lundi 2 juillet 2012

Anthropologie du RER appliquée à la femme enceinte.



Tu es enceinte, ça se voit, et ça commence à peser mine de rien. Pas de bol, tu dois te farcir ton heure de transports en commun quotidienne car il faut bien continuer à gagner ta croûte. Alors, quand les portes du wagon s'ouvrent, tu as le coeur battant : est-ce que quelqu'un va te laisser sa place - la place du coeur, selon le jargon merveilleux de la RATP ? 

Sache, déjà, femme enceinte, que tu es troisième dans l'ordre des priorités pour les places assises. Devant, il y a les mutilés de guerre (mais, en 2012, on peut dire que ça court de moins en moins les rues, je rappelle que le dernier poilu est quand même mort il y un bon bout de temps), et les aveugles et infirmes civils (mais ils ne prennent pas beaucoup le métro, pour des raisons évidentes). Donc logiquement, tout le monde devrait se lever d'un seul homme pour te laisser une place assise. 

Mais en fait, non. 

Il y a la femme entre deux âges, celle-là en général se lève spontanément et te laisse la place avec un sourire complice, elle est passée par là, elle sait qu'il vaut mieux être debout plutôt que de te laisser toi-même debout au risque de t'effondrer (et bloquer le wagon pour un temps indéterminé) ou de vomir tripes et boyaux. 

Il y a la matrone noire, en général grande et forte. Celle-là, elle se lève ou fait lever les gens, en gueulant si besoin QU'IL Y A UNE DAME QUI ATTEND UN BÉBÉ OULALA DIS-DONC VOUS POURRIEZ VOUS LEVER NON MAIS C'EST QUOI CETTE MENTALITÉ LÀ. Et comme elle prend l'air pas commode, les gens se lèvent sans la ramener. 

Il y a le jeune Noir un peu wesh-wesh, qui se lève avec un charmant "vazy madame vous allez pas rester debout ça s'fait trooooop pas... vazy toi lève-toi y'a une dame là qui veut s'assoir vazy hein". A priori, fils ou neveu de la matrone du dessus. 

Il y a la pétasse sur talons vertigineux (commerciale à la Défense). Qui te laissera debout car elle est trop occupée à refaire son vernis ou se repasser un coup de mascara. Elle t'a pourtant bien vue mais tu n'es probablement pas assez digne de sa considération (faut dire que les talons aiguilles, tu as abandonné assez vite) .

Il y a le mec en costume avec chaussures pointues (commercial à la Défense, peut s'accoupler avec la précédente). T'a bien vue, a même reluqué tes seins gonflés aux hormones de grossesse. Mais ensuite son regard est descendu sur ton ventre : il est alors devenu tout blanc et s'est mis en considérer son smartphone ou ses chaussures avec le plus grand intérêt. 
Si le mec en costume se lève, vérifie son annulaire gauche : en général, il a une alliance. Peut-être même que sa femme, en d'autres temps, s'est abondamment plainte de la goujaterie

Il y a aussi le vieux con (la cinquantaine approchante) qui fait remarquer, après s'être fait houspiller par la matrone et t'avoir laissé sa place, que "elles font chier les femmes enceintes, peuvent pas rester chez elles, et puis la grossesse c'est pas une maladie / c'est pas moi qui lui ai fait bordel" (classe, distinction, élégance).  Il conchie aussi les féministes qui veulent qu'on leur cède la place mais veulent aussi l'égalité des sexes alors il voit pas pourquoi il devrait céder sa place. 
Mais comme en plus d'être un con, c'est un lâche, il obéit au doigt et à l'oeil de la matrone.


L'un dans l'autre, habitant dans une banlieue où les matrones, les wesh-wesh et les familles sont légions, j'ai toujours pu m'asseoir dans le métro pendant ma grossesse, preuve que tout n'est pas foutu dans ce bas monde ma brave dame. 


Cette page d'anthropologie s'est fantastiquement bien vérifiée avec la poussette ou le bébé porté en écharpe. Si les jeunes wesh-wesh, les matrones et les touristes continuent de filer un coup de main et /ou de laisser leur place. les connards en costume à chaussures pointues et smartphone préfèrent te doubler en te bousculant dans un escalier plutôt que de t'aider. Et ils continuent de pester si tu ne cours pas assez vite dans les couloirs de Châtelet. 




26 commentaires:

  1. Excellent ! on sent le vécu

    Signé : un mec en costume avec chaussures pointues... et alliance (ouf que)

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  2. S'il fallait donner un ordre de priorité pour les places assises aux commerciales et commerciaux de La Défense, je crois qu'ici ils seraient bons derniers. d:-)

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  3. d'abord quand la cinquantaine approche on n'est pas vieux.
    Pour les aveugles ce n'est pas mieux : j'ai dû trouver une place moi-même pour une jeunne femme qui n'avait même pas essayé ; le costume-cravate s'est levé tout de suite très gentiment
    et quand on a un bébé dans les bras on est encore moins prioritaire...

