mardi 21 juin 2011

La fête de la zizique.

J'ai eu l'honneur et le privilège d'avoir eu une éducation fort soignée. Entre autres choses, mes parents, convaincus que la musique adoucit les moeurs et permet aux demoiselles de trouver un bon mari, nous ont collés, mes soeurs et moi-même, devant un instrument de musique. Grande Soeur et ma pomme avons eu droit au piano (il n'y avait que ça dans mon village à l'époque) et Petite Soeur a passé les jeunes années de sa vie à nous pourrir l'existence une demi-heure tous les soirs avec un violon - elle se débrouille ma foi fort bien aujourd'hui, mais tous ceux qui ont eu la bonne idée de faire apprendre le violon à leur mioche savent bien que c'est une immense souffrance. On sait tous que ce n'est pas le chemin qui est difficile, mais que c'est le difficile qui est le chemin, n'empêche que l'apprentissage du violon est quelque chose de redoutable.


L'école de musique du village organisait chaque année une audition pour la fête de la musique, le 21 juin. L'audition, ça consistait à demander aux parents de mettre une chemise et de la brillantine dans les cheveux des petits garçons, et une robe à smocks pour les petites filles, et d'aller dans la salle polyvalente Georges Duby (la célébrité absolue pour les petits provençaux des années 80-90, avec Frédéric Mistral), monter sur scène et interpréter un morceau de musique préparé avec acharnement au long du mois précédent sous la tendre férule du professeur (un beau gosse brun aux yeux vers, mais j'avais pas l'âge, alors n'allez pas croire des trucs (notez que le prof de piano a un petit frère beau gosse brun aux yeux bleus... qui enseigne maintenant le violon a ma Petite Soeur susnommée (le monde est petit et l'école de musique du village s'est agrandie, maintenant on peut faire de la batterie et de la guitare)))). Cela permettait d'épater Papi-Mamie venus de la campagne pour l'occasion.

Et après, on avait droit à du jus d'orange et parfois même du coca dans des verres en plastique, et des chips dans un saladier. Même si nos parents, ces tortionnaires fascistes, nous empêchaient de nous goinfrer (parce que sinon après tu ne mangeras plus rien à table), c'était quand même rien chouette, l'audition. Pendant qu'on subtilisait des poignées de chips pour les manger derrière le rideau de la scène, le prof de musique s'entretenait avec les parents désireux de savoir si la progéniture avait fait des progrès pendant l'année.


Et puis un jour, je suis arrivée à Paris. Où j'ai découvert qu'en fait, la fête de la musique chez les gens bien de la capitale, ça consiste à foutre de la soupe à fond les gamelles dans les rues à partir de 16h, heure à laquelle les canettes de bière commencent également à joncher le sol parisien. Le soir, on assiste à des compétitions de rare qualité, où l'on peut voir des groupes de jeunes aux cheveux gras s'exercer à vomir le plus possible sur les trottoirs. Enfin, on a le plaisir de noter que plus le cheveu du musicien est gras, plus le public semble l'apprécier. Pour peu que son T-shirt comporte des têtes de mort, c'est du délire !

Les gens vomissent de partout, même les filles ne se gênent pas pour uriner en pleine rue, que du bonheur. Paris est une fête.



Je hais la fête de la musique. De tout mon coeur. Et, même si Dieu sait que pour rien au monde je ne voudrais revivre mes dix-huit premières années, j'en viens à regretter mes robes à smocks.




8 commentaires:

  1. c'est marrant j'ai la même expérience que la votre à 20 années de décalage : j'ai appris le piano dès mon plus jeune âge, d'abord avec une pauvre aveugle qui a bien failli me dégoûter de tout ça mais ça valorisait vachement ma mère de lui faire la charité par mon intermédiaire.

    ensuite j'ai continué après avoir vraiment rué dans les brancards, avec des profs pas doué mais pas méchant et pas trop con.

    ensuite j'ai continué tout seul et là ça a mieux marché et je continue toujours...

    et alors là où j'habite, ben la fête de la musique ça ressemble fort aussi à la même barbarie que vous décrivez. en plus ils sont bretons, donc ne sont pas en reste de dégueulis, de bris de canette et de bouteille d'alcool partout sur les trottoires, sans compter le détail merveilleux, interprété comme preuve de libération par beaucoup, à savoir, le nombre dingue de capotes usagées qu'on trouve sur les trottoirs !

    c'est beau hein !

    ben ce soir, je reste comme tous les soirs chez moi à faire mon piano après avoir bu la soupe que je me fait moi-même pour être sûr qu'elle sera bonne.

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  2. Je voudrais pas être médisant mais comme l'instigateur de cette chose s'appelle Jack Lang,il ne fallait pas s'attendre à des merveilles, c'est quand le ministre de la Culture qui a mis les colonnes Buren dans la cour carrée du Louvre, il fallait oser.

    Pour la fête de la musique, c'est grâce à cette parodie que nous avons des chanteurs comme Faudel et autres abrutis de la Star-Act.

    Tout le monde n' a pas le talent d'un Mozart, j'ai bien un instrument mais je doute que les spectateurs apprécient le chant du calibre 12 au coin des rues.

    Paris outragé, c'est tous les jours.

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  3. T'aurais pas mis une parenthèse fermante de trop ? Recompte bien... ;-)
    Bisous

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  4. Tiens, je croyais que les colonnes de Buren, c'était au Palais-Royal... Quant à la Fête de la Musique, il s'agirait plutôt de la fête de mes tympans... Heureusement qu'on a échappé à pleins d'autres fêtes du même acabit et qui ont fait des flops comme la fête de la photographie...

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  5. Exact grincheux,alors méa culpa!

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  6. Mais le plus ahurissant dans cette histoire c'est que les gens aiment ça les saligots! Alors que j'expliquais à un collègue américain fraichement débarqué l'enfer de cette fausse joie forcée au cours de laquelle des débiles profonds cognent 2 casseroles l'une contre l'autre en affirmant qu'ils font de la "musique", tous les autres collègues me sont tombés dessus en ne louant pas du tout mon attitude...

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  7. De toute façon, pour les colonnes de Buren, il suffit d'attendre. Depuis 30 ans que les chiens du quartier les utilisent devant les yeux attendris de leurs propriétaires (inconséquents ou réalistes d'ailleurs), elles vont finir par se déliter d'elles-mêmes.

    En tout cas, en regardant les œuvres de Buren, je me dis que j'ai raté ma vocation !

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  8. Eh non, Grincheux, les colonnes ne vont pas se déliter, puisque l'Etat a déjà mis la main à la (notre) poche pour les restaurer, entre 2008 et 2010. C'est reparti pour 30 ans de colonnes...

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