jeudi 11 août 2011

Paris révolutionnaire, 2. La rue des Colonnes.




Il y a peu d'exemples d'architecture révolutionnaire en France. D'abord pour une raison toute simple : on avait d'autres chats à fouetter. On ne peut pas toujours tout faire, démonter la Bastille d'un côté, pondre la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, courir après les prêtres réfractaires, et construire des trucs.
Donc on s'est plutôt attachés à investir les lieux déjà existant. C'était bien pratique, avec tous ces nobles émigrés, ça faisait de la place.
Et puis après la Révolution, pensez bien qu'on s'est attaché à vandaliser comme des perdus les rares souvenirs architecturaux de cette époque.

Si vous voulez voir de l'architecture révolutionnaire, il y en a quand même un peu. Le monument Sec, par exemple, à Aix en Provence : il faut sortir un peu du centre-ville mais c'est à cinq minutes de la cathédrale (et à deux minutes du parking où vous vous garez pour aller à la cathédrale) alors au lieu de chercher à acheter des places de festival hors de prix, allez plutôt visiter le monument Sec. Vous m'en direz des nouvelles.
Et pour ceux qui n'auront pas l'occasion d'aller à Aix pendant les vingt prochaines années, voilà de quoi satisfaire votre curiosité intellectuelle : ici.


L'autre exemple, qui est celui dont j'étais partie pour vous causer, est la rue des Colonnes, à Paris, deuxième arrondissement. Il faut être au courant mais si vous êtes comme moi un compulsif des panneaux marron de la mairie de Paris (qui vous informe aimablement des curiosités au fil des rues), vous apprendrez que cette petite rue entre les stations de métro Quatre Septembre et Bourse, eh bien, c'est l'un des rares restes architecturaux de la Révolution.

C'est une jolie rue bordée d'arcades avec un décor antiquisant mais qui fait plus temple d'Abou Simbel que chapiteau corinthien. Jugez plutôt (les photos ne sont pas de moi, j'ai perdu les miennes. Moi au moins j'avais réussi à cadrer un truc potable. Mais eux, il savent garder les photos, alors...)




En fait, les colonnes à palmettes sont censées être inspirées du temple de Paestum. C'était du moins l'idée de Nicolas Jacques Antoine Vestier, l'architecte qui dirigea d'abord le chantier.

Pourquoi une rue à colonnes ? D'abord parce que les colonnes, ça fait antique, et qu'au moment de la Révolution, tout ce qui est antique est trendy. Ensuite, il s'agissait tout simplement de mêler efficacement habitant et commerce, histoire que les gens pussent faire leur shopping sans être trempés. Comme on l'avait déjà fait place des Vosges ou dans les galeries du Palais-Royal. Cela se faisait déjà aussi très bien en Italie du Nord, par exemple. Par la suite, l'idée a fait son petit chemin et a abouti, à Paris, à la rue de Rivoli, mais aussi plus tard à la floraison de passages couverts dans le Paris du XIXe siècle. L'idée est d'avoir des commerces au rez-de-chaussée, et un habitat bourgeois à l'étage avec tout le confort qu'on pouvait rêver à l'époque : dans chaque immeuble, un appartement différent à chaque étage, séparé, avec cuisine, cabinet de toilette, garde-robe, internet par fibre optique, salon et chambre. Le premier étage est l'étage noble avec une pièce supplémentaire qui sert de salle à manger. Cette pièce supplémentaire a été obtenue en plaçant la cuisine dans l'entresol.

Le chantier qui ne fut pas de tout repos. Entre condamnations à mort d'un des entrepreneurs, un autre qui a dû se faire discret pour éviter de passer au rasoir national, et les ennuis financiers des investisseurs, les rebondissements sont nombreux. Les détails sont extrêmement bien racontés sur la page wikipedia à laquelle je vous renvoie car l'article y est à ma foi tout à fait convenable : ici.


La rue des Colonnes a souffert par la suite de l'haussmanisation de Paris : mutilée par le percement de la rue de la Bourse puis celle du Quatre Septembre, il a été question de la reconstruire à l'identique au moment du Bicentenaire de la Révolution. Le projet dort encore dans les cartons de la Marie de Paris et des Monuments historiques, avec d'autres projets farfelus : la reconstruction du palais des Tuileries, celle du château de Saint Cloud... Après tout, il est toujours permis de rêver !




3 commentaires:

  1. Ce billet avive des souvenirs !
    J'ai habité neuf ans Paris et travaillé à une dizaine de minutes à pied de cette rue des Colonnes. En sortant du boulot, j'aimais me balader et je suis passé souvent par la rue des Colonnes.
    De passage dans le quartier avec la femme que j'aimais alors, je lui fis découvrir la rue des Colonnes. Elle lut à haute voix le panneau marron, que je connaissais déjà mais c'est tellement mieux par la femme aimée ! d:-)

    Merci Artémise pour la remontée de ces souvenirs ! Merci pour le rappel historique aussi...

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  2. Honte à moi! Native d'Aix (où je ne vis plus, mais je ne suis pas sûre que ce soit une excuse acceptable), je n'avais jamais remarqué l'existence du monument Sec. Merci de me l'avoir fait découvrir, je ne manquerai pas d'y jeter un oeil lors d'un prochain séjour.
    Et merci pour cette fort instructive série d'été.

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  3. > Christophe,

    Heureuse de vous avoir rappelé de bons souvenirs :)


    > Melalala,

    Rhoooo, pour une Aixoise, c'est mal, très très mal !
    Tu iras voir à ton prochain passage à Aix. C'est tout près du parking Pasteur, sur la gauche, quand on descend du parking vers le centre-ville par l'avenue Pasteur. Tu ne peux pas le louper ! ça fait partie des trucs qu'on ne montre jamais aux touristes qu'on emmène directement à l'atelier de Cézanne...

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