vendredi 22 février 2013

Chargez !



J'ai assez peu de sympathie personnelle pour l'ancien président de la République. D'abord je n'ai pas l'honneur et l'avantage de le connaître, alors si ça se trouve il est en fait vachement sympatoche, et si ça se trouve c'est une peau de vache dans le privé. Mais en fait, je m'en fiche. Ce que j'aime bien, en revanche, c'est sa capacité à refiler de l'urticaire à tout un tas de gens qui se tortillent de rage dès qu'ils entendent prononcer son nom, et qui considèrent que Sarkozy c'est à peu près comme Hitler en pire. Je suis toujours en joie quand je vois des gens se ridiculiser, en fait. 
Sarkozy m'a aussi étonnée par sa capacité à cristalliser toutes les haines et les rancoeurs du milieu bobo. C'est quand même un tour de force, de réussir ça aussi bien en si peu de temps. 

Bref, le personnage m'étonne. 

C'est pour cela que j'étais très intriguée par le film sorti il y a quelques années, La Conquête, de Xavier Durringer, qui raconte comment Sarkozy est devenu président en 2012. Si j'ai bien compris, le film a eu un succès d'estime de la part de la critique, mais a souvent été descendu en flèche car il n'était pas assez critique sur le personnage. Entendez qu'il aurait probablement fallu le représenter en tueur de chatons depuis sa plus tendre enfance. 

Ce qui est étonnant dans ce film, c'est d'abord bien évidemment les performances des acteurs. Bernard Le Coq en Chirac, Samuel Labarthe en Villepin tout à fait délectable. On s'amuse à reconnaître Frédéric Lefebvre, Rachida Dati, Claude Guéant et toute la bande. Denis Podalydès est comme d'habitude parfait, mais là il est en plus perfectissime (ça se dit ? ça sonne bien en tout cas). Il est le personnage, son intonation, ses gestes, son look, tout.  Les dialogues sont ciselés, c'est le festival des bons mots. 

Et surtout, il y a le personnage de Sarkozy. Qui apparaît comme l'outsider, celui qui déboule comme un chien dans un jeu de quilles. Celui qui refuse de jouer le jeu du club des énarques et se bat à sa manière, avec ses convictions et un sens redoutable de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. Celui qui a son franc-parler à l'emporte-pièce et s'en sert pour moucher avec aplomb les emmerdeurs. Un homme qui n'a qu'une faiblesse, sa femme, à la fois redoutable conseillère et cracheuse dans la soupe, qui pousse son mari à agir puis se plaint de son agitation et en profite pour le plaquer au moment opportun - portrait très réussi d'une pauvre petite fille riche, mais aussi épuisée par son pénible mari qui l'agrippe par le bras et la fait marcher à cent kilomètres heures. 


Bref, j'ai été enthousiasmée par le film. Mais si les mauvaises critiques me gènent profondément, ce n'est pas parce qu'elles trouvent le film mauvais - chacun ses goûts, hein. Non, ce qui est gênant, c'est le côté "c'est nul parce que ça ne démolit pas assez Sarkozy". Un peu comme Habemus Papam avait été démoli par les bobos parce que Nanni Moretti n'en avait pas fait un brûlot anti-papauté. Comme s'il y avait des sujets où il fallait forcément être positionné dans un sens ou dans l'autre. Comme si l'objectivité était impossible. Comme si on ne pouvait pas simplement aimer le cinéma parce qu'il nous raconte des histoires, comme s'il fallait toujours donner la charge. 

 






6 commentaires:

  1. Même si je trouve qu'il y a de quoi faire un film "anti-pape" ou "anti-Vatican", j'ai aimé Habemus Papam pour sa subtilité, je n'ai pas été déçu du tout.

    J'ai vu La conquête à sa sortie au cinéma, il y a longtemps, j'ai un peu oublié. Je me rappelle néanmoins qu'au début j'ai aimé le jeu des acteurs puis m'est venu une sorte de "Bon c'est bien joué mais à part ça ? Quel intérêt ?", et je me suis ennuyé.

    Je ne dis rien des mauvaises critiques, je ne les ai pas entendues, ou j'ai oublié. Il y a vraiment eu un grand flot de critiques telles que décrites ici ?

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    1. Disons que le film a beaucoup été critiqué, comme Habemus Papam, pour son manque de critique envers le sujet, sans se préoccuper du fait que, peut-être, ce n'était pas lo'bjectif du cinéaste.

      Sur le film, nous sommes d'accord, ce n'est pas le film du siècle, bien évidemment. Ce qui m'a plu, c'est effectivement le jeu des acteurs, et malgré le côté "film à sketches" qui s'épuise un peu sur la fin, eh bien, j'ai apprécié le résultat. Ce qui m'a intéressée, ce sont les réactions négatives qui n'ont jamais porté sur le film en soi, mais juste sur les choix idéologiques (ou plutôt le refus de choix) du réalisateur. Cela m'a paru gênant et révélateur de la bien-pensance dans laquelle nous nageons : on ne peut pas parler du pape sans être obligé d'en dire du mal, idem pour Sarkozy.

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  2. heu je crois que tu voulais dire "président en 2007"....parce que président en 2012, il me semble que c'est comme l'emmental.

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  3. Cette dénonciation des bobos sous votre plume me gêne un peu... Par bien des aspects, j'appartiens à cette catégorie désormais honnie grâce, rappelons-le, aux sympathiques discours de l'extrême-droite : parisienne de naissance, avec un goût marqué pour l'art et le patrimoine, je suis élève d'une grande école que vous semblez connaître. Mais mes critiques sur les deux films que vous citez n'ont rien à voir avec les arguments censément "bobos" recensés par votre article. La Conquête m'a ennuyée, elle qui avait tout pour me plaire : malgré mon peu d'affection pour notre ancien président, j'aime la politique et j'ai toujours reconnu son talent dans la matière. Quant à Habemus Papam, c'est un film que j'ai apprécié malgré les longueurs de certaines scènes (le volley-ball) et mon peu d'affection, en règle générale, pour le Vatican. Dans mes souvenirs, les critiques n'étaient d'ailleurs pas aussi partiales que ce que vous affirmez, sur l'un comme l'autre film. Alors, bobos, ces arguments ?

    Je me permets aussi, malicieusement, de vous mettre en garde : avec Télérama, vos parents profs et vos études d'histoire, vous incarnez sûrement, vous aussi, le bobo de quelqu'un...

    Sans rancune, et au plaisir de vous lire,
    Louise.

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  4. Je crois aussi être bobo, mais de droite. Si,si, on peut être historienne de l'art, lire des trucs intello, aimer Nicolas Sarkozy (quel tempérament !), la musique classique et Birdy. Entre autres...

    N'oublions pas une chose, essentielle à nos métiers : la transversalité.

    Savoir passer au-delà des clivages crispés, des vernis prédéfinis, pour découvrir à côté des chemins tracés, d'autres voies, d'autres univers. Certes parfois moins rassurants que la Culture formatée "téléramesque", mais si riche de sa diversité (oh, un mot de gauche !)...

    Et puis sans transversalité, sans regards croisés, sans transversalité, point de recherche...

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