnues dans le privé". Sauf qu'à voir comment même passée la trentaine, le commercial s'en donne à coeur joie sur l'intello (comprenez, celui qui sait lire) de la boîte, désolée mais je préfère rester parmi mes semblables.

Et moi, je suis fatiguée de devoir faire bonne figure et d'avoir de l'humour vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Tu n'es pas drôle, toi, quand, lorsque je te réponds un peu sèchement, ton premier mouvement est de ricaner "t'as tes règles ou quoi ?". Tu n'es pas drôle quand tu ressors la blagues des jambes des femmes qui ne servent qu'à aller plus vite du lit à la cuisine. Tu n'es pas drôle quand tu contrefais l'accent provençal que tu crois être un accent arabe mâtiné de vulgarité. Tu n'es pas drôle quand tu ressors la blague du curé pédophile que tout le monde connaît. Tu n'es pas drôle quand tu me demandes si je suis en vacances ou en grève. Tu n'es pas drôle quand tu te fous de la gueule de quelqu'un qui aime lire/visiter des expositions/voir un film dont la bande son est autre chose que pif ! pif ! boum ! boum ! racatacatac !, et que tu estimes que cela te confère une supériorité sur l'intello à lunettes.

Comme je deviens une vieille conne (c'est que je suis plus proche de trente que de vingt ans maintenant), j'ai pris l'habitude de ne plus avoir peur de plomber l'ambiance d'une soirée ou d'un dîner. Je ne veux plus faire croire que j'ai de l'humour à toute épreuve. Je m'en balance d'avoir l'air drôle. Et je ne veux plus avoir l'air de ne pas être atteinte par les mauvaises plaisanteries. Oui, il y a des choses qui m'atteignent, qui me blessent cruellement. Et je me réserve le droit d'avoir l'air susceptible, et de t'envoyer paître, toi qui veut faire rire à mes dépends, toi qui croit que la provocation est le seul mode de communication.

La phrase de Desproges, quand tu la laisses tomber d'un air condescendant parce que je ne me suis pas esclaffée sur ta sortie délicate, ne sert qu'à te rendre encore plus crétin. Rire de tout mais pas avec n'importe qui ne signifie pas que le monde se partagerait en deux, les surhommes pleins d'humour qui auraient le don de pouvoir tout brocarder sans distinction et de l'autre côté les pisse-vinaigres trop cons pour rire, mais bien au contraire qu'il faut manipuler l'humour avec une extrême précaution pour ne pas le transformer en méchanceté et en humiliation gratuite.

Mais du haut de ta superbe d'homme drôle autoproclamé, tu ne comprendras probablement pas.




mercredi 17 novembre 2010

Les objets d'Artémise, 2. La pelisse.


Nous étions jeunes, nous étions fou, nous étions jeunes mariés. L'Époux m'a fait en ce temps le somptueux cadeaux d'un manteau hors de prix, en fourrure noire, à boutons dorés - vous savez, le genre de manteau que porte l'espionne russe dans les James Bond (mais la méchante, hein, pas la gentille), ou la collabo dans les films sur l'amitié franco-allemande de 1939 à 1945.

À priori, point de bébé phoque n'a été massacré pour la confection de ma pelisse. D'abord parce que les bébés phoques, c'est blanc, et que mon manteau est noir. Et qu'à priori, c'est pas de la vraie fourrure - je ne suis tout de même pas du genre à vouloir mettre l'Époux sur la paille, non plus.
N'empêche, vraie ou fausse peau d'animal, il est chaud comme tout, doux, superbement taillé dans le style années 1940 (comme dans les films susnommés). Le manteau parfait - c'est bien simple, je n'en avais jamais trouvé d'aussi parfait.

Autant dire que j'aime voir l'automne pointer son nez, ça me donne l'occasion de le ressortir.

Il est d'autant plus jouissif de s'y glisser dedans que Paris est peuplé de donneurs de leçons de tout poil (ah aaaah) qui froncent leur nez aussitôt qu'ils me voient débarquer dans le métro emmitouflée dans ma pelisse. Car entendez bien, la fourrure, faut pas, c'est vilain, ça tue les bébés phoques. Il est désopilant de les entendre vouloir pratiquer la correction fraternelle en marmonnant des poncifs sur les gentils n'animaux cromeugnons que les salopes de mon genre exterminent pour le seul besoin du culte de l'apparence.
Certains poussent leur petit courage de Saint Just en herbe, jusqu'à vous demander si vous vous rendez bien compte du mal que vous faites à la planète (ajouter des trémolos dans la voix).

En général je réponds que non, j'aime pas les bêtes. Et ça leur coupe le sifflet. Mais pas toujours. Les plus excités se lancent dans une tirade sur la protection des animaux, le foie gras, les tests pharmaceutiques, avec force insulte à l'encontre des gros vilains comme moi.

Comme quoi, simplement en portant ma pelisse, j'arrive à choquer le bon peuple à peu de frais. Kate Moss et Michel Onfray n'ont qu'à bien se tenir.

Tremblez.







mercredi 10 novembre 2010

La laïcité, machine à tuer les libertés.





Une crèche a licencié une de ses employées, musulmane, qui venait travailler avec son voile sur les cheveux. Licenciement pour faute grave. Saisie de la Halde par la dame. Émoi des ardents défenseurs de la laïcité. Manuel Valls estime par exemple que "comme c'est le cas à l'école, le port de signes religieux distinctifs là où il y a des enfants" doit être interdit.

Je trouve cette affaire parfaitement scandaleuse. Assurément, je n'ai pas grande tendresse pour une religion (et une culture) qui exige des femmes qu'elles se couvrent les cheveux pour de sombres questions de pureté et d'impureté. Mais j'aime bien qu'on fiche la paix aux gens.

Une faute grave, dans une crèche, c'est frapper un gosse, c'est en laisser un aller se faire écrabouiller sur la route, c'est oublier de les nourrir. Pas de porter un voile sur ses cheveux.

La dame viendrait travailler en burqa, il me semblerait normal d'exiger d'elle une tenue pratique pour travailler - allez donc courir après une trentaine de mioches fagotée de la sorte ! - mais un voile sur les cheveux, faudrait viser à pas déconner. Quant à l'argument des enfants (à dire avec des trémolos dans la voix), je ne vois pas bien ce qu'il vient faire là. Ciel, des enfants seraient choqués parce qu'une des dames de la crèche a les cheveux couverts ! Ils pourraient lui en demander la raison et elle répondre que c'est parce qu'elle est musulmane !! Ils pourraient entendre parler de religion ! Etre pollués par l'abominable fait religieux !

Cette affaire est du même ordre que les cris de putois qu'on entend à chaque fois qu'un homme politique est pris en flagrant délit d'aller à la messe ou de rompre le jeûne du ramadan (les cris n'étant pas poussés par les mêmes putois, en général).

(c'est pourtant mignon un putois)


Il faudra qu'on m'explique en quoi un foulard sur les cheveux, porté pour raisons religieuses, est un trouble à l'ordre public. Cela vaut aussi pour les croix. Faut-il vraiment que je vire les quelques élèves qui portent leur croix (catholique ou protestante) autour du cou pour trouble à l'ordre universitaire ?

Il faudra qu'on m'explique en quoi il est foncièrement dangereux de parler religion à un enfant.

Il faudra qu'on m'explique en quoi il n'est pas carrément liberticide de licencier pour faute grave une dame qui a les cheveux couverts.

mardi 2 novembre 2010

"L'oeil sérieux d'un prophète et le rire d'un enfant".





Ce qui est un peu déprimant au cinéma, c'est de voir le public qui vient voir des dessins animés. En général, très peu d'enfants dans les files d'attente, même celles de l'après-midi. D'ailleurs, dans la plupart des cinémas, la séance de 16h n'est plus réservée aux trucs de gosses. Et inversement, les dessins animés se retrouvent dans les dernières séances de la nuit. Et là, bien évidemment, il n'y a plus un seul enfant dans la salle.

Moi la première, je vais voir des dessins animés. L'Age de Glace étant le dernier en date. (ce qui nous fait remonter à plus de deux ans, quand même, mais c'est une autre histoire). Honnêtement, je m'y suis bien amusée. Ce film a eu au moins le mérite de me faire oublier, deux heures durant, que le lendemain, c'était la proclamation des résultats de l'agrégation. Ce qui n'est pas peu dire.