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  4. Dans les bus de ma ville, JAMAIS PERSONNE ne m'a cédé sa place, même quand mon ventre me précédait d'un mètre. Bande de méchants.

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  5. > Aquinus,

    ça va alors ! Mais n'oubliez pas de vous lever :)


    > Cristophe,

    ne vous en faites, pas, ils s'emparent de leur place avec la dernière énergie.


    > Athéna,

    je disais vieux pas tant en référence à leur âge, que dans leur mentalité "mémé à moustache" (copyright Eolas) quand ils pestent dans leur coin...

    Pour les aveugles je confirme, de même que pour les malheureux qui ont une béquille, personne ne se bouge.

    Pour le bébé dans les bras, effectivement, on est encore moins prioritaire et pourtant c'est dix fois plus fatigant (à mon avis) que dans le ventre, parce qu'en plus, il bouge, et n'est plus "compact" comme dans le ventre où il était bien rangé :)

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    1. Et surtout on n'est pas très stable : je suis tombée dans le bus avec mon fils dans les bras un jour.

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    2. ça ne m'étonne pas, ça a failli m'arriver aussi, une fois que j'avais sorti mon fils de sa poussette pour le calmer.

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  6. > M*

    une de mes copines du cours de prépa à l'accouchement m'a raconté qu'en sortant d'un des cours, à l'arrêt de bus, dans une banlieue pourtant bourge-famille friendly, elle a attendu debout (bien évidemment), que tout le monde a bien vu qu'elle était enceinte jusqu'aux yeux, et pourtant, lorsque le bus est arrivé, TOUS se sont précipités sur les places en la laissant debout (fatiguée, elle ne s'était pas précipitée pour monter en premier).
    Tous, même Pierre-Marie et sa chevalière de bourgeois des Hauts-de-Seine...

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    1. Les commentaires anonymes (sans nom ou pseudo) sont modérés. Merci de votre compréhension...

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  8. C'est en lisant ce genre d'article que je me félicite d'habiter un petit village où je fais tout soit à pied, soit en voiture, voiture dans laquelle je n'ai pas de mal à trouver une place assise puisque c'est moi qui la conduit (même si je pollue la planète, ouh la vilaine).

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    1. Alors là, tu n'imagines pas comme je t'envie :)
      Ma mère dit souvent que quand elle vient nous voir (ma soeur est à Paris même, et nous en banlieue) qu'elle se demande toujours comment on fait pour élever des enfants dans une ville qui semble si hostile aux petits...

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  9. vu et approuvé!

    je ne porte que des chaussures à bout rond, je suis sauvé:)

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  10. Mince alors ! Moi qui croyais en voyant le titre dans ma bloroll que tu pestais contre cette pub, là :http://femininlemporte.blogspot.de/2012/06/publicite-envie-de-fraises-meme.html sans capter que tu étais enceinte et que tu allais mettre un petit au monde !
    Mes meilleures félicitations pour l'heureux événement!
    Tu vas voir, c'est super ! Pas facile, mais tellement bien quand même ! Je raffole des bébés.

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    1. Ah, je l'ai vue, cette pub... elle est, comment dire... affligeante, consternante, écoeurante...

      En fait, l'Héritier a quatre mois et demie actuellement :) mais grand merci pour les félicitations !

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  11. Ce sont des scènes malheureusement bien familières de ma ville de province également, même si je n'ai jamais celle qui cherche désespérément une place.

    Cependant, même si je ne demande évidemment pas qu'on empêche les femmes avec des poussettes de prendre les transports en commun, je trouve que certaines exagèrent un peu. La ligne qui dessert notre domicile s'arrête devant le centre commercial le plus fréquenté de la ville et on voit fréquemment des mamas noires monter à trois ou quatre, chacune avec un char d'assaut à la place d'une poussette, et exiger que tout le monde se tasse alors que le bus est conformé de telle manière qu'un seul char d'assaut le remplit (d'accord, ce n'est pas de leur faute) et qu'il est déjà plein avant leur montée (ce n'est toujours pas de leur faute non plus). Un investissement dans une poussette un peu plus petite et plus maniable (ça existe vraiment), une bonne écharpe ou un bon manduca leur permettrait sans doute d'être un peu plus à l'aise dans le bus...

