J'ai, ces derniers jours, entendu plus d'aberrations et de stupidités sur la Révolution, que jamais. A croire que la droite décomplexée, c'est aussi la connerie libérée de la retenue qui sied à ceux qui ne savent pas de quoi ils parlent (c'est un peu comme l'affaire DSK : de même qu'on a tous un anus, on a tous un avis).
Alors, comme acte de résistance à la balourdise anti-révolutionnaire de base, aussi bête que l'angélisme récurrent de la célébration béate de la prise de la Bastille (et du nombre qu'il en reste à prendre, c'est bien connu), j'ai voulu faire une petite série de posts d'été consacrés aux lieux parisiens de la Révolution, choisis et traités de manière arbitraire et tout à fait préférentielle par ma pomme.
A tout seigneur tout honneur, j'inaugure par la maison de Robespierre, située rue Saint Honoré, à Paris.
Ce n'est en fait pas sa maison, mais c'était là que crécha l'Incorruptible à partir de 1791 et jusqu'à sa mort l'été 1794. Il y était logé par un certain Maurice Duplay, entrepreneur en menuiserie, donc un bourgeois aisé et (ce qui allait souvent avec) un révolutionnaire convaincu. Robespierre se faisait loger, nourrir et blanchir par la famille et en profita peut-être pour dragouiller vaguement la fille aînée, Marie-Eléonore, dite Cornélie (la mère des Gracques dans l'Antiquité romaine : ce qui est drôle avec la Révolution, ce sont les prénoms qu'ils se donnent tous : y'a ceux qui font les spartiates, d'autres les romains, etc), tandis que l'un de ses petits camarades, Philippe Le Bas, sortait avec la cadette (et finit par l'épouser).
Point amusant, les historiens se sont longtemps demandé si Robespierre avait ou non épousé en secret ladite Marie Eléonore. On est même allé jusqu'à étudier la disposition des pièces de la maison pour remarquer que pour aller de la chambre de Robespierre à sa dulcinée, il fallait passer par celle des parents, donc que pour faire des cochoncetés, c'était pas gagné.
Les autres estiment que l'Incorruptible avait d'autres choses à faire que de jouer les jolis coeurs, et que donc il n'y avait que peu de chances qu'il ait eu des vues sur la demoiselle. Mais après tout, même s'il doit être le seul homme du XVIIIe siècle à ne pas avoir écrit de roman pornographique, il n'en était pas moins homme, alors n'est-ce-pas...
Evidemment, tout ce petit monde eut des tas d'ennuis après la chute de Robespierre : Mme Duplay fut retrouvée pendue dans son cachot, les autres passèrent un certain temps en prison et eurent de quoi craindre pour leur tête.
Diverses associations, dont celle des Amis de Robespierre, ont au fil des ans cherché à faire apposer une plaque en souvenir du passage du grand homme en ces lieux. La plaque a été apposée après une longue bataille avec les autorités idoines et congruentes (qui ne voulaient pas en entendre parler), elle est encore même aujourd'hui régulièrement caillassée ou élégamment peinte en rouge par des gens qui n'ont toujours pas compris que la Révolution, c'est fini, mais qui se trouvent vachement héroïques quand même (c'est vrai quoi).
La maison, elle, existe toujours, même si très fortement remaniée, au 198 (à l'époque 366) rue Saint Honoré. La première fois que je suis allée voir à quoi cela ressemblait - en 2003, je crois - ce fut assez cocasse. Pour ceux qui connaissent un peu le coin, il faut savoir que tout près, il y a l'église Notre Dame de l'Assomption (une petite église avec un énorme dôme surdimentionné, affreux), qui est l'église polonaise de Paris.
Dans la cour de la maison Duplay, toujours accessible, il y avait ainsi une agence de voyages plus ou moins officieuse, avec une devanture plutôt lépreuse écrite toute en polonais et en russe, destinée ainsi qu'on me l'a expliqué à fournir pour pas cher des voyages en car vers les pays de l'Est, visas (louches) inclus. Ce qui expliquait pourquoi arrivant sur les lieux, je m'étais fait dévisager des pieds à la tête par des types qui rigolaient dans une langue que je ne comprenais pas.