Les dessins animés, aujourd'hui, ne sont plus des trucs de gosses. Pour la bonne raison qu'ils ne sont plus que des parodies de dessins animés. Des détournements. Souvent pas de très bon goût : la princesse qui rote dans Shrek, le prince charmant-qui-est-en-fait-le-méchant. Grosses vannes, jamais un plan qui dure plus d'une seconde. Jeux de mots à peu près incompréhensibles pour les enfants. Bilan : seuls les adultes se marrent. La dernière fois que j'ai fait voir un dessin animé à mon neveu, il a passé plus de temps à me demander "pourquoi il fait ça" plutôt que de regarder le film. En fait, je crois qu'il s'est passablement ennuyé.

Les réalisateurs de dessins animés se croient toujours très drôles et trrrrès originaux quand ils prétendent "jouer avec les codes", "s'amuser avec les clichés", "travailler sur le second degré". Sauf que les enfants ne pigent rien au second degré. Le second degré est même à mon sens typiquement une affaire d'adultes. Les réalisateurs de dessins animés le sentent confusément. Donc pour faire rire les enfants, ils rajoutent de l'humour premier degré. Souvent à base de pipi-caca.

Pipi-caca, c'est vrai que ça fait rire les enfants. Mais pas si longtemps que ça, en plus.

Mais bon sang, pourquoi faut-il vouloir à tout prix faire marrer les enfants ? Les enfants sont souvent des êtres incroyablement sérieux. Parce qu'ils veulent savoir. Comprendre comment, pourquoi, qui, où. Les enfants ont des capacités de contemplation qu'on a souvent du mal à déceler sous un perpétuel mouvement. Même s'il passe une heure à se tortiller, s'avachir, se rouler, se cogner, tomber, s'accroupir, se relever, se vautrer de nouveau, le tout sur un malheureux canapé qui n'a pas demandé à souffrir autant, l'enfant passe son temps à observer. Et à retenir, comme une éponge.

Alors, si vous voulez que vos enfants deviennent des êtres avides de beauté et de grandeur, pitié, ne leur montrez pas de quoi les faire rire. Faites-leur contempler de belles choses. Apprenez-leur la patience nécessaire pour découvrir le beau. Il est toujours tellement navrant d'entendre des gens dire qu'ils "sautent les descriptions" dans les livres...


Tout ce beau discours ne serait pas si ce n'était pas une justification de ma profonde affection pour certaines séquences des oeuvres des studios de dessins animés, capables de proposer de véritables joyaux aux enfants. En les prenant pour des êtres doués pour percevoir la beauté, et pas seulement comme des petits singes qu'il faut à tout prix faire rigoler.


La longue première séquence du Roi Lion est en ce domaine tout à fait extraordinaire.




(il n'y a pas encore si longtemps, ça me tirait des larmes).



Très réussi aussi, le début de Notre Dame de Paris. On dira ce qu'on voudra mais nos amis d'Outre-Atlantique ne se sont pas mal débrouillés du tout avec l'inoxydable pavé (en particulier faire de l'archidiacre Frollo non pas un moine immonde et grassouillet comme on le voit souvent mais un juge au visage froid - mais je ne vais pas développer parce que ça prendrait bien du temps).








Je vous rassure, il y a aussi des perles estampillées "fabrication française". Michel Ocelot dans ce domaine fait merveille. Ses interviews sont claires : il estime qu'il faut s'adresser au sens du beau chez les enfants, pas à un prétendu second degré qu'ils ne possèdent pas encore.





(et non il n'y a pas que Kirikou dans son oeuvre)



Après ça, vous n'avez plus qu'à jeter Shrek à la poubelle. Il me semble que les enfants ont aussi le droit d'avoir accès à de belles choses et que ne les croire capable que de rire gras à des blagues à connotation scatologique, c'est légèrement scandaleux et méprisant.

Les perles pour mioches sont rares mais elles existent...

jeudi 21 octobre 2010

Quelques notes décousues sur les femmes.

Bon voilà, tout est dans le titre. C'est décousu parce que j'écris entre deux cours et que mes idées sont encore assez peu claires sur la question mais... j'ai bien envie de me lancer.



Pour bien donner une idée de ma position sur la question, une petite histoire.

Il se trouve que, dans le mouvement scout où j'ai traîné longtemps mes guêtres, il y a ce que l'on appelle les Guides Aînées, le pendant féminin des Routiers. En gros, c'est ce qu'on fait après avoir été guide (ou scout) et avant de devenir cheftaine (ou chef). J'ai été, pour ma part, dans un groupe, où, grosso modo, on vous expliquait que votre rôle à venir, c'est bonne soeur ou mère de famille. Ou, éventuellement, laïque consacrée. Point final.

Tout cela s'accompagnait d'un enseignement assez éléphantesque (dans sa subtilité autant que dans sa quantité) sur l'éducation à l'affectivité - id est, en quatre mots : pas avant le mariage. À une époque où je m'apprêtais à entamer des études longues en commençant par une prépa, j'aurais préféré peut-être entendre des choses sur le savoir et son rôle dans la foi, sur le rôle des études et de la connaissance dans la vie d'une femme, mais bon, il ne faut pas trop en demander.

Malgré tout, l'année que j'ai passée aux Guides Aînées fut plutôt agréable et se termina ma foi fort bien par un pélerinage entre Pérouse et Assise, qui reste un des événements marquants de ma fin d'adolescence.

La fin de l'année fut marquée par ce qui s'appelle les prises d'engagement chez les Guides Aînées. En gros pour les non-initiés, c'est là où on s'engage à suivre dans toute sa vie les principes scouts (esprit chevaleresque, sens du service, etc, etc). C'est là que ça devient intéressant pour mon propos.

Chez les routiers, la prise d'engagement se fait par un cérémonial magnifique et se termine lorsque le nouvel engagé quitte le cercle où il vient de renouveler sa promesse face aux autres, et part, après avoir reçu un bâton de marche et une bible, seul dans la nuit pour une marche, exercice à la fois physique et spirituel, de plusieurs jours, en solitaire. Les paroles sont belles et solennelles. Elles appellent à l'élévation, au dépassement de soi.

Pour les guides aînées, les filles, donc... la cérémonie est bien plus courte, assez gnangnan et se termine... lorsque les filles se réunissent au coin du feu en veillée prière.

Super, n'est-ce pas ? Excessivement excitant !

Avec le recul, j'ai retiré de cela et de bien d'autres choses, l'idée que le problème, c'est que l'Église ne sait pas trop quoi faire des femmes. Oui oui, je sais bien, la Vierge Marie et les saintes femmes... mais si j'ai bien compris, la Vierge Marie, il n'y en a eu qu'une, il n'y en aura pas d'autres. Et chez les saintes femmes, on met en valeur soit leur martyre (et leur vertu), soit à l'inverse, leur "virilité", chez les abbesses et autres grandes dames (Thérèse d'Avila, Hildegarde de Bingen, etc).


Un autre exemple ? Une fois, un site catho que je ne nommerai pas mettait en lien un site destiné aux femmes catholiques, "Sentinelles de l'invisible". En lien avec la pastorale de l'Eglise sur le rôle des femmes dans la transmission de la spiritualité dans la famille et dans le monde.
Je me suis dit Ah, tiens, chic alors, enfin un truc intéressant, du genre à vous faire réfléchir sur votre rôle de femme. Je trouvais le titre particulièrement bien trouvé.
Ben non. Les Sentinelles de l'invisible, sur ce site, elles s'échangent des tuyaux pour acheter des pelotes de laine 100% coton (qui passent mieux à la machine) et des bocaux de cuisine avec 50% de réduction.

Voilà. Le rôle des femmes, c'est le bon plan tricot et tupperware. Sors pas de la cuisine ma fille, tu vas t'enrhumer le cerveau si tu réfléchis.



Je n'irai pas jusqu'à dire, comme on peut parfois le voir, que les femmes sont des membres de seconde zone de l'Église catholique. N'empêche que. Il y a des choses sur lesquelles ont peut s'interroger.

Quand j'étais petite, je voulais être prêtre. Et puis ma mamie m'a expliqué que je pouvais seulement être religieuse. Mais je veux prêcher, disais-je ! Tu pourras aller en mission en Afrique (ma mamie a connu les colonies, on ne va pas la refaire) ou entrer chez les Ursulines, là tu pourras enseigner. Mais je veux prêcher à l'église, moi. Bah non. Pas touche. Il fallait naître homme.

C'est de la jalousie de bas étage, je vous l'accorde. Qui me travaille lorsqu'il m'arrive de m'ennuyer ferme pendant l'homélie du dimanche, lorsqu'un prêtre aux piètres capacités d'orateur enchaîne phrases pompeuses et vides en guise de sermon, du style curé dans Les Langages hermétiques des Inconnus - "et il n'est même pas fichu de faire trois parties", m'arrive-t-il de grincer avec peu de charité. Car je suis bien consciente de manquer cruellement et d'humilité et de charité en ces moments. N'empêche que le "je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas en faire autant" est une tentation.

