lundi 9 janvier 2012

Le monopole du coeur.

Il y a quelques temps, je discutais avec des amis de la nomination d'un nouveau directeur à la tête d'une grande école française. Blablabla, quelques considérations ne faisant pas forcément avancer le schmilblick. Jusqu'au moment où l'une des personnes présentes se met à expliquer que la nomination de ce nouveau directeur est une très mauvaise chose pour l'établissement dans les années à venir, car vous comprenez, le personnage est assez marqué à droite.

Je m'étonne de son argument car le personnage reste, nous semblait-il, surtout un très grand scientifique, et d'autre part, un homme ayant de grands projets avec les épaules pour les réaliser (du moins est-on en droit de l'espérer), et que si son "marquage à droite" n'est pas un secret, il n'est pas non plus un étendard.

Il nous est alors répondu que non mais avec les élections en 2012, vous comprenez...

Je finis par comprendre, à force de lui demander de préciser son point de vue, que notre interlocuteur (qui du reste ne fait pas mystère de ses sympathies socialistes) est intimement persuadé que c'est la gauche qui va l'emporter aux prochaines élections présidentielles. Que cela ne se discute pas. Que remettre en cause cela, c'est comme discuter de l'existence de Dieu avec un curé ligueur en 1585 - un débat qui vous emmène droit au bûcher.

Je passe sur le sentiment que j'ai eu d'entendre, dans son discours, quelques relents de projets d'épuration politique universitaire pour "quand on serait au pouvoir". Ambiance.



Depuis quelques temps, je suis assez sidérée par l'aplomb de certains militants de gauche, du genre de ceux qui hantent les facultés parisiennes. Nous allons gagner en 2012, c'est ainsi. Les riches sont méchants. La droite c'est méchant. Sarkozy c'est le grand Satan. En revanche, vous pouvez voir à la télé Vincent Lindon expliquer benoîtement devant un François Hollande et un journaliste tout aussi benoîts que "les abus de pouvoir, je suis pour, quand c'est pour faire le bien". Tu mets en doute leurs propositions ? Tu es un salopard qui mange les enfants.

Entendons-nous bien, je ne sais même pas pour qui je voterai dans l'année à venir, même pas si je voterai... Mais cet étalage de certitude d'être forcément le bien, le progrès, la lumière du peuple envers et contre tout, ne m'est pas sympathique. Vraiment pas.






15 commentaires:

  1. En plus il y a un léger sous-entendu dans le discours de votre interlocutrice. Elle ne promet pas de couper des têtes, mais elle ferait sûrement volontiers un congrès de Valence et ne tient pas à ce que le directeur d'une école qui doit lui être chère soit victime de cette "épuration".

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  2. > Naïf,

    en l'occurence c'était un interlocuteur... du reste je doute qu'il se rendait vraiment compte de ce qu'il disait, ce qui m'a le plus gênée, c'est cette totale incapacité à imaginer que la gauche puisse perdre en 2012.
    Sauf qu'à trop vouloir partir gagnant, on finit par se planter royalement.

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  3. Dans une grande école, ne pas se rende compte n'est pas franchement une excuse.
    Imaginer que des gens préfèrent être malheureux grâce à eux plutôt qu'heureux malgré eux dans les limbes du socialisme à visage humain, c'est difficile pour certains esprits. Ce d'autant plus qu'ils ont du mal à produire les effets de leurs intentions et que le Français finit par être méfiant.
    Sinon donnez-moi votre avis sur la critique de Secher que j'ai torchée hier.

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  4. J'ai a-do-ré votre article. Et bizarrement il me renvoie (un peu) au précédent. Surtout ce crétin de Lindon qui aurait sûremement approuvé la Convention. Qui faisait le bien.

    Pardon je suis reparti.

    Non en fait je vous renouvelle mes voeux de bonne année.

    Erig. Monomaniaque. Mais pour rire.

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  5. et cet interlocuteur et certainement persuadé d'être tolérant et ouvert d'esprit ?
    Bonne année ! strassée juste comme il faut !

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  6. Ces "socialistes" sûrs d'eux devraient se rappeler la mésaventure d'un précédent candidat qui se voyait déjà au second tour de la présidentielle.
    (J'ai mis des guillemets à socialistes parce que souvent ils n'ont plus de socialiste que le nom.)

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  7. Il y a des jours où on se demande si des gens comme Vincent Lindon s'affichent "de gauche" autrement pour des raisons sentimentalo-médiatiques (du genre "ça me rapportera vingt points de popularité en plus par rapport à X qui vote à droite"). Je dis ça alors que mes sympathies de gauche ne sont pas un secret pour personne. Mais plus le temps passe, moins j'aime ces représentants-là de la gauche.

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  8. "se planter royalement", il y a une astuce?

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  9. > Naïf,

    C'est vrai que c'est horripilant cette manière qu'ont les "modernes" de savoir absolument mieux que vous ce qui vous convient... un peu comme ces nanas pseudo féministes qui hurlent à la mort contre la série Twilight parce que vous comprenez, c'est l'apologie de la virginité avant le mariage, c'est scandaleux que les filles lisent ça. Mais heu, et si les gens ont ENVIE de lire des trucs comme ça ? Peut-être qu'on peut aussi les laisser choisir ce dont les gens veulent, non ?

