mardi 12 janvier 2010

Les objets d'Artémise, 2. Défense et illustration du Télérama.

Le Télérama, en général, c'est soit l'élitisme fait magazine, qui dénigre les films américains et encense les docus-fictions ukrainiens, soit la bêtise gauchiste, bien-pensante et boboïste, qui dénigre les films américains (alors que l'Amérique nous gouverne tous et c'est là qu'est le refuge des hommes, des vrais) et encense les docus-fictions sur les burkinabés.

Moi, j'aime bien le Télérama.

J'ai été élevée au Télérama qui arrivait tous les mercredis sur la table du salon de mes parents qui, comme tous les profs de lettres, lisent le Télérama, l'Express, le Courrier International et le Nouvel Obs. Et écoutent France Inter, comme dit Vincent Delerm. Une des phrases les plus entendues de mon enfance (avec le "mange ta soupe ça fait grandir"), c'est "qu'en dit Télérama", à propos d'un film qu'on se proposait d'aller voir au cinéma ou à la télévision.

Alors oui, le Télérama d'aujourd'hui n'a plus grand chose à voir avec le magazine Télé-Radio-Cinéma fondé entre autres par les bons pères Dominicains. Le marquage "catho de gauche" est plutôt maintenant une orientation humaniste plus ou moins vague et, en ces sombres années de tyrannie, plus ou moins anti-sarkozyste. Qui se sent dans le courrier des lecteurs dont la pensée se limite en général à la dénonciation des méchantes religions et du méchant président.
Tout ça ne fait pas un magazine, je vous l'accorde.


N'empêche que, tout snobisme mis à part, je ne considère pas que l'Amérique soit le dernier bastion des hommes, des vrais, des blancs avec des poils sur le torse, et que dire que tel dernier blockbuster américain est une daube finie, ce n'est pas forcément faire le jeu de l'immonde gauche qui ne souhaite que le triomphe de l'Islam sur la France. Et puis, soyons tout à fait francs, oui, il y a de bonnes critiques de films américains dans le Télérama.
Et il y a aussi des critiques assassines pour les bouses françaises (le dernier et pourrave opus de Jugnot, Rose et Noir, s'est vu exécuter en six phrases jouissives).
En outre, les critiques, même si on peut les désapprouver, sont toujours motivées, en mots simples mais clairs. Finalement, tout cela est très pédagogique. Pas de considérations prise de tête sur l'absolue prise de conscience kafkaïenne du concept onirique coexistant avec la vision sublogique de l'existence intrinsèque de tel ou tel film qu'on peut lire dans les Inrocks ou dans les Cahiers du Cinéma.

Le pire dans tout cela, évidemment, c'est que je n'ai pas la télé, que somme toute, je vais assez peu au cinéma (et pas toujours pour voir des docus-fictions ukrainiens), et que je suis loin de lire l'intégralité du magazine.

En général, je me précipite sur les courriers de lecteurs (tant de beauferie, parfois, me remplit d'allégresse), sur les critiques ciné, sur les critiques livres (je saute les pages musique parce que le rock indé, ça me saoule), et sur le programme de la semaine, dont je devrais pourtant me tamponner le coquillart, vu que (cf supra), je n'ai pas la télé. Ensuite, j'ouvre le supplément Sortir à Paris, pour lire la rubrique gastronomique (et me rêver en lieu et place du journaliste qui fait les meilleurs restos de Paris aux frais de la princesse).
Et enfin, je fais les mots croisés dans le métro. Ah, cette grille de mots croisés dont le fait de remplir la moitié des cases me donne l'impression de connaître autant de vocabulaire que quarante académiciens réunis.

J'aime plumes acérées des critiques qui ne reculent jamais devant le bon mot ou la vacherie. J'aime cet esprit de discernement du magazine dont l'objectif est de dire pour quoi il semble nécessaire de se déranger (ou pas). J'aime ces reportages divers, farfelus ou stimulants sur tel anthropologue, tel canadien bizarre qui vit sans générer de gaz à effets de serre et dont les chaussures sont faites en peau de pastèque recyclée, tels bonshommes préparant le fameux Grand Paris.

Même l'Époux s'est mis, en cachette, à compulser les critiques du Télérama.

Télérama est tout, Télérama est partout dans notre vie. Il y est entré et n'en ressortira qu'avec notre mort.

Ne riez pas, pauvre mortels !

12 commentaires:

  1. J'ai connu l'époque pas si lointaine où Télérama était un journal catholique (leaule), avec Noël en couverture le 25 décembre. Et aussi une couverture spéciale à Pâques. Tout a bien changé depuis ce temps-là. Aujourd'hui, ils préfèrent parler du ramadan.

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  2. sinon, les télérames sont purgés une fois par mois, c'est, comme dirait une grande âme de mon en tourage, un "mal nécessaire".