De fait, le sacerdoce féminin ne fait pas partie de mes chevaux de bataille. Je préférerais que l'on travaille d'abord un peu plus en profondeur à l'éducation catholique des femmes - un peu plus de mise en avant de l'intelligence, du savoir et de la réflexion (ah, ces gamines qui avouent encore avec fierté connaître le Salve regina par coeur, mais ne comprennent pas le latin) un peu plus de considération pour le travail féminin, un peu moins de gnangnan et un peu plus d'élévation, ce ne serait déjà pas si mal.

Je m'agace régulièrement de certaines personnes qui voudraient absolument faire de l'élevage des gosses la seule gloire d'une femme. Oui, c'est bien, c'est noble, c'est tout ce que vous voulez, mais on peut difficilement dire que c'est franchement excitant pour tout le monde. D'ailleurs, si c'était si épanouissant que ça, la plupart des hommes de familles cathos-BCBG pleins d'enfants (mais pas seulement hein : on peut très bien être un mufle sans cela) se hâteraient un peu plus le soir pour rentrer avant que Madame ne se soit chargée toute seule du bain, des couches, du dîner, du ménage et du coucher.

Ensuite, j'aimerais bien qu'on m'explique en quoi c'est forcément mieux pour un enfant d'être élevé par une mère au foyer qui l'aurait allaité toute son enfance. Que je sache, je ne crois pas que Louis XIV ait été allaité et torché par Anne d'Autriche, ça ne l'a pas empêché 1. d'adorer sa mère et 2. de réussir pas trop mal dans sa vie. Cette configuration, à savoir la mise en nourrice des enfants, concerne l'écrasante majorité des enfants des franges supérieures des sociétés de l'époque moderne (noblesse d'abord, puis bourgeoisie plus ou moins modeste par imitation), et ils n'en sont pas tous morts, pour autant que je sache.
Oui, les médecins et les pédiatres s'accordent à dire que physiologiquement, cela peut être mieux pour un enfant d'être allaité pendant au moins six mois après sa naissance. Pour la mère, cela participe aussi de sa récupération (perte de poids, etc). Mais pour celles qui n'ont pas de lait ? Qui ne veulent pas (ne peuvent pas) allaiter ? On a toujours su se débrouiller autrement sans engendrer de catastrophe démographique, alors foutez-nous la paix avec ces histoires d'allaitement et de mère au foyer.

Enfin, beaucoup de femmes font des études. Ce n'est pas pour se retrouver aide-ménagère gratuite. Dans mon entourage, il y a des femmes professeurs de lettres classiques, ingénieurs, polytechniciennes, médecins... qui veulent avoir des enfants, les éduquer, en faire des êtres à part entière avec des valeurs, de la culture... mais qui n'ont pas forcément l'intention de renoncer aux plusieurs milliers d'euros par mois auxquels elles peuvent aspirer. Beaucoup disent que c'est de l'égoïsme de mères dénaturées. Et là non plus, je ne vois pas bien ce que vient foutre l'amour maternel là-dedans.

Pour ma part, je travaille pour l'argent, comme tout le monde, en fait. Si je pouvais être rentière, croyez-moi, je serais la première à ne plus en foutre une rame. Sauf que je ne me transformerais pas, je ne me transformerai jamais, en aide-ménagère gratuite. Car je ne considère pas que changer des couches et faire des lits soit une vocation et une fin en soi. Que ça soit essentiel et qu'il faille bien en passer par là, d'accord. Que l'on veuille y échapper si on en a la possibilité ne me paraît pas être le comble de la monstruosité.


Malheureusement, quoi qu'on fasse, on fera le mauvais choix. Tu veux t'arrêter de travailler ? Tu es une feignasse attardée entretenue par un homme. Tu veux faire des enfants, prendre ton congé maternité ? Tu es une traître à la cause, une pondeuse indigne du monde du travail. Tu veux travailler alors que tu as des enfants ? Tu es une salope égoïste, une mauvaise mère, tes enfants finiront drogués et prostitués, voire pigistes au Monde diplomatique.

Mais merde à la fin. On ne peut pas avoir le choix ?





lundi 18 octobre 2010

Les romans facebook : Quatuor, de Vikram Seth.


Comme je n'ai jamais pu emprunter Un garçon convenable, de Vikram Seth, que tout le monde m'avait conseillé - manifestement très demandé à la médiathèque de la banlieue pour riches - j'ai fini par m'emparer de Quatuor, du même.

Je n'aurais pas dû car je me suis considérablement ennuyée à lire les déboires d'une tête de con de violoniste pénible et hystérique, qui a plaqué dans sa jeunesse sa bonne amie (pianiste de son état) - d'une manière infiniment élégante, à savoir ne plus donner de nouvelles du jour au lendemain, et la retrouve dix ans après, mariée - c'est pas de chance.
La tête de con hystérique essaie de recoller les morceaux mais évidemment, ça rate - car la dame trompe joyeusement son époux et puis finalement s'en veut - et un peu de culpabilité judéo-chrétienne à deux roubles pour pimenter tout ça. Un peu de Guide Bleu, aussi - ça se passe à Venise à un moment. Et en plus, la pianiste est devenue sourde - et un peu de tragédie racinienne pour nous faire gober que c'est d'la grande littérature, ça, madame.

Le tout pour faire savant croule sous les termes techniques les plus raffinés, parce que l'auteur veut nous expliquer qu'il a lu La musicologie pour les nuls. J'ai lu après coup que le bonhomme avait (ou avait eu, j'ai pas bien compris) un compagnon musicien, ça doit être un traumatisme fondateur.

Je connais mal le milieu de la musique. Je connais très mal la musique en général, et c'est pas faute d'avoir tapé sur un piano du CP à la Terminale, avec des résultats assez peu glorieux, il faut bien le reconnaître. Aussi les déboires d'un quatuor qui se demande s'il vaut mieux jouer du Schubert en ut bémol majeur avant du Beethoven en la majeur m'ont-ils laissée totalement froide. Et la représentation des musiciens soit homosexuels pénibles et pleurnicheurs (sur le coup je me suis demandée si le type avait déjà rencontré un homosexuel dans sa vie, c'était avant que j'apprenne qu'il l'était lui-même, ce qui n'a pas laissé de me surprendre) soit hétérosexuels pénibles et pleurnicheurs, suffisamment exaspérante pour avoir envie de souffler au personnage principal quelque chose comme "mais on s'en fout, mon brave".

Pourquoi parlais-je plus haut de "roman facebook" ? C'est parce que ce genre de bouquins où on ne comprend pas pourquoi les gens se déchirent, se réconcilient, s'engueulent, s'adorent, se trompent ou couchent ensemble, me fait penser aux conversations de jeunes gens dans le métro, à base de textos, de statuts facebook et d'envois d'e-mails aux enjeux infiniment compliqués. Et à les écouter, vous ne parvenez pas à comprendre pourquoi tel statut facebook a entraîné une brouille mortelle, une rupture ou une coucherie. D'ailleurs vous ne voyez même pas le rapport entre ledit statut et ce qui s'est ensuivi, mais manifestement, tout ça est très grave.

Ou débile et dérisoire.

Eh bien voilà. Je n'ai pas compris pourquoi jouer La Truite et l'Art de la fugue étaient aussi importants pour cette histoire d'adultère - et en plus, je m'en fous. Je n'ai pas compris pourquoi on passait, au détour d'une phrase anodine, de l'adultère passionné à la culpabilité déchirante. Pourquoi à la page 245 on se roule des palots dans une église vénitienne, et à la page 246 on pleure sur son cas et on décide de rompre. Et je n'ai pas compris pourquoi c'était grave, du reste.


Ou alors c'est juste que les gens sont tous pénibles et pleurnicheurs ?

ça expliquerait pas mal de choses sur ce que j'entends quand j'ai les oreilles qui traînent dans le métro.

lundi 27 septembre 2010

Juste pour prévenir mais en vrac, hein.





Nous sommes présentement en vie et en train de faire de la peinture dans l'appartement dont nous sommes heureux propriétaires depuis une semaine.

Si quelqu'un a un truc pour enlever la peinture des cheveux (autre que "tu les rases", merci bien), je suis preneuse. Et aussi pour la peinture sur les sacs à main en cuir, les chaussures et les jeans.


Sinon, j'ai feuilleté La Carte et le Territoire de Houellebecq et ça m'a permis de rattraper quelques heures de sommeil en retard. Voilà plusieurs années, depuis la fois où j'ai lu Plateforme (en terminale ou environ), que je me demande bien à quoi ça rime, cette affaire.