Difficile à expliquer pourquoi, mais je trouvais ça plutôt plaisant, que la maison de Robespierre abrite un truc plus ou moins interlope. Je pensais même que ça ne lui aurait pas déplu.
Et puis, habitant loin du quartier et n'y ayant pas grand chose à faire - n'ayant pas épousé de millionaire - , je n'y suis plus passée pendant plusieurs années. Ou alors sans repenser à cela.
Et puis un soir que nous nous promenions par là avec l'Epoux, je me suis dit "tiens, c'est drôle, on ne devrait pas être loin de la maison de Robespierre". J'ai cherché un peu autour de moi, ouvert l'oeil du bon côté de la rue, regardé les numéro, rien vu. Je me suis dit que j'avais dû mal me souvenir du numéro, depuis le temps.
En rentrant chez moi, j'ai revérifié, j'avais bien souvenir du bon numéro de rue.
Quelques temps plus tard, à l'occasion d'un trou entre deux demi-journées de cour (je suis fonctionnaire donc sur payée à ne rien foutre, c'est bien connu), me voilà avec trois heures à tuer pour aller de Charles de Gaulle Etoile à la rue de Richelieu. Ce qui me laisse largement le temps pour faire toute la rue Saint-Honoré, et repasser devant mon agence de voyages polonaise chelou.
Pour ceux qui connaissent encore, la promenade est loin d'être désagréable, car les boutiques de mode plus ou moins belles alternent avec les galeries d'antiquaires. Evidemment, je suis souvent la seule quiche à lécher les vitrines des antiquaires qui me regardent bizarrement, mais ce n'est pas grave, j'ai l'habitude.
Bref, je descend la rue en direction de la Comédie française, surveillant sur ma gauche les numéros et les portes. Pas d'agence de voyages polonaise. J'ai dû rater l'endroit, me dis-je, avisant les façades. Ou alors...
Un doute m'envahit. Je lève les yeux sur la devanture du Tara Jarmon en face de moi. C'est bien le 198. Et là, encastrée misérablement, la plaque commémorative. Cachée entre deux rubans en plastique décoratifs. Plus de cour intérieure avec des types bizarres en attente d'un visa, mais des bobos friquées vêtues de sacs trop grands et outrageusement colorés, glapissant leur bonheur d'acheter des chiffons hors de prix.
Voilà ce qu'est devenue la maison de Robespierre. Les royalistes sont bien vengés.
O tempora, o mores.
Alors, comme acte de résistance à la balourdise anti-révolutionnaire de base, aussi bête que l'angélisme récurrent de la célébration béate de la prise de la Bastille (et du nombre qu'il en reste à prendre, c'est bien connu), j'ai voulu faire une petite série de posts d'été consacrés aux lieux parisiens de la Révolution, choisis et traités de manière arbitraire et tout à fait préférentielle par ma pomme.
A tout seigneur tout honneur, j'inaugure par la maison de Robespierre, située rue Saint Honoré, à Paris.
Ce n'est en fait pas sa maison, mais c'était là que crécha l'Incorruptible à partir de 1791 et jusqu'à sa mort l'été 1794. Il y était logé par un certain Maurice Duplay, entrepreneur en menuiserie, donc un bourgeois aisé et (ce qui allait souvent avec) un révolutionnaire convaincu. Robespierre se faisait loger, nourrir et blanchir par la famille et en profita peut-être pour dragouiller vaguement la fille aînée, Marie-Eléonore, dite Cornélie (la mère des Gracques dans l'Antiquité romaine : ce qui est drôle avec la Révolution, ce sont les prénoms qu'ils se donnent tous : y'a ceux qui font les spartiates, d'autres les romains, etc), tandis que l'un de ses petits camarades, Philippe Le Bas, sortait avec la cadette (et finit par l'épouser).
