samedi 12 décembre 2009

L'Immaculée Conversion


Moi je m'en fiche, c'est celle qui l'a dit qui l'est!
8 décembre - Solennité de l'Immaculée Conception de la Vierge Marie
Calée par un hasard du calendrier (?) au début de l'Avent, au tout début de l'année liturgique, la solennité de l'Immaculée Conception de la Vierge Marie, que l'Eglise a célébrée mardi, rejoue sur une autre partition le registre de l'attente. Entre l'attente du Christ Roi qui clôt l'année sur une violente perspective eschatologique et l'Avent qui nous conduit à la joyeuse Nativité du Messie, la présence de la Vierge Marie se fait sentir comme un repère rassurant. De l'ombre embrasée de l'Apocalypse à la lumière tremblante de la crèche dans la nuit...
Et pourtant cette solennité, et le dogme qui l'accompagne, ne sont ni faciles à comprendre, ni évidents à accepter. On ne trouve évidemment aucune trace de ce que l'Eglise nous propose aimablement d'avaler comme un "mystère de la foi" dans les écritures. D'ailleurs les textes du jour tournent autour de la nouvelle Eve et de l'Annonciation, entretenant par là le malentendu sur l'Immaculée Conception dont il est question. Le Catéchisme, particulièrement étique sur le sujet, ne nous aide pas vraiment plus (cf. 411). On se retrouve pour ainsi dire bien démuni devant cette grande formule "Immaculée Conception", qui fleure bon la masturbation intellectuelle théologisante, l'apparition à la grotte d'une dame toute blanche dans la boue du ruisseau, et la dévotion puritaine d'une autre époque.
Car en plus d'être démuni il est possible qu'on ne se trouve pas très à l'aise. Immaculée Conception, Vierge conçue sans tache. Sans LA tache, celle du péché originel, vous savez, celui dont on n'entend plus parler, et dont, à vrai dire on n'a plus vraiment envie de parler. Celui dont on ne comprend pas très bien comment il pourrait se justifier, ni d'où il sort, sinon de la culpabilité paternelle théologisée de notre champion de la prédestination, Augustin. Enfin, quand je dis "on", je parle pour moi, il faudra bien que j'assume un jour ce débat... mais le péché originel, on s'en occupera un autre jour.
Pour en revenir à nos moutons, en toute cohérence logique, il semble évident qu'il faille accepter l'idée que, pour porter en elle et tisser en sa chair la chair du Christ préservé du péché, Marie en ait été préservée elle-même. Pourquoi et comment... Mystère. Mais ça n'est pas cette ignorance du pourquoi et du comment qui gêne, ça n'est pas le plus ennuyeux. Ce qui plombe, c'est de ressentir ce dogme comme la sacralisation de la pureté d'une femme désincarnée, d'une sorte de déesse nimbée dominant avec hauteur notre infinie capacité à nous vautrer dans nos taches diverses et variées.
La pureté de la Vierge Marie sauve l'humanité en rendant possible l'Incarnation. Mais le choix de l'évangile de la solennité de l'Immaculée Conception nous rappelle que la pureté ne suffit pas: « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole ». Marie a beau être sans tache, elle n'est pas sans avoir son mot à dire. Ce qui importe à Dieu c'est la liberté de l'homme, qu'Il a créé autonome, pour qu'il puisse choisir de se tourner vers Lui. Or la première lecture du jour nous indique que la liberté de Marie, la Vierge toute pure, renvoie à la liberté d'Eve, la première femme, non moins pure... à l'origine. Mais la liberté d'Eve s'est laissée prendre au spectre de sa toute puissance. Celle de Marie se plie à l'autorité divine et en recueille toute la fécondité. Eve et Marie sont les deux archétypes qui se rejoignent dans le visage de l'humanité, perdue et rachetée, ainsi que les deux termes de l'histoire du salut qui est l'histoire d'une conversion.
Eve toute pure avant la première faute, Marie toute pure mais toute libre devant Dieu, on voit bien que la pureté ne suffit pas à nous sauver. L'Immaculée Conception nous renvoie donc à quelque chose d'autre qu'à cette pureté fantasmée qui nous hante. Peut-être nous renvoie-t'elle simplement à notre propre conversion. Dans notre rapport à nous-même, à Dieu et à l'autre, la Vierge pure et l'Eve impure nous questionnent quant au regard de Dieu sur notre nudité. Adam et Eve ayant commis l'irréparable se cachent dans le jardin. "J'ai pris peur parce que je suis nu", avoue le premier homme à Dieu qui le cherche et qui s'étonne: "Qui donc t'a dit que tu étais nu ?". Et nous, qui nous a dit que nous étions nus? Que cachons-nous, parfois sous de si terribles stratagèmes, sous de sinistres oripeaux?
Le péché originel, le début du mensonge, de la honte, de la peur. La fin de la nudité pure et heureuse. La crainte du regard de Dieu et de celui de l'autre, alors qu'Adam et Eve prennent peur devant leur nudité réciproque et se couvrent de vêtements. Se protéger de l'autre, se préserver de Dieu, cacher sa faiblesse et sa vulnérabilité. La nudité parfaitement pure de l'Immaculée Conception nous permet de retrouver cette liberté de se montrer nu et de vivre sous le regard de Dieu sans peur. L'Immaculée Conception nous ouvre à une immaculée conversion. Puisque le baptême nous lave de nos fautes. Puisque nous avons toujours la liberté de nous tourner vers Dieu dans notre nudité pour Lui demander de nous rendre immaculés. Puisque, la deuxième lecture le rappelle, "en Lui, il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables sous son regard"

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