Aussi emprunté les oeuvres complètes de PG Wodehouse à la bibliothèque, et ça me fait encore plus rigoler que Saki, c'est dire si c'est de la bonne came. On s'y pose notamment la question de savoir s'il est possible de séduire une fille en imitant la poule qui pond un oeuf, ou bien en avançant le fait de posséder la plus belle collection de chaussettes de Londres.



Entendu au monoprix de la banlieue pour riche :
- eh vazy putain t'as encore séché hier gros batard t'es vraiment génial toi ! (de la part d'une jeune fille aux yeux enamourés devant son boutonneux soupirant).
- Ah ta prof elle me saoule avec ses fourniture scolaires, elle est trop conne, j'espère qu'elle nous fera pas chier pendant le reste de l'année (de la part d'une mère de collégiens, manifestement très BCBG, mais qui a dû oublier les règles élémentaires du discours en public.).

Il fut un temps où c'était un peu la honte de sécher les cours. Un peu la honte d'être un cancre. Il fut un temps où l'on ne se permettait pas d'agonir d'insulte un professeur devant sa propre progéniture.
Maintenant, c'est une gloire de ne pas mettre un pied à l'école. Et le je m'en foutisme généralisé est soigneusement encouragé par des parents dont l'unique but semble être de défendre leurs malheureux rejetons torturés par ces gros nazis de profs. Cela ne m'étonnerait guère, du reste, d'apprendre que la dame sus-citée s'est un jour précipitée à une réunion parents-professeurs pour glapir que son chérubin est malheureux, et n'apprend rien, parce que les enseignants sont nuls et n'ont pas d'autorité.
Il faut dire que la dame fait tout ce qu'il y a en son pouvoir pour contribuer à asseoir l'autorité du professeur, cela va sans dire. Ce sera sûrement la même qui écrira un mot au professeur pour lui dire que Chouchou n'a pas fait la punition car elle estime excessif de devoir copier cent lignes pour avoir cogné son camarade et traité le professeur de tous les noms d'oiseaux.

Si ce genre de choses se voit dans la banlieue pour riche dans le lycée privé pour riches de la même ville, je vous laisse imaginer à quoi cela doit ressembler dans les collèges pourris de banlieue...





Et puis, quelques petites photos d'Espagne, comme il fait un temps pourri dehors, ça sera toujours ça de lumineux sur vos écrans - du moins sur le mien, ce qui n'est déjà pas si mal.

Bonne semaine !








Le jeu consiste, comme l'autre fois, à trouver de quoi qu'il s'agit sur les photos. Il y a du facile et du moins facile. Pour la troisième photo, c'est très très facile, c'est écrit dessus, avis aux paléographes épigraphistes et latinisants.

samedi 11 septembre 2010

Quand la crétinerie est reine...

Grâce à un blog de Grincheux, j'ai découvert l'existence de ça.

http://www.christ-roi.net/index.php/Accueil

Pour la petite histoire, il paraît que c'est tenu par des types de la fraternité Saint Pie X.

Ma première réaction : "mais LOL quoi !", comme dit ma petite soeur.

Ma seconde réaction : "tiens, allons quand même voir de plus près trois minutes". Evidemment, je suis allée explorer la partie sur "l'étendard du Diable" parce que quand même, ça avait l'air vachement plus rigolo.

Le prurit historien m'ayant démangée, j'ai bien évidemment cliqué sur "mythes historiques". Et là, surprise, j'ai découvert un catalogue de lutte façon "historiquement correct", vous savez, le machin publié par Jean Sévillia. Avec, dedans, un petit truc sur l'Affaire Galilée.

Ah me dis-je, ils sont peut-être un peu moins abrutis qu'ils n'en ont l'air, ces malheureux. Si ça se trouve, il y a des choses intéressantes dedans. Peut-être même un résumé du Galilée hérétique de Pietro Redondi.
Pour ceux qui ne l'ont pas lu (et c'est très mal), Redondi montre que la condamnation de Galilée est une affaire théologique mais surtout politique, liée aux angoisses de la papauté dans les années 1630, quand les armées protestantes de la guerre de Trente Ans commencent à infliger de sérieuses déculottées aux armées catholiques - heureusement que ça n'allait pas durer, du reste, et que cet affreux de luthérien qu'était Gustave Adolphe a fini par mourir sur le champ de bataille.
Les thèses de Redondi sont passionnantes même si parfois à nuancer.


Alors, que disent nos amis de l'étendard du Christ Roi ?

Eh bien que Galilée, finalement, sa condamnation par le Saint Office, il l'a bien pris en travers de la gueule, ce sale hérétique, surtout qu'en plus, eh bien, il faisait rien qu'à dire des trucs faux.
Je les cite :


"
Galilée fut condamné pour avoir affirmé qu'il avait prouvé la théorie copernicienne, la rotation circulaire uniforme de la terre autour du soleil. Théorie qui est fausse : comme nous le savons aujourd'hui, la terre effectue un mouvement d'ellipse à vitesse variable autour du soleil.

Détails sans importance ?

1. Il se trouve que ce mouvement en ellipse est le seul qui explique les aberrations du système copernicien. Aberrations qui étaient déjà connues à l'époque.

2. De plus, ce mouvement en ellipse, l'astronome Kepler l'avait déjà découvert par des calculs, et l'avait même communiqué à Galilée ! Mais celui-ci, du haut de sa superbe, ridiculisera cette découverte capitale, pour maintenir sa rotation circulaire uniforme, prouvée selon lui par le phénomène des marées. Preuve qui, elle, est totalement fausse, comme on le savait également à l'époque. Kepler d'ailleurs avait aussi donné la véritable explication des marées, liées à l'action conjointe de la lune et du soleil."


Passé mon premier mouvement d'étranglement, je me suis bien fendu la pêche, quand même.

D'abord devant ma naïveté : ces types-là sont bien évidemment incapables de lire, je ne dis même pas de comprendre, les thèses de Redondi. En revanche, ils restent bien les rois du pinaillage et de la chicane de mauvaise foi. On dirait moi, lorsque dans une route de montagne paumée, je m'évertue à faire croire à l'Époux que c'est pas moi qui sait pas lire une carte, que c'est lui qui, tout à l'heure, roulait sur la voie de droite alors qu'on aurait dû rouler sur la voie de gauche, et que donc, bon, il m'a induite en erreur, et qu'en plus les routes espagnoles sont super mal indiquées.

Ou un peu comme quand certains, quand vous avancez que Jean Paul II a dit un truc qui va plutôt dans tel sens (qui ne les arrange pas), vous rétorquent d'un air pincé que "ah mais le catéchisme de Jean-Paul II n'est pas infaillible, alors tout pape qu'il ait pu être, ça compte pour du beurre". Et toc.


À mesquin, mesquin et demi. J'ajouterai à mes remarques que

- on n'emploie pas le futur en histoire.

- justement, on évite d'avoir des considérations du style "... comme on le sait aujourd'hui". Ben eux, ils ne le savaient pas, 400 ans avant nous. C'est bien de faire les malins quand on connaît la fin de l'histoire, mais est-ce vraiment une preuve d'intelligence ?

- et qu'enfin, instiller des expressions du style "du haut de sa superbe", montre que vous portez un jugement de valeur, ce qui n'est pas davantage une manière intelligente de faire de l'histoire. Certains se sont fait coller à l'agreg pour moins que ça.


Oui, je sais. "mais pourquoi tu te fatigues à en parler, si c'est si nul que ça".


Parce que mes têtes de Turcs favorites sont inépuisables, et c'est réjouissant.




vendredi 10 septembre 2010

La photo ! la photo !



La photo de l'autre jour a donc été prise face à ça :



(qui est la cloche mise en place en 1492 pour marquer la fin de "777 ans de présence arabe" en Espagne - m'est avis que s'ils avaient pu mettre 666, ils auraient été encore plus contents, mais bon)

cloche qui se trouve en haut de ça :





Vouaye. L'Alhambra, c'est bien chouette quand même.



même si on n'a pas des masse aimé de devoir se lever à 6h pour faire la queue dès 7h pour rentrer à 8h30 dans le Saint des Saints, aussi par la présente, je voue aux gémonies le conservateur débilissime qui a eu l'idée de la limitation des places à 7700 par jour, avec entrées par tas de 250 dans les palais nazaris : pour vous bousiller le plaisir d'une visite en vous coinçant dans des hordes de touristes, y'a pas mieux.








lundi 6 septembre 2010

De retour.




Aha, je suis sûre que tout le monde a cru que j'avais disparu.

En fait, non, j'étais en vacances. Trois semaines, oui madame, oui monsieur. Avec l'Époux pour moi toute seule, sans avoir à le partager avec le Grand Kapital.

Nous fûmes en Espagne et nous arpentâmes, au grand désarroi de nos arpions, la Castille et l'Andalousie.

