jeudi 2 avril 2009

Katyn.

On s'agite, on encense le courage de Wajda, on s'esbaudit de la sortie de ce film - que je verrai demain si je peux.

On s'émerveille de ce qu'il montre - enfin - l'une des atrocités commises par l'Armée rouge pendant la seconde guerre mondiale - ici, en l'occurence, le massacre d'officiers polonais, massacre dont la faute fut rejetée sur les nazis, et enfin reconnu par l'URSS sous Gorbatchev.

On dénonce une diffusion plus que restreinte en criant presque à la censure - cela dit, treize salles dans toutes la France, c'est peu. Pierre Assouline explique que c'est dû à un problème de distribution - mouais, bof. D'autres crient au complot maçonnico-soviétique, visant à effacer le souvenir de Katyn.

Il paraîtrait que la France est davantage prête à charger l'Allemagne nazie que les bolcheviks. Ce qui n'est pas tout à fait faux, si j'en juge par le nombre de gens que je connais qui persistent à se rouler par terre devant Ernesto Guevara - d'ailleurs, personne ne songe à monter un club des fan de Leonid Brejnev, c'est curieux, à croire que la belle gueule joue pour beaucoup dans la vénération du Che. Ce qui me permet de douter d'autant plus du bien-fondé des convictions des staliniens de tout poil.

Cela dit, depuis mon cours de terminale sur la Seconde guerre mondiale (le programme s'ouvre là-dessus, si ça fait longtemps que vous êtes sorti du lycée), j'ai toujours entendu parler de Katyn, et de l'Armée rouge comme responsable.

Certes, j'étais chez les jésuites, donc sous une influence probablement un peu plus anticommuniste que la moyenne, mais cela me donne à penser que "l'occultation du massacre de Katyn en France par un complot rouge" est un peu une vaste blague. J'ai relu mon bouquin de terminale, Katyn est dedans, pas de problème. À ceux qui de même poussent des cris pour réclamer une révision des manuels scolaires parce qu'on n'y parle pas assez de la colonisation, par exemple, je réponds exactement la même chose : si vous aviez pris votre professeur d'histoire pour autre chose qu'un con radoteur, si vous aviez ouvert votre bouquin plus de deux fois dans l'année, vous n'auriez pas besoin de crier au complot occulte des forces du mal.

La vraie raison, ce n'est pas que le complot rouge en France cherche encore à occulter le massacre de Katyn, dont seuls les cons nient la réalité. Et les cons, c'este trop tard pour s'en préoccuper. La vérité, c'est que les Polonais, tout le monde s'en fout. Et que si un film balançant sur l'Armée rouge réjouit le coeur des vieux réacs (moi la première) par sa sortie, l'histoire de la Pologne, on s'en tamponne quand on fait partie des "grandes puissances".

La vérité, c'est que l'histoire de la Pologne est pathétique et que cela n'intéresse personne. La Pologne a toujours voulu jouer dans la cour des grands et nous, les "grands", nous nous sommes contentés de la piétiner joyeusement. Cela a commencé lorsqu'Henri de Valois s'embêtait comme un rat mort à la cour de France (en attendant la mort du grand frère pour lui piquer sa couronne), qu'il s'est fait élire roi de Pologne histoire de rigoler un peu, puis qu'il s'est tiré dare-dare pour rentrer au royaume des lys, parce que régner sur les barbares, ça lui disait moyen.

Au XVIIIe siècle, on s'est juste dit que la Pologne, c'était bien joli mais qu'on pouvait aussi se la partager entre grands. Sous Napoléon, les Polonais ont prêté à l'empereur la belle Marie Walewska en espérant que ça lui donnerait l'idée de rendre l'idépendance à la Pologne, mais bernique. Au XXe siècle, on s'est contentés d'aller y massacrer des juifs, et puis les autres aussi - c'était des Polonais, vous comprenez, on n'en avait rien à foutre. Après les nazis, ils se sont pris les rouges sur la gueule, et on n'a plus trop entendu parler d'eux.

Aujourd'hui, la Pologne a envoyé des contingents en Irak histoire de se faire bien voir et de donner l'impression que la Pologne, c'est chouette. Résultat, ils passent juste pour des cons et on ne se prive pas pour leur dire en haut lieu. Ah, l'Europe démocratique et sa bonne conscience de la justice...

La vérité, c'est que Katyn a intéressé les anciens nazis parce que ça leur permettait de dire "pour une fois, c'est pas nous", et l'Armée rouge, qui disait "ah bah en plus, regardez, ils ont aussi massacré des officiers polonais".

Si "la France des droits de l'homme tarde à reconnaître Katyn" (entendu à la radio ce matin), c'est surtout parce que c'est pas chez nous et que les Polonais, on s'en fout. Nous, on a le mémorial du juif inconnu et la loi Gayssot, on ne peut pas tout faire, n'est-ce pas ?

Le Monde pond une critique (bon, cela dit, si les pages critiques ciné du Monde étaient bonnes, ça se saurait) pour dire que Katyn n'est pas un bon film parce qu'il ne parle pas de la Shoah : eh oui. Les juifs, ça intéresse encore. En revanche, des Polonais, catholiques en plus, c'est tout de suite moins glamour, n'est-ce pas ?

Il n'y a pas de complot. Juste une profonde indifférence au sort des autres. La Seconde Guerre mondiale mise à la sauce française contemporaine, c'est la Shoah, les gentils résistants et les méchants vichyssois. Point. Les Polonais, rien à foutre. Bien sûr.

Moralité, allez voir Katyn, ça sera toujours ça de pris aux champions du je m'en foutisme.

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