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  12. > Marie,

    Je suis bien d'accord... Je n'ai bien évidemment pas évoqué le cas de la dame qui monte dans le bus avec un char Lecler et ne juge même pas nécessaire de le caler dans un coin - en revanche, vous rouler sur les pieds, ça...
    Pour ma part j'ai une des plus petites poussettes du marché (je l'ai même choisie pour ça) mais ça reste encombrant mine de rien... et le chauffeur du bus est en droit d'obliger à prendre l'enfant dans les bras et à replier la poussette. Une fois, j'ai quand même dû lui montrer que comme c'était une nacelle, je pouvais bien prendre le petit dans les bras et replier l'armature, ça prendrait autant voire plus de place...

    Le top reste certainement l'écharpe...

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  13. Je ne critique pas la poussette en soi, loin de là, je sais que ça peut être très pratique. Mais certains modèles ne sont pas exactement les plus adaptés aux transports aux communs et à l'entretien de relations cordiales avec les personnes avec lesquelles on interagit. Et c'est autant l'attitude des parents que la taille de la poussette qui me fait réagir dans ce genre de situation.

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  14. Bonjour, j'ai l'impression de lire mes aventures à chacune de mes grossesses !! Entre le RER & la ligne 1 du métro !!! Une fois la ligne est arrivée quasi vide à quai, toute contente, j'ouvre la porte du metro (c'était la 13 il me semble) et là, je n'ai même pas eu le temps de monter, que des "saletés" de bonnes femmes, ménagères de 45/50 ans se sont précipités en me bousculant (mon ventre & moi) limite à se crêper le chignon pour avoir les places, elles ont posé leur "gros séant" et toutes ont baissé leurs yeux quand je me suis approchée ... j'étais à deux doigts de leur vociférer mes pensées quand un monsieur sur un strapontin, qui avait assisté à toute la scène, s'est levé & a commencé à leur dire mes pensées, elles ont encore plus baissé leur tête, ce monsieur a été gentil & ma laissé sa place, alors qu'il n'était pas tout jeune ... Mais au fond de moi, j'étais déçu de n'avoir pu exprimé ma colère !!! Enfin, je remercie ce monsieur qui a eu le courage de nos opinions à tous les deux !!!
    Merci pour votre blog que je viens juste de découvrir, mais qui me ressemble bcp !!
    J'ai 3 enfants, dont le petit dernier à 2 ans, ce n'est pas facile tout les jours, surtout en travaillant en Freelance, mais quand je vois mes mi-anges/mi-démons sourire, me dire qu'ils m'aiment ou me faire un gros câlin, alors ttes les fatigues s'effacent :)

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    1. Bonjour et bienvenue ici :)
      Effectivement parfois on sait bien qu'on aurait dû pousser une gueulante mais pas l'envie, pas le courage, trop fatiguée ou trop estomaquée devant le sans-gêne des gens.
      Bon, après, en général, j'ai plus ou moins toujours eu de la place dans le RER. C'était beaucoup plus aléatoire dans le métro. Souvent le matin il m'arrivait d'en laisser passer plusieurs car je ne voulais pas être trop comprimée avec mon gros ventre... mais dans ces cas-là j'arrivais en retard ce qui n'est pas toujours bien interprété et parfois suivi de commentaires acerbes sur le mode "ouais, les femmes enceintes, quelles feignasses, tout le temps en retard, elles ne sont plus motivées" etc etc
      Bon courage avec vos trois petits !

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  15. Super billet! J'ai adoré tellement je me suis reconnue! Il y a aussi la fameuse queue du supermarché, à la caisse prioritaire pourtant, où tout le monde baisse les yeux ou détourne l'air de rien la tête quand ils voient un gros bidon...

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  16. merci Céline ! Bienvenue ici ! et bravo pour votre très beau site sur les femmes dans l'Histoire, il est passionnant.

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  17. 1)"Devant, il y a les mutilés de guerre (mais, en 2012, on peut dire que ça court de moins en moins les rues, je rappelle que le dernier poilu est quand même mort il y un bon bout de temps)",alors pour les invalides ou mutilés de guerre,il y en a des plus jeunes a ce que je sache la France est engagée dans des guerres a l'extérieur.
    2)"les aveugles et infirmes civils (mais ils ne prennent pas beaucoup le métro, pour des raisons évidentes)",désolée mais les invalides civils ou pmr prennent souvent les moyens transports car figurez vos que parmi toutes les personnes handicapées il y en a qui travaille et que nous ne sommes pas toutes et tous en fauteuils roulants. Voila ma petite mise au point.

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    1. Juste pour vous répondre (ce billet date, quand même :) )
      1 dans l'ensemble, les mutilés de guerre, il y en a de moins en moins. Dieu merci, d'ailleurs, on n'en est plus aux atrocités des conflits du premier XXe siècle.
      2 eh bien, autour de moi, un certain nombre d'amis pmr me confirme que les transports en commun sont souvent la plaie... justement, parce que la RATP à tendance à s'en foutre totalement. C'est d'ailleurs une honte..

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