J'en ai récolté plein d'idées mais comme elles sont encore fumeuses, je les garde pour moi afin de les mettre en forme dignement d'ici peu.

Sur ce, j'ai plein de travail et des powerpoints d'histoire contemporaine (la bonne blague) à terminer donc allez plutôt lire les derniers et passionnants billets de la Souris des Archives.

J'ai dit.



(et pour les rusés, un petit jeu : devinez où cette photo a été prise. D'ici à ce que quelqu'un trouve, j'ai le temps de pondre mon Expérience de la Mélancolie sur l'Escurial)



mercredi 11 août 2010

Un dernier avant la route (des vacances).

Je suis littéralement avalanchisée de travail en ce moment (et je fais des trucs qui m'étonnent moi-même, notamment préparer des cours sur la bipolarisation du monde au XXe siècle, et trouver ça intéressant) donc peu présente, mais avant de partir en vacances, je ne puis m'empêcher de vous livrer ceci :

http://odieuxconnard.files.wordpress.com/2010/08/finalfbhr.jpg


évidemment, c'est à commencer par en bas.




vendredi 6 août 2010

Lectures et notes sur icelles.

- Amis de la BnF (et spéciale dédicace à la Souris des Archives qui y passe ses journées en ce moment), voici LE polar fait pour vous : La Tour des Temps, de Thierry Grillet. Vient de sortir et a l'heur et l'avantage de se dérouler dans les couloirs de la Grande Bibliothèque François Mitterrand - si, vous savez, cette bibliothèque qui ressemble à une plateforme pétrolière au Kazakhstan... L'intrigue en soi n'est pas foncièrement trépidante même si la recette est efficace (des fantômes, des meurtres, un livre de divination du XVe siècle qui disparaît) mais les descriptions des rondes de nuits des vigiles dans les salles de lecture sont vraiment bien fichues. On y parle même des Globes de Coronelli, c'est dire !
Dommage seulement que l'auteur se fiche un peu du monde en n'explicitant pas à la fin un certain nombre d'éléments, mais bon...


- Amis du bon polar américain, le dernier Preston & Child est sorti ! Valse Macabre, de son petit nom. Il est bien évidemment excellent, comme tous les autres, que je vous recommande chaudement si vous vous ennuyez.
Autre excellent polar, Les Visages, de Jesse Kellerman. Une histoire de dessinateur génial disparu en laissant derrière lui une oeuvre dans laquelle on reconnaît les portraits d'enfants assassinés quarante ans plus tôt... le galeriste qui découvre l'oeuvre enquête et c'est, ma foi, plutôt réussi.

Apparté sur les polars. J'en lis beaucoup, et, chose qui paraît souvent étrange à mes interlocuteurs, j'en relis beaucoup également. Inconvénient : à force, on finit par s'agacer de certaines tentations des auteurs, auxquelles ces derniers cèdent un peu trop souvent, surtout ces derniers temps. Parmi lesquelles :
- le recours au flash-back, solution de facilité destinée à faire croire que tout ça est une affaire profondément enfouie, terrifiante, les racines du mal, tout ça. Les deux romans cités ci-dessus (ainsi que beaucoup d'autres dernièrement lus, en particuliers ceux de la suédoise Camilla Läckberg) s'en servent abondamment et paresseusement. À la longue, c'est irritant parce qu'on se dit que c'est pour les auteurs un moyen facile de contourner la difficulté qu'il peut y avoir à relater la découverte de certains éléments du passé qui jouent dans l'affaire à résoudre. En gros, c'est au lecteur de se démerder pour comprendre comment tout ça est lié et comment l'enquêteur fait le lien. Moi je dis, c'est juste de la flemme d'écrivain.
- la tendance à tout ramener à un passé en général sordide, avec inceste, pédophilie, homosexualité ou Shoah - si vous avez réuni les quatre, vous gagnez une boîte de Smarties. Le plus triste étant que manifestement, l'auteur est super fier d'avoir trouvé le truc, alors qu'il n'est qu'un de plus dans la longue lignée. Encore que Thierry Grillet, lui, fasse l'effort de se rattacher certes à la Shoah, mais à un épisode assez peu connu, à savoir l'existence du camp de prisonniers juifs tout proche de la gare d'Austerlitz, destiné au triage des objets issus du pillage des biens des juifs. J'imagine que tout ça est destiné à rajouter une dose de tragique, mais l'effet de mode est légèrement crispant à la longue.

Fin de l'apparté. Notez seulement que Preston & Child ne tombent pas dans ces pièges, ce qui prouve la supériorité de leurs thrillers, quand même.


- Loin de la foule déchaînée, de Thomas Hardy. Objectivement, je me suis un peu ennuyée. Moins que dans Jude l'Obscur où là, j'avais surtout envie de balancer des claques à cette grosse pouffe de Sue et à Jude-la-lavasse ("oh marions-nous ! - oh non ! - oh si ! - je vais en épouser un autre - ok - ah mais finalement je le quitte - oh marions-nous ma chérie ! - bon mais à la mairie seulement - non finalement à l'église seulement - oh puis finalement ne nous marions pas - oui ma chérie ! - je ne sais pas ce que je veux et je suis une chieuse" - on avait compris, merci). Loin de la foule déchaînée - j'ai pas bien compris l'intérêt du titre vu qu'il n'y a ni foule ni déchaînement, même éloigné, c'est Autant en emporte le vent, sauf que la fille est moins piquante et que ça finit bien. Et que ça se passe en Angleterre donc il n'y a pas de guerre de Sécession.


- Les Grandes Espérances, de Charles Dickens. J'aime beaucoup Dickens en général. Dommage que le récit soit ici un peu plus en roue libre qu'ailleurs (David Copperfield ou Oliver Twist) mais manifestement, Dickens s'est bien plus amusé à décrire des personnages tous plus farfelus les uns que les autres.


- Les Thibault, de Roger Martin du Gard. Grosse révélation. Emprunté à la bibliothèque en me disant que "au moins, maintenant, je saurai ce qu'il y a dedans au lieu d'en parler sans l'avoir lu, comme en classe prépa", je l'ai lu d'une traite en une semaine. Lecture éprouvante, notamment le livre sur La mort du père, mais aussi l'été 1914 et la fin du bouquin, long journal de l'agonie d'un homme gazé pendant la guerre. Dommage que le récit de l'été 1914 soit plombé par les loooooooongues considérations et dialogues entre socialistes grand teint (pur jus, ne rétrécissant pas au lavage) sur l'Internationale et le refus de la guerre, mais dans ce cas-là, j'ai une technique infaillible : je saute des pages jusqu'à ce que le blabla se termine et qu'on repasse aux choses sérieuse.
Ce qui m'a amusée, c'est de me dire qu'à 15 ans, j'aurais de loin préféré le personnage de Jacques, l'enfant terrible, le rebelle, le socialiste, le pacifiste, l'amoureux torturé. Là, il m'a surtout semblé pénible et extrêmement prétentieux, finalement, tandis que j'ai été profondément touchée par le personnage d'Antoine, le médecin athée, rationaliste, dévoué à sa cause, terriblement humain. Le passage où Antoine dialogue avec l'abbé Vécard sur la question de la foi est un très, très grand moment dont je reparlerai probablement.


Voilà ! Si vous avez des idées - sachant que je ne lis pas d'essais (je lis assez de machins sérieux comme ça dans mes journées) et qu'il me faut des trucs longs qui me durent plus qu'une soirée... je suis preneuse ! et merci d'avance :)

mercredi 28 juillet 2010

L'expérience de la mélancolie. La route du col de Larche.


Il se trouve que de ma naissance et jusqu'à mes dix-huit ans, j'ai passé la quasi-totalité de mes vacances dans la vallée de l'Ubaye, été comme hiver. L'hiver, j'ai eu le grand désarroi d'être contrainte par mes ascendants à faire du ski, ce qui n'a eu pour résultat que de me faire prendre en profonde horreur tout ce qui touche aux "sports d'hiver" (que voulez-vous, je n'aime pas avoir les pieds froids, et en outre je n'aime pas le concept de sport en général).

L'été a été en revanche source d'inépuisables joies. Randonnées en montagne, visites diverses et variées, escalade et baignades dans les lacs de montagne - vous savez, là où l'eau est à moins de quinze degrés.
Aussi ai-je une totale méconnaissance des joies de la station balnéaire. En revanche, je pense avoir vu plus de marmottes et de chamois que quiconque - montagnards résidents exclus, bien entendu, sinon ça ne vaut pas.
Un jour, je vous parlerai aussi du bonheur qu'il peut y avoir à quitter un sentier sur la pointe des pieds, sur l'injonction du Père, ancien chasseur alpin, un doigt sur les lèvres, pour aller s'accroupir un peu plus loin et surprendre, derrière un talus que les touristes habituels n'ont même pas idée d'aller voir, une colonie de marmottes en train de s'ébattre.