Point amusant, les historiens se sont longtemps demandé si Robespierre avait ou non épousé en secret ladite Marie Eléonore. On est même allé jusqu'à étudier la disposition des pièces de la maison pour remarquer que pour aller de la chambre de Robespierre à sa dulcinée, il fallait passer par celle des parents, donc que pour faire des cochoncetés, c'était pas gagné.
Les autres estiment que l'Incorruptible avait d'autres choses à faire que de jouer les jolis coeurs, et que donc il n'y avait que peu de chances qu'il ait eu des vues sur la demoiselle. Mais après tout, même s'il doit être le seul homme du XVIIIe siècle à ne pas avoir écrit de roman pornographique, il n'en était pas moins homme, alors n'est-ce-pas...
Evidemment, tout ce petit monde eut des tas d'ennuis après la chute de Robespierre : Mme Duplay fut retrouvée pendue dans son cachot, les autres passèrent un certain temps en prison et eurent de quoi craindre pour leur tête.
Diverses associations, dont celle des Amis de Robespierre, ont au fil des ans cherché à faire apposer une plaque en souvenir du passage du grand homme en ces lieux. La plaque a été apposée après une longue bataille avec les autorités idoines et congruentes (qui ne voulaient pas en entendre parler), elle est encore même aujourd'hui régulièrement caillassée ou élégamment peinte en rouge par des gens qui n'ont toujours pas compris que la Révolution, c'est fini, mais qui se trouvent vachement héroïques quand même (c'est vrai quoi).
La maison, elle, existe toujours, même si très fortement remaniée, au 198 (à l'époque 366) rue Saint Honoré. La première fois que je suis allée voir à quoi cela ressemblait - en 2003, je crois - ce fut assez cocasse. Pour ceux qui connaissent un peu le coin, il faut savoir que tout près, il y a l'église Notre Dame de l'Assomption (une petite église avec un énorme dôme surdimentionné, affreux), qui est l'église polonaise de Paris.
Dans la cour de la maison Duplay, toujours accessible, il y avait ainsi une agence de voyages plus ou moins officieuse, avec une devanture plutôt lépreuse écrite toute en polonais et en russe, destinée ainsi qu'on me l'a expliqué à fournir pour pas cher des voyages en car vers les pays de l'Est, visas (louches) inclus. Ce qui expliquait pourquoi arrivant sur les lieux, je m'étais fait dévisager des pieds à la tête par des types qui rigolaient dans une langue que je ne comprenais pas.
Difficile à expliquer pourquoi, mais je trouvais ça plutôt plaisant, que la maison de Robespierre abrite un truc plus ou moins interlope. Je pensais même que ça ne lui aurait pas déplu.
Et puis, habitant loin du quartier et n'y ayant pas grand chose à faire - n'ayant pas épousé de millionaire - , je n'y suis plus passée pendant plusieurs années. Ou alors sans repenser à cela.
Et puis un soir que nous nous promenions par là avec l'Epoux, je me suis dit "tiens, c'est drôle, on ne devrait pas être loin de la maison de Robespierre". J'ai cherché un peu autour de moi, ouvert l'oeil du bon côté de la rue, regardé les numéro, rien vu. Je me suis dit que j'avais dû mal me souvenir du numéro, depuis le temps.
En rentrant chez moi, j'ai revérifié, j'avais bien souvenir du bon numéro de rue.
Quelques temps plus tard, à l'occasion d'un trou entre deux demi-journées de cour (je suis fonctionnaire donc sur payée à ne rien foutre, c'est bien connu), me voilà avec trois heures à tuer pour aller de Charles de Gaulle Etoile à la rue de Richelieu. Ce qui me laisse largement le temps pour faire toute la rue Saint-Honoré, et repasser devant mon agence de voyages polonaise chelou.
Pour ceux qui connaissent encore, la promenade est loin d'être désagréable, car les boutiques de mode plus ou moins belles alternent avec les galeries d'antiquaires. Evidemment, je suis souvent la seule quiche à lécher les vitrines des antiquaires qui me regardent bizarrement, mais ce n'est pas grave, j'ai l'habitude.