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  3. Bien d'accord avec vous !
    Est-ce qu'Olivier Cena tient toujours la chronique "Arts" ? Dans mon souvenir, c'était le meilleur...
    bonne semaine,
    D.

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  4. Tiens, je ne savais pas que Télérama fut un journal catholique. Je me disais aussi : d'où vient qu'il y ait du bon dans ce journal parfois si minable ?

    Car il faut bien l'avouer, dès que Télérama s'occupe de politique ou de religion... ça fait rire.

    Moins que Courrier International, certes.

    Reste, effectivement, qu'il est le seul magazine français potable en matière de cinéma.

    Mais comme le cinéma slalome aujourd'hui entre "Gros caca pouet pouet avec des voitures et du sexe", "Les chevaliers du Dragon Xlaphuros en 3D" et "Jean, et Jacques, amour impossible, un drame intellectuel de XXX", quel est encore l'intérêt de tels journaux ?

    J'attends avec impatience que Télérama me parle de Rohmer. Osera-t-il parler sérieusement de Conte d'Hiver (conte sur la foi), voire même de l'Anglaise et le duc ?

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  5. Ça y est, elle a commencé à nous changer l'Époux ! Sont dangereuses, ces filles, très dangereuses...

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  6. > Sébastien :

    Vous exagérez, ils ne parlent pas non plus du ramadan.
    Et puis ils parlent encore de Noël, occasion sans pareille pour ressortir un supplément "sélection cdeaux" !


    > Ernestin :

    Vous êtes un terroriste de la pile de magazine. Que cela soit clair ;)


    > Inactuel :

    On le voit encore de temps à autres !
    merci pour votre soutien téléramesque !


    > Jean-Baptiste :

    Eh oui ! à l'origine, le Télérama fait partie de la presse "catho de gauche"... on ne dirait pas, à première vue, n'est-ce pas ?

    Télérama avait beaucoup aimé l'Anglaise et le duc, c'était même grâce à ça que j'avais réussi à convaincre ma mère d'aller exprès au cinéma de la Grande ville pour le voir (vu qu'il ne passait pas chez nous) !


    > Didier :

    héhé, ne vous en faites pas, l'Époux résiste à la pression du télérama, quand même : la preuve, il ne touche pas aux mots croisés !

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  7. Ah, Télérama! Doux souvenirs de critiques de films afghans ou pakistanais qui enthousiasmaient tellement ma mère que je me retrouvais dans le rôle du pigeon qui devait l'accompagner voir ça. Heureusement, ça n'a pas duré, mais j'en garde quelques souvenirs...
    En revanche, leurs critiques musicales me sont fort utiles quand il s'agit d'offrir un CD (de musique classique, s'entend), et comme j'ai quelques mélomanes dans ma famille, à commencer par mon cher et tendre, je pioche allègrement dedans.

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  8. > Marie :

    moi aussi, j'ai vu des films afghans, russes, ouzbeks... ma foi, on s'en remet !
    pour ma part, c'était aussi une autre manière de me différencier des moutons abrutis de ma classe qui allaient voir Fast and Furious 45.

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  9. Artémise,

    Si (comme moi) vous aviez lu l'article sur la tradition japonaise du Télérama 284 de la semaine 27 de l'année 2009 (p 27 à 29), vous sauriez que le culte de l'éphémère démultiplie la beauté des choses.

    J persiste et je signe : les Télérama, c'est comme les données personnelles et le parti socialiste : ya un moment ou il faut purger.

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  10. Catho, de gauche, et bientôt prof, je me suis très logiquement longtemps tenu à l'écart de Télérama la magazine catho de gauche pour profs. Seulement voilà, depuis quelques semaines, ces sagouins-là m'ont fait le coup de me refiler le magazine en supplément d'une série de DVD d'opéras baroques, et je me suis donc retrouvé à potasser la chose malgré que j'en aie. Que dire sinon que j'ai trouvé ça absolument consternant?? 95% des soi-disant "critiques", qu'il s'agisse de cinéma ou de musique (je n'ai pas eu le courage de lire ce qu'ils disaient des livres) se résument à des séries de jeux de mots digne d'un journal amateur de lycéens (voire de collégiens dans les cas les plus graves) surnageant sur un océan de pensée (?) certifiée "politiquement correcte". Heureusement, la collection d'opéras s'achève cette semaine.

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  11. > Ernestin :

    Purger le parti socialiste ? Des noms ! des noms !


    > Léopold :

    Que te dire, sinon que je ne suis pas de gauche et que pourtant, ces jeux de mots me font rire ? Peut-être que j'ai l'humour d'une collégienne, c'est tout à fait possible :)

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  12. Faut-il que vous soyez chic pour vanter ce terrible magazine sans nous lasser!

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Soyez gentils, faites l'effort de signer votre message - ne serait-ce que dans le corps d'icelui, si vous ne voulez pas remplir les champs destinés à cet effet - c'est tellement plus agréable pour ceux qui les lisent...