    > Erig,

    :)
    Petit bémol, la Convention n'avait pas conscience de "faire le bien". Les conventionnels "faisaient la révolution" et ils étaient parfaitement conscients des saletés que cela générait. Seulement, parfois, au nom d'un idéal, on tranche dans le vif. Par exemple, je pense que les conquistadors étaient tout à fait conscients qu'ils massacraient des gens. Seulement, ce n'était pas leur problème, ils continuaient ce qu'ils estimaient avoir à faire. On est juste dans une autre société, avec un autre univers mental : ce n'est pas comparable.
    merci pour vos voeux :)


    > Athéna,

    Oui il y a de ça. Mais surtout une profonde incapacité à voir que c'est comme ça que le PS a perdu les élections depuis Mitterrand : à force de se dire que c'était gagné d'avance, car puisqu'on est les gentils, les gens gentils vont voter pour nous...
    Et merci pour vos voeux ! bonne année à vous aussi !


    > Cristophe,

    Tout à fait !


    > Marie,

    oui, et moi je me demande comment les militants socialistes, qui s'engagent, qui se bougent sur le terrain, n'en ont pas marre de se voir décrédibilisés par la tête d'un parti qui fait n'importe quoi pourvu qu'on parle d'eux à la télé et qu'on les voie avec des starlettes pour faire du capital sympathie... pffff


    > Tite,

    même pas, je n'y avais pas pensé. Mais c'est bien vu !

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  10. Je ne peux pas répondre pour les militants socialistes vu que je ne suis plus sur le terrain depuis longtemps. Mais la nouvelle génération n'est pas très rassurante de ce point de vue, une copie conforme de l'ancienne qui cherche à se placer.

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  11. Beaucoup de gens de gauche sont parfaitement lucides. Ils savent que les militants en choisissant François Hollande ont décidé de perdre

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  12. C'est d'autant plus surprenant que, si on pense à la même grande école, elle n'est pas tout à fait un enjeu politique de premier plan, et se traîne, de toute façon, une réputation droitière (imméritée à mon avis, mais ce n'est pas la question).

    Je nuancerai votre appréciation des sympathisants "de gauche" ; ils sont loin de pense que c'est gagné... La certitude d'être le bien et donc d'être sûr d'être élu est peut-être une question de tranche d'âge - les autres ont déjà expérimenté la capacité de la gauche à se planter (et, quand elle arrive au pouvoir, à être parfois la meilleure fossoyeuse de ses idéaux)?

    Une dernière remarque : je n'ai jamais été pour les épurations politiques, dans l'absolu, et en plus parce que le marigot dans lequel j'évolue (patrimoine, etc.) est suffisamment petit pour qu'on ait besoin de gens qui ont des convictions professionnelles et des compétences - les convictions politiques étant secondaires.
    Mais cette fois-ci, j'ai vu depuis 5 ans l'équipe politique en place, et surtout sa déclinaison rue de Valois, pourrir l'action publique dans son domaine - à grand coup, en particulier, de nominations fondées sur le copinage dans des proportions inouïes, qui ont fini par donner les rênes à une bande de petits marquis d'une médiocrité abyssale. C'est spécifique je pense à ce ministère ; depuis, j'en ai changé, et je retrouve ce que je connaissais auparavant : une haute hiérarchie que je respecte, même si ce n'est pas ma famille politique.
    A ce niveau d'écoeurement, appliquer les méthodes révolutionnaires rue de Valois semble moins inacceptable... voire carrément tentant.

    En espérant que vous accepterez quand même mes voeux pour cette nouvelle année,
    Passante

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  13. > Passante,

    oui, on doit penser à la même école, qui passe pour l'abri des vieux réacs alors que la plupart des profs + élèves revendiquent une sensibilité de gauche plus ou moins affirmée...

    Je me doute bien que beaucoup de "gens de gauche" ne sont en rien persuadés qu'ils vont forcément l'emporter en 2012. Pas plus tard que vendredi, je discutais avec un professeur de l'université, qui ne fait pas mystère de ses convictions de gauche, et qui démontrait par A + B comment selon lui le président actuel allait remporter les prochaines élections.

    Pour ma part, je n'émets aucun avis, dans la mesure où je crois qu'aujourd'hui, nous sommes tellement dans la politique-spectacle-grand guignol qu'on ne peut rien prévoir : c'est le dernier qui "fera le buzz", comme on dit, qui l'emportera...

    Sur "l'épuration", je crois qu'on a tous eu, à force de fréquenter les grands établissements publics, des envies de grand nettoyage par le vide... en tout cas moi j'en ai eu :)

    Ce qui m'a gênée dans la discussion que je rapporte plus haut, c'est que le type nous faisait un grand discours sur la gauche et ses Valeurs avec un grand V (tandis que la droite serait forcément pourrie par l'argent) et défendait le "racisme politique" en toute bonne foi : pour lui, il était évident que TOUTES les personnalités marquées à droite du milieu universitaire DEVAIENT être dégagées pour que le président PS puisse mener ses réformes, qui seraient forcément bonnes.

    Bref, c'était un peu (toute proportions gardées bien évidemment) comme Staline et la déportation de juifs en Sibérie : on fait pareil que les nazis, mais nous c'est différent parce qu'on le fait pour la bonne cause...

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  14. J'ai de plus en plus de mal à attribuer des valeurs morales à un camp politique..

    D'ailleurs, c'est à l'école que ça a commencé : on y trouve quand même pas mal de gens bien de droite - en tout cas, c'était le cas il y a 20 ans- en plus de ceux qui sont bien à gauche. A l'usage quotidien en petit milieu clos, il était éclatant que le critère politique et les qualités humaines n'ont pas grand chose à voir et les contradictions valeurs revendiquées / comportement réel / préjugés étaient éclatantes. Ca apprend à se lier avec les gens sur d'autres bases (et à essayer d'identifier ses propres contradictions...).

    Dans le même genre, allez donc lire, dans l'interview de JL Mélenchon parue hier dans Métro (ça doit se trouver en ligne), ce qu'il dit de ce qu'il ferait en matière de programme d'histoire s'il est élu. Vous allez adorer

    Passante

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