Je suis infichue de conduire sans me perdre en Ile de France, en revanche, je connais toujours par coeur, au virage près, la route qui va de la vallée de l'Ubaye en Italie, en passant par le col de Larche. Petite route sinueuse autrefois bien plus stratégique que l'autoroute qui passe sur la côté. La gloire locale est de dire qu'Hannibal est passé par là avec ses éléphants. Ce n'est pas vrai, mais en revanche, François Ier et Napoléon, eux, sont bien passés. Quant à la vallée, elle a été hautement mise en valeur aux glorieuses heures de Vauban puis de la ligne Maginot. On peut encore visiter ces énormes forts-bunkers, derniers bastions quasi-inexpugnables des Allemands au printemps 1945.

Allemands qui ne se gênèrent point pour raser les villages et hameaux environnants lorsqu'ils décidèrent de rentrer chez eux. Sur la route du col de Larche, on traverse encore des villages en ruines, comme Certamussat, dont il ne reste que la petite chapelle et le cimetière, parce que personne n'a eu le courage de reconstruire.



Le col de Larche n'est guère plus riant, de même que la descente vers l'Italie, une fois le col passé. Les plaies de la guerre sont encore visibles dans les ruines des maisons abandonnées et des villages martyrisés.



Quand vous êtes sur cette route, tôt le matin ou tard le soir, vous êtes seul. En hiver, vous n'êtes clairement pas le bienvenu. Les rares tentatives de construction de station de ski ont avorté, et rien n'est plus triste de voir les pylones de remontées en train de rouiller, et le seul hôtel construit abandonné.


Ces paysages de montagnes mal connues, mal aimées - pas assez glamour pour les Parisiens qui veulent leur dose de neige et de fun et se fichent totalement de la montagne le reste du temps - sont de loin les plus tristement beaux que je connaisse.

mardi 20 juillet 2010

L'histoire à l'école, une affaire de modes.





Encore une fois, les vertueux connaisseurs ayant une Certaine Idée de la France poussent les hauts cris. Voyez-vous, c'est que les programmes d'histoire-géo sont manipulés par les vilains gauchistes, corps professoral compris. Ces derniers voudraient qu'on cesse de voir Louis XIV et Napoléon en cours et qu'on les remplace par l'étude du Sichuan et du Monomotapa, qu'on zappe la guerre de Sept Ans au profit des traites négrières. Les petits canaillous.

Oh, je ne vais pas vous faire une liste de liens, mais cherchez un peu sur internet, vous trouverez votre bonheur en matière de déploration sur le cadavre de l'histoire à l'école.

De l'autre côté du pont, on glapit parce que les manuels scolaires seraient discriminants : pas assez d'Indigènes de la République, pas assez de demande de pardons, pas assez de pleurs et de grincements de dents sur l'esclavage.


Lamentations d'Artémise sur un paquet de copies.


Parlons peu, parlons bien. Comme je l'ai déjà raconté il y a peu, pour des raisons un peu compliquées, je travaille en ce moment avec abondance de manuels du secondaire - donc seconde, première et terminale, toutes sections confondues.

Eh bien, je maintiens que beaucoup de manuels sont bons et amibitieux. Oui. Je suis désolée, mais j'irais même jusqu'à dire que certains sont excellents. J'ai sous les yeux celui de chez Hatier, pour les classes de première, et je maintiens qu'il est intelligent, fin et ambitieux. Abondamment illustré, et à bon escient. Posant des questions justes sur l'Europe du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale, sur l'âge industriel, sur le travail, sur les échanges, sur la colonisation, sur les nouvelles cultures politiques.

Savez-vous, ce n'est pas facile de faire entrer dans le crâne d'un gosse de 16 ans, ce que c'est qu'une culture politique. Le travail à l'heure de l'industrialisation. Les pesanteurs et les archaïsmes face à la modernité. Ce que c'est que la République au XIXe siècle. Le nationalisme en Europe. L'essence du totalitarisme.

Oui, le programme est ambitieux. Et oui, il met de côté les aspects chiant-tifiques, et ce parce qu'honnêtement, les dates des batailles de Napoléon, on s'en tamponne le coquillart. Allez, j'avoue, moi aussi je vérifie régulièrement mes dates de la guerre de Trente Ans, afin d'éviter l'anachronisme flagrant qui guette tout thésard. Je ne les connais pas par coeur et je pense qu'il est plus important, par exemple, de poser des questions du style "qu'est-ce que le roi de guerre au XVIIe siècle ?", plutôt de se contenter de faire de la chronologie de la guerre de Dévolution à nos mioches. De même, peut-être est-il plus important que les lycéens planchent sur "l'âge d'or de l'impérialisme colonial : qu'est-ce que la domination européenne", plutôt que de leur asséner la liste des pitoyables aventures de Napoléon III - ce grand comique devant l'éternel.

Et à ceux qui glapissent que le programme est discriminant, que c'est pas assez coloré et trop "petit blanc", je me contenterai de dire que si vous pensez qu'on ne vous a jamais parlé des tirailleurs sénégalais, c'est juste que vous avez séché vos cours d'histoire, parce que les tirailleurs sénégalais, c'était déjà dans le manuel d'histoire de ma mère dans les années 1970, alors vous êtes gentils, vous retournez réviser avant de vous plaindre. Non mais ho.

Enfin, soyons honnêtes : oui, l'histoire est utilisée, manipulée, par l'éducation nationale. Sans blagues : mais que croyez-vous ? Qu'elle n'était pas manipulée, avant mai 68 ? Vous savez vraiment à quoi ça ressemble, un manuel d'histoire de l'entre-deux-guerres (sans même parler de ceux d'avant 1914) ? Vous en avez déjà vu un ? ça consiste essentiellement à montrer que depuis Charlemagne, il y a les bons (les Français) et les vilains (les Allemands), et que l'Alsace, au milieu, elle appartient aux gentils, pas aux méchants. Ah, bien sûr, il y en a, de la chronologie, de l'anecdote truculente... N'empêche que le principe est le même : tout enseignement de l'histoire est toujours un effet de mode.
Oui, en ce moment, c'est le Sichuan et le Monomotapa.

Ne me faites pas rigoler avec l'Identité nationale. Les élèves ne connaîtraient plus leur histoire, ça les empêcherait d'être des bons français ?
Je me permets de vous rappeler que ceux qui sont morts pour la France en 1914 et suivantes, j'suis pas sûre qu'ils auraient tous réellement su placer dans l'ordre François Ier, Charlemagne, Napoléon et Jules César.

Et puis, à ce rythme-là, on devrait expulser de France tous les historiens qui travaillent sur d'autres pays, parce que c'est des traîtres vendus à l'étranger ? Tant qu'on y est, hein.


Alors oui, les programmes, même s'ils parlent du Sichuan et du Monomotapa, sont ambitieux, car l'enseignement de l'histoire n'a rien à voir avec l'Identité nationale - déjà qu'on ne sait même pas ce que c'est c'te bête-là...
L'enseignement de l'histoire dans le secondaire, c'est la formation de l'esprit critique et la sensibilité au passé. Pour moi, c'est toute l'histoire de l'humanité qui m'émeut. Les Assyriens comme Napoléon. Le Néolithique comme les Lumières. La mort de Louis XIII autant que les récits de l'arrivée des Croisés par les Orientaux. Je n'ai, finalement, que faire des gloires militaires françaises, si elles ne doivent prouver que le génie d'un pays.

Alors, pourquoi pas le Sichuan et le Monomotapa ? Si c'est bien enseigné, que les bonnes questions sont posées, que les bons documents sont étudiés, pourquoi cela ne serait-il pas profitable à la formation des jeunes esprits ?


Mais, m'objecte-t-on, les élèves ne connaissent plus l'histoire de France ! Par la faute des immondes gauchistes, ils ne connaissent plus l'histoire de leur pays.

Bah oui, ça, évidemment. Mais ça, c'est parce que, encouragés à ne rien foutre par leurs parents qui préfèrent "leur épanouissement personnel au bourrage de crâne", les petits chenapans n'en branlent plus une en général. Remarque à portée générale qui vaut autant pour les dates des batailles de Napoléon que pour les tables de multiplication.

Oui, je sais, mais que voulez-vous, je n'aime pas cette engeance qui s'appelle les parents d'élèves. N'en étant pas encore une, j'en revendique le droit.