Bref, je descend la rue en direction de la Comédie française, surveillant sur ma gauche les numéros et les portes. Pas d'agence de voyages polonaise. J'ai dû rater l'endroit, me dis-je, avisant les façades. Ou alors...
Un doute m'envahit. Je lève les yeux sur la devanture du Tara Jarmon en face de moi. C'est bien le 198. Et là, encastrée misérablement, la plaque commémorative. Cachée entre deux rubans en plastique décoratifs. Plus de cour intérieure avec des types bizarres en attente d'un visa, mais des bobos friquées vêtues de sacs trop grands et outrageusement colorés, glapissant leur bonheur d'acheter des chiffons hors de prix.
Voilà ce qu'est devenue la maison de Robespierre. Les royalistes sont bien vengés.
O tempora, o mores.
Je n'ose même pas imaginer quels sacrilèges ont pu commettre les Boches avec la maison d'Adolf…
RépondreSupprimer> Tiens, c'est une question ça. Je vais me renseigner mais à mon avis c'est un peu comme les rares membres de sa famille qui lui ont survécu : ont changé de nom et se sont fait oublier le plus possible...
RépondreSupprimerDidier, je crois que les Américains et les Anglais ont veillé à ce qu'il ne reste plus de maison d'Adolf debout. Pour les autres hauts lieux, ils ont été reconvertis en tribune de circuit automobile.
RépondreSupprimerArtémise, j'espère que vous nous ferez aussi des billets sur la maison à la baignoire de Marat ou sur les épisodes plus tardifs, jusqu'à la mairie du 18ème de Clémenceau, d'où il intervint le 18 mars 1871.
Vous pourrez finir par G. Lenôtre.
Plutôt par le Fouquet's…
RépondreSupprimerPour y déguster un financier...
RépondreSupprimerSans m'vanter, je viens de vous dédier un petit billet…
RépondreSupprimerMaximilien ! Mon amour historique (platonique et pour cause, la nécrophilie ne m'attirant aucunement) de mes 17-18 ans !
RépondreSupprimerRobespierre est devenu le bouc émissaire de la Révolution française. On le pointe comme responsable de tous les torts, toutes les dérives qui ont eu lieu. Certes, "quiconque tremble est coupable" est bien loin des enseignements de JJ Rousseau... Mais porter aux nues Napoléon qui a mené à une mort certaine bien plus de Français que la guillotine et le Tribunal Révolutionnaire, me reste toujours en comparaison, en travers de la gorge...
En effet, entre tous les discours à écrire, les projets de lois à pondre, les rapports à étudier, Robespierre n'avait pas trop le temps ni surtout l'énergie pour courir l'Eléonore. Durant 1794, beaucoup s'inquiétait sur sa santé qui s'étiolait.
Ce qu'est devenu sa maison, son lieu de résidence, devrait plutôt le faire sourire : vivre entre deux univers, deux réalités du monde, c'est bien là où il a situé toute sa lutte après tout.
> Zazaone,
RépondreSupprimerAh, merci, quelqu'un qui me comprend
J'ai eu aussi pendant longtemps une grande affection pour Maximilien (appelons-le par son petit nom), et même si maintenant je suis plutôt tournée vers les périodes antérieures (Louis XIII et Richelieu, pas exactement le même style), j'en garde des traces...
Ce qui m'horripile comme vous, c'est le systématisme qu'on peut entendre dans certains cercles : Robespierre, en gros, c'est Hitler, c'est Staline, c'est Pol Pot. Et quand vous avez le malheur de faire remarquer que ni les périodes, ni les motifs, ni le contexte, ne sont les mêmes, vous vous faites lyncher...
Or le personnage de Robespierre est extrêmement intéressant, par son parcours et par ses idées. Il suffit de lire ses discours (publiés en 10-18 : pas cher :)) pour s'en convaincre.