Mais si c'est vraiment pour l'identité nationale, hein, allez-y, indignez-vous et menacez de mettre vos moutards dans le privé. Où, de toute façon, soit ils auront les mêmes bouquins que ceux du public, soit ils auront les vieux manuels de l'ère Giscard et là, je les plains, parce qu'ils ne vont pas rigoler tous les jours.

Mais pardon, j'oubliais, c'était mieux avant.





lundi 19 juillet 2010

Dormir, mourir, rêver peut-être.


Encore aujourd'hui, à la radio, j'ai entendu parler de la volonté de certains de "lever le tabou sur l'euthanasie". Comme d'hab', pour et contre s'étripent sans réfléchir, servant l'un comme l'autre les exemples les plus terribles, les plus pathétiques, pour dire tout et son contraire.

Ce qui me surprend, dans tout ça, c'est la profonde naïveté du débat - déjà qu'en soi je ne considère pas que le "débat" soit chose forcément positive...

On veut une loi. On veut l'abrogation d'une loi. On veut "combler un vide juridique" (ah, cette expression qui fait hurler à la mort les juristes...).

C'est bien beau tout cela. Ces prétendues associations de "droit à mourir dans la dignité". Ces vertueuses indignations contre la "culture de mort". Mais, mis à part déballer de façon assez peu pudique des vies privées de gens qui n'ont rien demandé (ou au contraire, demandent un peu trop à être mis sur le devant de la scène, dans certains cas, allez savoir ?), c'est encore la preuve que le "débat d'idées", tellement à la mode aujourd'hui, n'a aucun sens.

Vouloir "ouvrir le débat" sur l'euthanasie, c'est découvrir que le feu ça brûle et l'eau, ça mouille.

J'avais déjà fait un bout de réflexion du temps que mon snobisme téléramesque me poussait, à 18 ans, à regarder des trucs du Cinéma de minuit, sur la 3 (le snobisme téléramesque, je l'ai toujours, mais comme je n'ai plus la télé, ça limite les occasions de le manifester). Une fois, je suis tombée sur un film avec Fernandel. Pour une fois, c'était du Fernandel pas marrant, où le grand homme jouait un type dont la femme, atteinte d'une maladie incurable, supplie son époux de la tuer. Le type s'exécute mais la famille refuse d'en entendre parler. Quand le type va jusqu'à s'accuser publiquement, dans le but d'expier juridiquement le crime qu'il a commis, la famille tente de le faire enfermer.

1950, hein, le film. On disait quoi, déjà, sur ce débat, qu'il était "signe de notre époque" ? Brûlant d'actualité ? En outre, film tiré d'un bouquin écrit en 1939 et 1940.

Parce que ce vieux film de 1950 dit exactement ce qu'il y a à dire de l'euthanasie : oui, cela existe. Mais s'il s'agit toujours d'un drame, la société n'en veut pas sur la place publique. Et du reste, il n'est peut-être pas bon de vouloir à tout prix en faire une affaire publique.


Mes humbles réflexions ont été complétées par ma sortie toute récente de la lecture des Thibault, de Martin du Gard. Pour ceux qui ne savent absolument pas ce qu'il y a dans le bouquin, très rapidement, il y a deux frères, un médecin, Antoine Thibaut, et son frère, Jacques, un bon à pas grand chose mais socialiste et révolutionnaire. À plusieurs reprises, dans les scènes où intervient Antoine, il apparaît clairement que l'idée d'abréger les souffrances de certains malades par une piqûre létale, est parfaitement admis par les médecins, mais même plus généralement par la société. Antoine injectera une dose mortelle à son père - comme il se suicidera, pour abréger ses souffrances à lui, gazé pendant la Grande Guerre.
Ce qui m'a frappée dans la scène où Antoine tue son père (ne soyons pas naïfs : bien sûr que l'euthanasie est un meurtre), c'est que si l'acte se fait hors de la vue du personnel de la maison, il me paraît assez peu vraisemblable que les gens ne se doutent pas de ce qui vient de se passer. Ben tiens, l'instant d'avant il n'était pas frais, certes, mais vivant, et juste après que le docteur s'est retrouvé seul avec lui, il est mort ? Tout le monde sait parfaitement quel a été le geste d'Antoine, fils et médecin.

Et pourtant, personne n'ira protester contre ce qui s'est passé et qui restera dans le secret de la famille - et, peut-être, un moment douloureux dans la conscience d'Antoine (qui du reste ne semble absolument rien regretter).

Allez, pour mémoire, "La mort du père", vol. 6 des Thibault, 1929. Hein, quoi, "question d'actualité" ?



La seule chose qui soit d'actualité sur ce thème, c'est la crispation. La volonté de déballer. De nous raconter des histoires plus dégueulasses les une que les autres - comme si la dégueulasserie de la vie de tous les jours ne suffisait pas. De traîner des gens devant les tribunaux, ou de s'ériger en apôtre du Bien sous prétexte qu'on vend à des désespérés des petites pilules qui font mourir relativement rapidement. De réclamer. De faire d'une question de liberté individuelle une affaire de lois - en niant, de l'affaire, la liberté des individus et des familles.

Aussi, faut-il autoriser l'euthanasie ? Non. Mais faut-il vouloir dénoncer, durcir la répression de celle-ci ? Je ne crois pas.

Je crois que les choses étaient plutôt bien faites au temps de Martin du Gard : on savait, on n'était pas dupe, mais de là à ce que la Société intervînt dans l'intérieur des chambres de mourants et des consciences...


Malheureusement, au nom du Bien dont divers camps se disputent l'interprétation, la liberté s'amoindrit. Et ça, c'est vraiment d'actualité.

Et le gros avantage de penser à se tourner vers le passé, ça permet de comprendre notre vraie nature. Non, nous ne sommes pas si actuels, si modernes, que nous croyons. Sur la liberté, sur la vie et sur la mort, personne n'invente rien - ou si rarement...



J'aurais bien, du reste, des parallèles à faire avec la question de la burqa : au nom d'un Bien, on se mêle de ce qui ne nous regarde pas. J'en aurais même avec l'avortement, mais comme mes idées sont encore fumeuses, je les garde pour moi, excusez.Pour vous la faire courte et afin que les "pro-vie" comme les pro-euthanasie ne me tombent pas sur le râble en réclamant que je me positionne, je clarifie : en tant que catholique, je crois au péché et au libre arbitre. Pour moi, l'euthanasie est un meurtre, donc un péché, point. Pas à tortiller des plombes là-dessus. Mais que c'est le libre arbitre, et lui seul, surtout pas une loi, qui doit me faire aboutir à un choix. Et en tant qu'épouse de juriste, je commence à comprendre des trucs sur le droit, et j'estime que pour le moment, les choses ne sont pas si mal foutues que ça. Pour les catholiques comme pour les autres.



jeudi 15 juillet 2010

La neutralité en histoire.


Si vous êtes historien et que vous avez un tant soit peu de reste de vie sociale, il doit vous arriver de temps à autres d'être invité chez des gens. Si vous êtes historien avec vie sociale et relations chez des gens bien, vous verrez que la conversation arrive fréquemment, dans des milieux où qu'on a de la culture historique que c'est pas comme chez les bobos de gauche qui ne jurent que par Benjamin Biolay et Libération, sur l'Histoire de France. En général, pour s'affronter à coup de dates et d'assertions glanées sur Radio Courtoisie ("et comme disait Robert Faurisson citant les Mémoires sur le Déclin de l'Occident pour moi-même et mon berger allemand d'Otto von Apfelstrudelsglücksdorf, Dachau, 1933, le 8 septemre 1875 à Issoudun, on a le premier exemple de Juif ayant uriné en-dehors d'une vespasienne, ce qui est la première manifestation publique du complot judéo-maçonnico-républicain contre la France"), à propos de sujets aussi passionnants que

- fallait-il réhabiliter Dreyfus (et n'était-il pas un petit peu coupable, quand même, celui-là ? - vaut également pour Roger Salengro, vous savez, le socialiste qui s'était suicidé en 1936) ?
- fallait-il assassiner Jaurès (la réponse est souvent oui) ?
- sait-on vraiment si les chambres à gaz ont existé ?
- Louis XIII était-il vraiment homosexuel ?
- fallait-il guillotiner Louis XVI (la réponse est souvent non) ?
- pouvait-on éviter la révolution ?
- les révolutionnaires étaient-ils des gros salauds (la réponse est souvent oui) ?
- Hitler était-il si méchant que ça ?
- Marie-Antoinette couchait-elle avec Fersen ?
- toutes les calamités en ce bas monde sont-elles dirigées depuis la nuit des temps par les Francs Maçons, volcans islandais compris ?

et ainsi de suite. Notez bien que personne ne se demande jamais si on pouvait éviter la guerre de Trente Ans, ce qui est ma foi fort dommage.


Si vous êtes historien, que vous avez une vie sociale, que vous êtes invité et qu'en plus, vous êtes poli, vous faites un effort pour participer à la conversation en vous contentant de corriger les dates avancées par vos commensaux. Jusqu'au moment où l'on vous pose la question fatale :

- et toi, tu en penses quoi ?

En règle générale, je réponds un "oh ben moi, je m'en balance un peu, quand même".

Suivent des regards horrifiés. On sent bien dans les yeux de mes interlocuteurs que là, s'ils pouvaient, ils me dénonceraient bien au rectorat pour révisionnisme sauce jemenfoutiste. Puis arrivent les questions inquisitrices : serais-je négligente ? serais-je une vilaine gauchiste ? ou ne ferais-je que peu de cas de l'objectivité de l'historien ?

Sauf que.

La neutralité de l'historien, ce n'est pas de pondre des réponses de social-démocrate ("p'tet bien qu'oui, p'tet ben qu'non") à chaque question historique plus ou moins à la mords moi le noeud. Honnêtement, on s'en fout, de savoir si Louis XVI aurait pu éviter la révolution. Vu que la révolution a bien eu lieu. On s'en fout, de savoir si untel était méchant ou si tel épisode est regrettable. Sans déconner, bien sûr qu'un massacre, qu'un lynchage politique, c'est dégueulasse. Bien sûr que les guerres, dans l'absolu, faudrait éviter.
La neutralité de l'historien commence en évitant les jugements de valeurs. Déjà au collège, mes professeurs d'histoire sanctionnaient les copies qui portaient des mentions du style "l'horrible guerre de Vendée", "les terribles révolutionnaire", "le malheureux Louis XVI", "le pauvre Dreyfus", et ainsi de suite. Quel que soit le personnage, quelle que soit la période, on doit garder sa réserve. Ses émotions. Son petit jugement personnel.

Aussi l'Ancien Régime, le Moyen-âge, la Révolution, l'Affaire Dreyfus, la Première Guerre Mondiale, ne sont ni bons ni mauvais en soi. Ils ont été, cela suffit. Comprendre ce qui s'est passé me paraît déjà une mission de haute volée, alors juger... D'autant que pour ce que je connais du droit, la justice ne juge que les vivants, pas les morts...



lundi 12 juillet 2010

Histoire de la médecine et quelques éléments de réflexion historique pour l'été.

À chaque fois que j'ai la migraine - en moyenne une fois par semaine, du genre à se taper la tête contre le mur - et que j'avale frénétiquement une surdose d'anti-douleurs, je me pose la même question : mais comment faisaient-ils, avant ? Je veux dire, comment faisaient-ils pour supporter la non-découverte de l'aspirine, l'absence de traitement contre les coliques néphrétiques et de cette chose fascinante qu'est l'anesthésie ?

Aussi l'histoire de la médecine est-elle un truc passionnant. J'aime beaucoup les musées d'histoire de la médecine - et en plus, ça tombe bien, il y en a plein à Paris. Voici donc quelques idées pour un parcours estival et muséographique :


Le musée d'histoire de la médecine

Celui-là, il est tout petit. Situé dans l'école de médecine de Paris (rue de l'Ecole de médecine, Paris Ve), on le trouve après avoir erré bien dix minutes dans les couloirs en suivant avec application les panneaux idoines et congruents (mais non sans se dire deux ou trois fois mais je ne serais pas déjà passé par là ?). Une grande salle avec des vitrines anciennes - quelques instruments de médecine égyptienne et grecque, quelques éléments médiévaux, mais ça commence à être vraiment amusant à partir de l'époque moderne. Il y a même le trépan d'Ambroise Paré et le bidule avec lequel on a opéré la fistule de Louis XIV, c'est vous dire. Pour trois euros, vous pouvez avoir une visite guidée plutôt bien fichue même si très old school - ne vous attendez pas à ce qu'il y ait des animations pour les petits enfants.


Le musée d'histoire de la médecine militaire

Au Val-de-Grâce, place Alphonse Laveran, Paris Ve. Se visite sur rendez-vous ou pendant les journées du patrimoine. Remarquables collections, tableaux, instruments, pots d'apothicaires, moulages - attention, il est fortement déconseillé de prendre un café au lait avant d'entrer dans les salles consacrées aux gueules cassées de la Première guerre mondiale.
Et en plus, vous passez par les appartements d'Anne d'Autriche au Val de Grâce, et vous terminez la visite par la chapelle qui vaut à elle seule le détour (si vous voulez du baroque, vous en aurez à la pelle).


Le musée d'anatomie Delmas-Orfila-Rouvière.

Rue des Saints Pères. Femmes à barbes, moulages de têtes de suppliciés du XIXe siècle, statue du nain de Stanislas Lesczinsky, et le moulage des os d'un Kalmouk qui mesurait plus de deux mètres cinquante.
Une vraie rigolade.


Le musée Dupuytren.

Également rue de l'Ecole de médecine, Paris Ve. Pour le coup, ce n'est pas le café au lait qui est déconseillé, c'est d'avoir mangé, tout court. À vous les veaux à deux têtes, les colonnes vertébrales dédoublées et tordues, les malformations diverses et variées, les tumeurs en bocaux. Visites limitées, seulement l'après-midi. En plus, c'est souvent désert parce que personne ne sait que ça existe.
En outre, ce musée vit quasi-seulement avec les sous que rapportent les quelques milliers de visiteurs annuels, donc soyez sympa, contribuez à la vie de la muséographie française.


Le musée Fragonard de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort.

Le plus épatant, découvert très récemment. Rien à voir avec le peintre spécialisé dans la scène de drague - encore qu'en réalité si, puisqu'Honoré Fragonard était le cousin du peintre. Chirurgien, puis professeur d'anatomie dans l'école vétérinaire d'Alfort, fondée par Louis XV, Fragonard, en bon homme du XVIIIe siècle, était atteint de collectionnite aiguë, et rêva de fonder un Cabinet national d'Anatomie. Il se spécialisa en particulier dans la réalisation d'écorchés, les plus célèbres étant le Cavalier, le Singe, l'Homme à la mandibule, et surtout le Groupe de foetus dansant la gigue.

Oui, vous avez bien lu, un groupe de trois foetus - humains, si, si - dansant la gigue. Réalisé non pas pour une exposition au parfum vaguement scandaleux du début du XXIe siècle, mais bien à des fins scientifico-artistiques, entre 1766 et 1771. Cela dit, il paraît que le truc eut un succès fou auprès de la bonne société qui se précipitait pour voir les foetus de Fragonard.
On sait par les inventaires que Fragonard s'intéressait particulièrement à la mise en scène de la mort, et qu'il réalisa d'autres compositions à base d'écorchés montés sur des chevaux entourés de foetus humains montés sur des moutons pour faire l'armée de l'apocalypse.


Moyennant quoi il me paraît difficile de ne pas réfléchir aux prétendus débats de notre temps. Régulièrement, je reçois dans ma boîte mail des propositions pour apposer ma signature au bas d'une pétition pour un énième débat éthique, contre l'utilisation des cellules souches, ou pour retirer du marché la prétendue crème à base de cellules dérivées de foetus avortés - et là, du reste, je serais curieuse de savoir dans quelle mesure c'est vrai, le coup des cellules de foetus.

Quand on fréquente ces musées, on est bien obligé de se dire que finalement, les hommes des siècles précédent étaient bien plus décoincés que nous. Chez eux, point de débat bioéthique à n'en plus finir - et qui, au final, tournent au dialogue de sourds. On lançait sa petite affaire à base d'écorchés, sa petite recherche à base de cadavres récupérés un peu n'importe où, et ensuite, certes, on pouvait avoir de graves ennuis avec la justice si celle-ci estimait que là, ça déconnait sévère, mais sinon, on vous foutait la paix. Et on pouvait même se tailler son petit succès de société.

Aussi me paraît-il curieux de dénoncer le décadentisme de nos moeurs actuelles. Ce genre de semi-plaisanteries à vocation scientifique n'est pas une nouveauté. Au contraire, nous avons beaucoup à apprendre, encore, sur les siècles qui nous ont précédé. Qui étaient ces hommes qui n'étaient pas choqués par des foetus mis en scène, dans une Europe pourtant encore massivement chrétienne et que l'on croit verrouillée par l'Église et le pouvoir monarchique ? Qui étaient ces hommes qui ne croyaient pas au débat et que cela n'empêchait pas d'avancer et de rester à l'affût de la nouveauté sans que ce fût pour eux une valeur positive ?

Ces hommes du passé n'ont pas fini de nous surprendre et de nous donner des leçons d'humilité sur la complexité de la nature humaine.